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Dossier - ESG, engagements des banques

Créé le

20.11.2023

-

Mis à jour le

26.12.2023

Alors que le label ISR, outil majeur auprès des particuliers pour l’investissement socialement responsable en France, se durcit, les banques donnent corps à leurs engagements pour assurer la transition énergétique. Tous leurs métiers sont désormais mobilisés.

En préambule de la présentation des résultats du troisième trimestre (T3) 2023, Slawomir Krupa a rappelé que Société Générale, qu’il dirige depuis le mois de mai, est « fermement engagée » dans les Objectifs de développement durable (ODD) des Nations unies, avec leur « agenda 2030 » adopté à la mi-août, qui vise à transformer notre monde en éradiquant la pauvreté et les inégalités, en assurant sa transition écologique et solidaire. Slawomir Krupa a aussi réaffirmé les cibles du groupe, exposées aux investisseurs le 18 septembre, pour un alignement de ses financements dans des trajectoires compatibles avec une neutralité carbone en 2050, en commençant par les secteurs les plus émetteurs de carbone tels que définis par la Net Zero Banking Alliance (NZBA). Il en a même précisé une nouvelle pour l’acier : un score d’alignement à 0 d’ici à 2030, évalué selon les Sustainable Steel Principles par rapport aux scénarios à 1,5 °C de l’Agence internationale de l’énergie et du MPP (Mission Possible Partnership’s Technology Moratorium).

Si Société Générale va consacrer 100 millions d’euros à réduire l’écart de rémunération entre hommes et femmes et vise plus de 35 % de dirigeantes au niveau mondial en 2026, force est de constater que les banques françaises semblent plus focalisées sur le « E » (environnement) que sur le « S » (social) ou le « G » (gouvernance) des critères ESG. Notre dossier montre l’importance de chacun.

Sans doute n’est-ce pas étranger au fait que des organisations non gouvernementales (ONG) ont fait monter la pression d’un cran au Climate Finance Day de l’an dernier à Paris, avec une action menée en vertu de la loi française à l’encontre de BNP Paribas, « premier financeur européen et cinquième mondial du développement des énergies fossiles », selon l’ONG Oxfam.

Pragmatisme et scepticisme

S’ajoute aussi la pression réglementaire. « Mon prochain cheval de bataille, ce sont les plans de transition », déclare Nathalie Aufauvre, secrétaire générale de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR), à Revue Banque (n° 884). Si la notion de « sobriété » est difficile à assumer, celle de « durabilité grandit, avec une maturité en 2028/2030 », prévient Patrick de Cambourg, président du Sustainability Reporting Board du Groupe consultatif pour l’information financière en Europe (Efrag), dont les travaux fondent un nouveau langage commun en Europe, des normes de reporting, les European Sustainability Reporting Standards (ESRS, Revue Banque n° 883).

Pourtant, « en matière de financement de la transition énergétique, la réponse européenne reste à construire, pour l’essentiel, estime Jean-Laurent Bonnafé, directeur général de BNP Paribas (La Tribune Dimanche, 29 octobre 2023). Il faudra en particulier s’appuyer sur les initiatives des différents pays, sans en entraver la bonne marche du fait d’un cadre européen parfois trop rigide. » Or la transition énergétique coûte cher, « très cher et s’inscrit dans le temps long », souligne le patron de la première banque de la zone euro qui accompagne dans cette voie ses clients, des particuliers aux grands groupes, en passant par les très petites entreprises (TPE).

Affichant la plus forte appétence pour les financements obligataires verts des 16 principales banques mondiales et la plus faible pour ceux des énergies fossile sur les 12 derniers mois (source : étude Agence française pour les investissements internationaux), BNP Paribas accélère. Dans sa présentation du T3, « la banque d’un monde qui change » rappelle ses objectifs pour 2025, et pour 2030 : sortie du charbon thermique dans les pays de l’Union européenne et de l’OCDE, 40 milliards d’euros d’exposition de crédit à la production d’énergies bas carbone, tandis que 80 % des expositions de crédits à la production d’énergie le seront au bas carbone.

Réchauffement climatique

Les engagements des banques se concrétisent. « Crédit Agricole Transitions & Énergies » vient ainsi d’être lancé, sous la direction d’Éric Campos, membre du Comex et directeur de l’engagement sociétal de Crédit Agricole SA (Casa). La banque verte devient « énergéticien des territoires » avec la production et la fourniture d’électricité bas carbone en circuit court pour les entreprises et collectivités locales, et des solutions offertes aux clients, y compris particuliers avec 50 conseillers en transition énergétique déjà en poste dans les 39 Caisses régionales. Numéro un en France des investissements et du financement privé dans les énergies renouvelables (EnR), le groupe s’engage sur 1 milliard d’euros en fonds propres pour renforcer les producteurs d’EnR en 2030 et 19 milliards de plus en financements via Unifergie, l’offre d’ingénierie financière et juridique du groupe, avec la Banque des Territoires (lire « Rencontre avec » Olivier Sichel, son directeur). Au T3, Casa a revendiqué l’implication de tous les métiers pour une trajectoire Net Zéro dans le cadre de Stratégie Climat, selon ses ambitions 2025 présentées en juin 2022.

Il y a deux ans, BPCE a aussi placé la transition énergétique comme une priorité du plan stratégique 2024. Le groupe et Natixis ont alors publié leurs premiers rapports climat suivant les recommandations de la TCFD (Task Force on Climate-Related Financial Disclosures) et détaillé leurs actions pour s’adapter aux effets du changement climatique, avec un objectif de neutralité carbone en 2050. Afin de piloter leur déclinaison dans toutes ses entreprises (Banques Populaires, Caisses d’Épargne, Casden, Crédit Coopératif, Banque Palatine, Natixis Corporate & Investment Banking et Natixis Investment Managers), en juin 2022, BPCE a mis en place des outils spécifiques pour mesurer ses actions, et créé le Centre de finance durable, une plateforme d’expertises rattachée à la direction RSE. Ses équipes digitales ont aussi développé, pour les 24 millions de clients particuliers des réseaux, la plateforme « Conseils et solutions durables ».

L’engagement des groupes bancaires français n’est pas nouveau. La Banque Postale bénéficie ainsi de notations extra-financières (MSCI et Moody’s ESG Solutions) de premier ordre, avec des actions qui se sont encore illustrées cette année, comme le crédit immobilier à impact ou la possibilité donnée aux clients de mesurer leur empreinte carbone via leur application mobile.

La mobilisation du secteur s’intensifie. À compter du 1er juillet 2024, par exemple, toute entreprise énergétique qui n’aurait pas une trajectoire constatée de baisse de production d’hydrocarbures d’une année sur l’autre ne pourra plus bénéficier de financement, assure le Crédit Mutuel Alliance Fédérale pour son compte et ses filiales. Cet engagement « inédit pour un groupe bancaire de cette ampleur est aussi une traduction de la mise en œuvre du dividende sociétal, qui consiste également à renoncer à des revenus pour préserver le bien commun », revendique le groupe mutualiste. E, S, G : les trois lettres comptent.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº886
ISR, le choix de la qualité sur la quantité
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Le 7 novembre 2023, le ministre de l’Économie et des Finances Bruno Le Maire a annoncé soutenir la proposition d’un label ISR élargissant le champ d’exclusion. À partir de 2025, les fonds utilisant ce label français créé en 2016 ne pourront plus investir dans des entreprises impliquées dans de nouveaux projets liés à l’exploration, l’exploitation et le raffinage de combustibles fossiles, qu’ils soient conventionnels ou non conventionnels. De plus, les entreprises fortement émettrices de carbone seront tenues d’adopter progressivement des plans de transition alignés sur l’Accord de Paris. S’il reste à en connaître les critères exacts, « les principales valeurs énergétiques qui seront affectées par la nouvelle règle d’exclusion sont TotalEnergies, Neste, Eni, Repsol, Galp Energia, BP, Shell et OMV », relève Morningstar. Sur les quelque 1 200 fonds ISR identifiés dans Morningstar Direct, 45 % ont une certaine exposition au secteur de l’énergie traditionnelle, pour un total d’environ 7 milliards d’euros d’actifs. « L’univers des fonds labellisés ISR va probablement se réduire, estime Morningstar, car les gestionnaires de portefeuille qui trouveront les nouveaux critères trop contraignants abandonneront le label. »
RB