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Epargne salariale

« 77% des épargnants plébiscitent une sortie en capital »

Créé le

18.04.2018

-

Mis à jour le

26.04.2018

À l’heure où le gouvernement cherche à développer l’épargne retraite, un sondage révèle que la plupart des épargnants préfèrent sortir de ces dispositifs en disposant à leur guise du capital accumulé plutôt que de percevoir une rente viagère. Au travers de la loi PACTE, le gouvernement devrait répondre à cette aspiration en maintenant, quand elle existe, la liberté de choix entre le capital et la rente, et peut-être même en l’amplifiant.

Que représente l’épargne retraite aujourd’hui ? Est-elle suffisamment développée ?

Alors que 74 % des Français estiment que leur pension est ou sera insuffisante pour vivre correctement (selon une enquête menée par Le Cercle de l’Épargne en mars 2018) et malgré une forte propension des Français à épargner, l’épargne retraite occupe une place encore insuffisante : sur 4 900 milliards € d’épargne financière détenue par les ménages en France [1] , un peu plus de 200 milliards € seulement sont alloués spécifiquement à l’épargne retraite.

En 2015, 78 % de cette épargne était souscrite dans un cadre professionnel :

  • soit à titre collectif : PERCO, contrats relevant de l’article 39 du CGI, de l’article 83…
  • soit à titre individuel : contrats Madelin.
Les dispositifs de retraite supplémentaires souscrits dans un cadre personnel (comme le PERP) restaient, quant à eux, limités à moins du quart des souscriptions. Cette répartition illustre le rôle que joue l’entreprise pour diffuser l’épargne retraite.

Un des gros enjeux de la loi PACTE sera de renforcer le cercle vertueux en faveur de l’effort d’épargne de long terme, qui doit contribuer par ailleurs au financement de l’économie.

Comment la loi PACTE pourrait-elle mieux orienter l’épargne financière vers l’épargne retraite ?

Certaines mesures annoncées fin mars par le gouvernement devraient répondre à l’aspiration profonde des épargnants pour la souplesse, comme le libre choix du mode de sortie à la retraite (capital ou rente viagère).

Natixis Interépargne et Amundi ont mené récemment une enquête confiée à Audirep auprès de 130 000 salariés détenteurs d’épargne salariale pour connaître leurs motivations à se constituer une épargne retraite : il ressort que 77 % des épargnants plébiscitent une sortie en capital. En effet, en prenant l’exemple d’une épargne accumulée de 100 000 € au moment du départ en retraite, plus de 77 % des épargnants interrogés préfèrent disposer librement de l’intégralité du capital (et des futures plus-values) avec retrait possible à tout moment, plutôt que d’une rente viagère de 325 € par mois.

Ils souhaitent également laisser leur épargne fructifier au-delà de leur départ à la retraite, tout en ayant le choix de « piocher » dedans à tout moment. Nous constatons effectivement que l’épargne constituée dans le PERCO reste investie 8 ans en moyenne après le départ en retraite. Enfin, la libre transmission aux héritiers de l’épargne retraite accumulée est une motivation très forte à épargner.
Par ailleurs, la loi PACTE devrait favoriser la transférabilité entre les dispositifs, notamment en cas de départ de l’entreprise. C’est un facteur appréciable dans la mesure où les carrières deviennent moins linéaires (avec le passage d’un statut de salarié à un statut d’indépendant, ou vice-versa). L’effort de pédagogie à destination des salariés reste essentiel. Un des atouts du PERCO est que la pédagogie peut être déployée par l’entreprise, auprès des salariés déjà familiarisés à l’épargne salariale, via le PEE.

Enfin, les incitations fiscales seront favorablement accueillies.

Si la loi PACTE parvient à gonfler les encours de l’épargne retraite, cette évolution se fera-t-elle forcément au détriment de l’assurance vie ?

L’univers de l’épargne a été longtemps dominé par deux caractéristiques majeures :

  • une baisse tendancielle et historique des taux longs qui valorisait en particulier l’immobilier et l’assurance vie ;
  • un avantage majeur donné par les épargnants aux supports défiscalisés à taux réglementés tels le Livret A, le PEL… par rapport aux instruments de marché.
En outre, n’oublions pas que nous avons connu deux krachs d’ampleur séculaire depuis 2000 qui ont malheureusement entretenu l’aversion au risque des épargnants.

Aujourd’hui, nous assistons à la fin de la baisse des taux longs, ainsi qu’à la diminution des taux réglementés. Au-delà des changements que pourrait apporter la loi PACTE, il s’agit d’un changement de paradigme qui pourrait stimuler l’épargne retraite, et notamment le PERCO. La baisse des rendements pourrait inciter les épargnants à modifier l’allocation de leur épargne pour conserver une certaine rémunération, et investir dans des actifs plus dynamiques.

D’ailleurs, pour la première fois depuis la crise financière, l’AMF a constaté en 2017 un rebond de la détention des actions par les particuliers.

Attendez-vous, de la part du gouvernement, qu’il favorise l’épargne financière qui semble pâtir de l’effort d’épargne consacré à l’acquisition d’un patrimoine immobilier ?

L’épargne retraite s’insère dans une approche patrimoniale globale, qui intègre la détention immobilière. D’après l’enquête du Centre de l’Épargne menée en février 2018, 65 % des Français jugent que la possession de la résidence principale « constitue la meilleure solution » pour se constituer une retraite ; elle demeure une préoccupation incontournable. En 2017, l’épargne salariale a aidé 169 000 foyers à acquérir leur résidence principale, à hauteur d’un apport personnel de 12 500 € ; le PERCO n’oppose pas l’épargne financière à la détention immobilière, mais il concourt à ces deux formes d’épargne en vue de la retraite.

Alors que l’âge moyen des épargnants au sein du PERCO avoisine les 42 ans, la possibilité de libérer l’épargne accumulée pour l’acquisition de la résidence principale permet d’attirer les jeunes générations et de les familiariser avec l’épargne retraite.

Les jeunes générations sont-elles suffisamment sensibilisées à la nécessité de constituer une épargne retraite ?

Les jeunes générations ont conscience du déséquilibre des retraites, la nécessité de constituer une retraite par capitalisation ne fait plus débat. Alors que l’investissement moyen annuel dans le PERCO s’établit à 1 814 € pour les épargnants – tous âges confondus – ayant un compte chez Natixis Interépargne en 2017, nous constatons que l’effort d’épargne est multiplié presque par trois entre le début et la fin de carrière. Il nous semble particulièrement important d’inciter les jeunes générations à enclencher tôt une démarche d’épargne régulière. Ces générations ont des capacités d’épargne moindres, mais elles tirent avantage de la valorisation de leur épargne sur une durée d’investissement longue.

Le PERCO constitue un cadre très favorable pour cela, car l’entreprise accompagne leur effort d’épargne (par la participation, l’intéressement, l’abondement, le cas échéant), et il offre la flexibilité d’investir avec plus ou moins d’intensité, selon les contraintes du moment (il n’existe aucune obligation d’engagement sur un montant de cotisations).

Dans quelle mesure l’épargne investie dans le PERCO contribue-t-elle au financement de l’économie ?

Alors que 3 épargnants sur 10 se déclarent enclins aux placements en actions [2] , nous constatons chez Natixis Interépargne que l’épargne accumulée dans le PERCO est investie aux deux tiers en actions et fonds diversifiés. L’attrait pour ces placements est sensible chez les épargnants qui ont opté pour la gestion libre, notamment ceux de plus de 45 ans, qui, lorsqu’ils arrivent à la retraite, conservent encore une épargne dynamique à hauteur de 40 % environ.

Par ailleurs, la gestion pilotée est devenue le mode de gestion par défaut. Depuis la Loi Macron (2015), elle voit sa part relative progresser (elle représente le tiers des actifs sous gestion investis dans le PERCO). La gestion pilotée contribue aux investissements en actions.

L’épargne accumulée dans le PERCO répond donc bien au financement à long terme de l’économie. Notons que, depuis 2015 également, le financement des PME est favorisé dans le PERCO : les encours investis en PME-ETI (dans les « PERCO + ») ont dépassé le milliard d’euros, à fin décembre 2017.

Quels sont les facteurs déterminants pour susciter davantage l’adhésion des épargnants ?

En 2017, 27 % des salariés avaient la possibilité de souscrire à un PERCO ; ce chiffre croît de manière régulière depuis 2006.

Deux facteurs nous semblent primordiaux pour réussir une démarche d’épargne retraite au sein de l’entreprise : la pédagogie d’une part, l’aide financière de l‘entreprise, d’autre part.

La mise en place d’un PERCO donne lieu à une communication de l’entreprise et elle relance bien souvent l’intérêt des salariés pour l’épargne salariale. C’est l’occasion pour l’entreprise de mieux valoriser ses dispositifs de partage des profits (la participation et l’intéressement). Ainsi, nous constatons que la démarche d’épargne est mieux ancrée au sein des entreprises pourvues d’un PEE et d’un PERCO : en présence des deux dispositifs, les salariés investissent davantage leur participation et/ou leur intéressement qu’en la seule présence du PEE. Il s’agit d’un effort d’épargne relativement « indolore », qui peut être complété par le transfert de jours non pris vers le PERCO ; cette dernière possibilité est encore insuffisamment pratiquée par les salariés.

La communication intègre également la pédagogie financière, afin que les salariés puissent faire un choix d’investissement en cohérence avec leur horizon de placement et le niveau de risque souhaité. Une initiative de place récente, comme la Semaine de l’épargne salariale, menée à l’initiative de l’AMF et soutenue par la ministre du Travail a été l’occasion de relayer plus largement la formation financière au-delà du cadre de l’entreprise.

Facteur décisif de réussite, l’effort pédagogique doit être toutefois poursuivi dans la durée. La visibilité doit être privilégiée pour donner à l’épargnant un sens à moyen-long terme à sa démarche. Par exemple, il importe que le salarié puisse estimer de façon autonome et simple le montant de sa future retraite et conceptualiser l’effort d’épargne nécessaire pour atteindre le niveau de remplacement souhaité, en optimisant son épargne d’entreprise.

Bien sûr, l’aide financière de l’entreprise demeurera un « stimulant » puissant à épargner, l’abondement étant la principale source d’alimentation du PERCO. À titre d’exemple, en 2017, 71 % des épargnants qui ont versé dans le PERCO – ayant un compte chez Natixis Interépargne – ont reçu de l’abondement à hauteur de 852 €.

Au-delà de l’épargne retraite, attendez-vous d’autres changements de la loi PACTE ?

La loi PACTE a été également l’occasion de susciter un débat autour du partage des profits et du financement de l’économie. Elle devrait faciliter l’accès des PME à l’épargne salariale, d’une part, et favoriser le développement de l’actionnariat salarié, d’autre part. La suppression du forfait social sur l’intéressement pour les entreprises de moins de 250 salariés, qui a été annoncée très récemment par le président de la République, sera une puissante incitation en faveur de l’épargne salariale.

Les mesures envisagées sont complémentaires à l’inflexion qui sera donnée à l’épargne retraite et elles s’insèrent pleinement dans la démarche de modernisation de l’économie.

 

1 Source : Banque de France, 3e trimestre 2017.
2 Source : Baromètre de l’AMF 2018.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº820
Notes :
1 Source : Banque de France, 3e trimestre 2017.
2 Source : Baromètre de l’AMF 2018.