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Rétrospective 2018

Dynamiser l’épargne de long terme

Créé le

06.12.2018

-

Mis à jour le

03.01.2019

Orienter l’épargne vers le financement de l’économie est un objectif à l’échelle européenne (avec le projet d’Union des marchés de Capitaux) qui trouve sa déclinaison en France au travers du projet de loi PACTE. Cette loi comprend plusieurs dispositions visant à inciter les épargnants à orienter davantage leurs placements vers les dispositifs dédiés à l’épargne retraite. Aujourd’hui, les Français orientent une grande partie de leur épargne vers l’assurance vie qui, de facto, est devenu un support pour préparer la retraite. Ainsi l’assurance vie totalisait fin 2017 un encours de 1676 milliards d’euros (dont 80 % sont des fonds euros). Selon une estimation d’Odette Cesari, Directeur Épargne Retraite Entreprise chez AXA France, un tiers de cette manne, serait utilisé pour la retraite. Tandis que l’épargne formellement dédiée à la retraite (PERCO, articles 83, PERP…) pèse seulement 200 milliards d’euros environ. Le gouvernement préférerait que l’épargne s’oriente davantage vers les supports moins liquides, dédiés à la retraite et donc davantage investis en actions. Plusieurs mesures de la loi PACTE vont rendre plus attractive l’épargne retraite qui sera plus simple et plus souple. Les débats qui ont eu lieu en 2018 pendant la genèse du projet PACTE ont largement concerné la façon de sortir d’un dispositif retraite : fallait-il imposer aux retraités de percevoir une rente ? Le gouvernement a finalement opté pour une certaine liberté de choix : « La sortie en rente restera la règle pour les sommes issues des versements obligatoires ; en revanche, pour tout ce qui correspondra aux versements volontaires et à l’épargne salariale, l’assuré aura le choix entre une sortie en rente ou en capital », explique l’avocate Isabelle Hadoux-Vallier, counsel chez August Debouzy.

Outre les dispositifs clairement dédiés à la retraite, les épargnants sont susceptibles de réaliser d’autres placements de long terme investis en actions mais ils n’y sont pas toujours incités, comme l’a découvert Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants à l’AMF : « Lors de l’une de nos visites mystère [1] , le visiteur était un jeune actif, aisé, déjà doté d’une épargne de précaution et souhaitant investir en actions. 100 % des conseillers bancaires auraient dû lui proposer un PEA et un investissement en actions en direct ou via des fonds. Dans les faits, seulement la moitié des établissements lui ont proposé ce type de placement ! »

Les conseillers bancaires seraient donc peu enclins à proposer des placements en actions, et parfois insuffisamment précis pour explorer les besoins de long terme des particuliers. MIF2 – ou une mauvaise lecture de cette directive – pourrait également expliquer la réticence des banques face à ces actifs.

Ils ont dit

Indispensable prise de risque

« L’AMF souhaite que l’investissement de long terme en actions soit véritablement proposé aux épargnants ; en effet, dans le contexte de taux actuel, il est indispensable de prendre un peu de risque afin d’obtenir une épargne performante et répondre aux besoins de long terme. »

Claire Castanet, directrice des relations avec les épargnants, AMF, Revue Banque n° 826, décembre 2018.

Une offre de moins en moins tournée vers les produits actions

« Selon les visites mystères de l’AMF, l’offre de conseil bancaire s’est « dégradée » entre 2012 et 2015, en particulier sur des notions clés du questionnaire client (projet, horizon de placement, charges…). Quelles qu’en soient les raisons ‒ fiscalité dissuasive, formation économique insuffisante des conseillers financiers, rigidité de certaines directives européennes liées à ces conseils, etc. ‒, cette offre est de moins en moins tournée vers les produits actions (que la détention soit directe ou indirecte), à l’exception notable des contrats en UC dont l’offre est plébiscitée »

Luc Arrondel, directeur de recherche, CNRS, PSE, et André Masson, directeur de recherche, CNRS, PSE, directeur d'études, EHESS, Revue Banque n° 826, décembre 2018.

Insuffisante diversification

"31.5 % des placements financiers des Français sont investis en contrats en Euro en assurance vie, dont les rentabilités sont aujourd’hui très faibles, et 6.9 % en unités de compte. L’investissement direct en actions (titres vifs ou fonds) est faible, de l’ordre de 8 % du patrimoine financier. Cette diversification insuffisante se retrouve également sur les placements en épargne salariale, même lorsque l’offre de fonds offerte par les entreprises est large et diversifiée. Par exemple, plus de 30 % des individus ne détiennent pas du tout d’actions, et 10 % sont entièrement investis sur des actions de leur employeur".

Marie Brière, responsable du Centre de recherche aux investisseurs, Amundi, et Xavier Collot, président du comité Épargne salariale et Retraite, AFG, Revue Banque, supplément au n° 826, décembre 2018, pp. 30-33.

Des pays qui misent sur l’épargne retraite par capitalisation

« La baisse généralisée du taux de remplacement servi par les régimes publics (« pay as you go ») a conduit plusieurs pays, des États-Unis à la Nouvelle-Zélande, en passant par l’Italie ou le Royaume-Uni, à mettre en place de nouveaux dispositifs permettant la généralisation de l’épargne retraite par capitalisation, le plus souvent en s’appuyant sur la retraite d’entreprise »

Jérôme Dedeyan, associé fondateur Eres, président de la Commission épargne CSCA (Chambre syndicale des courtiers d'assurance), Revue Banque n° 820, mai 2018, pp. 28 -29.

Sortir en rente ou en capital : l’opinion d’AXA

« Des tas de raisons devraient nous amener à préférer les rentes viagères :

  • d’abord elles sont viagères… donc elles ne s’éteindront pas avant nous ;
  • ensuite gérer son capital à 65 ans pas de problème (encore que…), à 75 ans, ça va encore, à 90 et plus, c’est illusoire ;
  • on peut choisir des options qui couvrent toutes les situations : paiement de la rente pendant x années même si on meurt avant, rente croissante (si on pense que plus on vieillit plus on dépense pour se soigner), rente décroissante (si on pense qu’on va d‘abord beaucoup voyager et ensuite se calmer), et bien sûr réversion pour protéger son conjoint ;
  • l’épargne continue à être placée par l’assureur, qui va continuer à détenir des actions, la rente pourra donc être régulièrement revalorisée ;
En synthèse, la rente viagère permet de dormir tranquille, et c’est bien l’objectif des épargnants qui n’aiment pas prendre de risque… »

Odette Cesari, directeur Épargne Retraite Entreprise, AXA France, Revue Banque n° 820, mai 2018, p. 38.

Sortir en rente ou en capital : l’opinion de Natixis Interépargne

« Natixis Interépargne et Amundi ont mené récemment une enquête confiée à Audirep auprès de 130 000 salariés détenteurs d’épargne salariale pour connaître leurs motivations à se constituer une épargne retraite : il ressort que 77 % des épargnants plébiscitent une sortie en capital. En effet, en prenant l’exemple d’une épargne accumulée de 100 000 € au moment du départ en retraite, plus de 77 % des épargnants interrogés préfèrent disposer librement de l’intégralité du capital (et des futures plus-values) avec retrait possible à tout moment, plutôt que d’une rente viagère de 325 € par mois. »

Frédéric Lenoir, directeur de l’expérience client, Natixis Interépargne, Revue Banque n° 820, mai 2018, p. 40.

 

1 Parmi ses outils de contrôle, l’AMF dispose des visites mystère : un salarié de l’AMF se présente comme un client ordinaire dans une agence pour observer de quelle façon les produits financiers y sont commercialisés.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº827
Notes :
1 Parmi ses outils de contrôle, l’AMF dispose des visites mystère : un salarié de l’AMF se présente comme un client ordinaire dans une agence pour observer de quelle façon les produits financiers y sont commercialisés.