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Dossier - LCB/FT, Lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme

Créé le

17.03.2023

-

Mis à jour le

26.12.2023

La France dispose d’un corpus jugé efficace contre la criminalité financière. Une plus grande convergence est cependant attendue au niveau européen, tandis que le numérique rebat en partie les cartes.

Sur le papier, la lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme (LCB/FT) dans le secteur financier a tout d’une réussite hexagonale. Le Groupe d’action financière (Gafi) en a salué l’année dernière l’efficacité et la robustesse.

Ce bon résultat fait parfois grincer des dents. Les uns blâment la place prépondérante qu’elle occupe dans le champ des contraintes juridiques imposées aux acteurs financiers, les autres s’agacent de ce qu’elle peut parfois entraver une plus grande liberté commerciale et concurrentielle.

Face à des transactions transfrontalières illicites, cependant, les autorités européennes entendent créer les conditions d’une lutte à l’échelle du Continent. Le règlement en cours d’élaboration vise à harmoniser les dispositifs nationaux, mais aussi à créer une autorité européenne chargée de la supervision des établissements, l’Autorité européenne de lutte contre le blanchiment d’argent (Anti Money Laundering Authority). La France s’est portée volontaire pour l’accueillir sur son territoire.

Cette révision des règles européennes pourrait contenir d’autres évolutions : une redéfinition conséquente du bénéficiaire effectif pour les personnes morales, un abaissement des seuils de contrôle en capital ou en droits de vote, tout comme de nouvelles obligations pour les entités étrangères à l’Union européenne mais dont des intérêts économiques se situent dans l’un des États membres.

À la fois un talon d’Achille et une arme

La préoccupation première des banques, néanmoins, concerne de possibles divergences entre la future réglementation et celle à laquelle elles se conforment aujourd’hui, ainsi que la capacité de leurs organisations à s’adapter. La conformité et sa gouvernance dans ce domaine en France, basées sur des contraintes précises, requièrent une implication forte de la part des entités du secteur. Les autorités nationales ont à ce sujet tenu à les rassurer, tandis que les regards se tournent vers un nouveau « terrain de jeux » que la criminalité financière semble particulièrement apprécier : l’univers numérique.

Pour spectaculaire et inédite que soit cette criminalité, son impact reste à relativiser. Certes, les établissements émetteurs de monnaie électronique sont aujourd’hui classés parmi les profils de risque les plus élevés par l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Cette dernière estime qu’ils ont reçu plus de 21 % du montant des virements frauduleux déclarés à la Banque de France au premier semestre 2021 par le prestataire de la victime de la fraude. Cela ne représente que 0,1 % du montant des virements en France. Ces ordres de grandeur font écho à la proportion d’activités illicites dans le volume total des transactions de cryptomonnaies : 0,24 % en 2022, selon Chainalysis. L’utilisation des cryptomonnaies à des fins malveillantes reste donc mineure, mais il est important de souligner que les processus de blanchiment s’opèrent le plus souvent via des plateformes d’échange de cryptomonnaies dites « classiques ».

L’avènement du numérique pourrait en outre fournir de nouvelles armes contre le financement du terrorisme, notamment grâce à sa traçabilité. Les activités des prestataires de services numériques entrent progressivement dans le champ d’application des règles relatives à la LCB/FT. Sans doute ont-ils à cœur de faire valoir que les technologies qu’ils utilisent peuvent apporter nombre de bénéfices dans le cadre de cette lutte. L’inscription systématique de toute donnée de transaction dans les canaux digitaux n’en est pas le moindre. Encore faudra-t-il trouver un juste équilibre avec cet autre impératif réglementaire : la protection des données.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº879
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