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Les banques espagnoles sommées de redoubler leurs efforts

Créé le

14.11.2023

-

Mis à jour le

20.11.2023

Malgré d’importants progrès, les établissements de crédit d’Espagne restent encore très exposés aux énergies fossiles.

À coup de communiqués de presse, les banques espagnoles multiplient les annonces relatives à leur engagement des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) : « Il y a cette certitude en interne qu’il est nécessaire d’œuvrer en faveur d’un développement durable et pérenne, estime Manuel Romera, professeur de direction financière à l’IE University à Madrid, mais cela n’exclut pas l’existence d’une composante marketing forte dans les stratégies de ces établissements. »

Sur le fond, Vicente Bermejo, professeur assistant au sein du département d’économie, finance et comptabilité à l’université Esade, juge que l’approche des banques espagnoles en matière d’ESG est assez uniforme : « Les grandes banques du pays sont en avance dans ce domaine et ont publié pour la quatrième année leurs objectifs de stratégie de décarbonation pour leur portefeuille à moyen et long termes (2030 et 2050) dans le cadre de la TCFD (Task Force on Climate-related Financial Disclosures). »

Quelques différences existent néanmoins entre elles. L’agence de notation de durabilité autorégulée Standard Ethics publie des classements d’un certain nombre d’entités en se basant sur neuf notes, dont la meilleure est EEE et F la plus basse. Dans cette nomenclature, EEE, EEE-, EE+, EE et EE- sont considérées comme des notes garantissant un niveau de durabilité adéquat. D’après la dernière édition publiée le 10 novembre et portant sur les 40 banques européennes cotées les plus importantes, les établissements espagnols représentent 10 % de l’indice. Deux avec des notes durables complètes (EE pour BBVA et EE- pour Banco de Sabadell). Deux (Banco Santander et CaixaBank) avec des notes inférieures (E+), assorties néanmoins de perspectives positives pour une future révision potentielle de la notation. « Nous pouvons souligner positivement les progrès réalisés (par les banques espagnoles, ndlr) en matière de durabilité et d’alignement sur les indications internationales fixées par l’UE, l’OCDE et les Nations unies, explique Beatrice Gornati, vice-directrice au sein de Standard Ethics. De toute évidence, les banques les mieux notées se rapprochent davantage des meilleures pratiques en raison de l’adoption accrue de politiques ESG (souvent formalisées dans des codes d’éthique ou de conduite) et de modèles de gestion des risques ESG plus avancés. Il reste généralement encore des progrès à accomplir dans les sujets de gouvernance d’entreprise, comme l’égalité entre les sexes et l’indépendance au niveau du conseil d’administration, par exemple. »

Parmi les points positifs, Vicente Bermejo discerne aussi un engagement très fort de ces établissements en faveur du financement de la transition énergétique : « L’idée n’est pas d’investir dans de nouveaux projets qui ne sont pas durables, mais d’investir dans le démantèlement de projets qui ne le sont pas », précise-t-il. Dans le cadre de sa feuille de route à horizon 2025, le numéro un domestique, CaixaBank, s’est engagé à soutenir la transition à hauteur de 64 milliards d’euros, dont près de 40 milliards ont déjà été utilisés. Le numéro deux, BBVA, a augmenté à l’automne 2022 son objectif de financement durable de 50 %, pour atteindre 300 milliards d’euros à horizon 2025.

Passer d’un modèle à l’autre

Pas de quoi convaincre pleinement la Banque d’Espagne. À l’occasion de la publication de son rapport d’automne sur la stabilité financière, l’organisme a indiqué que quelque 80 % de l’exposition totale des prêteurs espagnols aux risques liés à la transition climatique – soit un volume de crédit supérieur à 660 milliards d’euros sur un total de 825,4 milliards dans les bilans – était lié à des secteurs très polluants. « Malgré toutes les mises en garde découlant du manque de données granulaires sur la situation des entreprises individuelles, ces secteurs doivent redoubler d’efforts pour décarboner leurs activités », pointe l’étude.

À l’occasion d’une table ronde début novembre consacrée à la finance durable, la gouverneure adjointe de la Banque d’Espagne, Margarita Delgado, a réitéré le message en signalant que les banques nationales avaient « un long chemin à parcourir » en matière de décarbonation : « Le secteur bancaire approuve la prise de conscience de la décarbonation mais la manière dont cela se traduit dans la pratique est une autre question », a-t-elle averti. De leur côté, les experts tempèrent : « Il faut pouvoir passer d’un modèle d’utilisation d’énergies contaminantes à un modèle vert petit à petit sans provoquer une faillite », relativise Manuel Romera, « une vitesse d’exécution trop grande pourrait conduire à une véritable débâcle ».

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº886
RB