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Dossier - Bâle 3

Créé le

20.10.2023

-

Mis à jour le

26.12.2023

La finalisation (souvent qualifiée de Bâle 4) de Bâle 3 en droit européen est en passe d’aboutir. Les grandes lignes ont été fixées dans l’accord du trilogue de juin 2023. Les précisions techniques et la transcription juridique sont en cours de rédaction et le diable s’est semble-t-il caché dans les détails.

La mise en œuvre des dispositions finales de Bâle 3 est à l’image du Rhin, qui traverse la ville suisse, et ses plus de 1 200 km : c’est un bien long chemin. Il devrait cependant aboutir ce dernier trimestre 2023, tout au moins l’espère-t-on. Le cadre fixé dans « l’accord provisoire » issu du trilogue du premier semestre 2023 définit les grandes lignes des réformes du règlement (Capital Requirements Regulation, CRR3) et de la directive (Capital Requirements Directive, CRD6) sur les exigences de fonds propres consécutives aux expositions des acteurs bancaires au risque de crédit, de Credit Valuation Adjustement, opérationnel et de marché. Cet accord dit « ad referendum » demande à être stabilisé avant d’être adopté par le Parlement européen et le Conseil.

La refonte des « exigences de Pilier 1 », avec l’incontournable output floor introduit par CRR3, soit un capital s’élevant a minima à 72,5 % des montants de pondération obtenus par les modèles standards pour les calculs effectués via des modèles internes, devrait s’appliquer à hauteur des entités. Pas de compensation envisageable, donc, pour un groupe international avec ses diverses implantations.

Une dérogation de calcul à l’échelle nationale serait cependant possible pour les entités d’un même groupe. Ce point a requis l’attention des États membres, selon qu’ils sont host ou home. Une « clause de revoyure » sur ce sujet n’est pour l’heure pas complètement à exclure : en 2028, « la Commission évaluera la situation globale du système bancaire dans le marché unique (...) et transmettra (...) un rapport sur la pertinence du cadre réglementaire et de supervision de l’Union pour les banques », a déclaré le Parlement européen. La mise en œuvre du plancher de fonds propres se veut progressive : 50 % en 2025, jusqu’à 70 % en 2029, pour atteindre 72,5 % en 2030.

En septembre 2023, l’autorité bancaire européenne (EBA) a évalué l’impact, en 2028, sur le capital Tier 1 à 9 % pour les banques européennes, et 16 % pour les banques systémiques. « Les banques n’auront besoin que de 600 millions d’euros supplémentaires », précise la Commission, se référant à la volonté de ne pas créer de hausse significative des besoins en capital.

Les mesures dites « provisoires », qui prennent en compte les spécificités et besoins de financement des économies nationales, telles que les expositions au crédit immobilier aux particuliers, sont conservées, mais sous le régime d’une prorogation et non d’une pérennisation. Cette nuance est de taille pour les activités retail.

Une surveillance plus fine de la gouvernance est également à l’ordre du jour, avec les exigences dites de « fit and proper ». La proposition initiale prenait la forme d’une autorisation ex-ante de l’autorité de supervision pour l’admission de membres au conseil d’administration. L’accord de juin 2023 prévoit une notification. Le degré de précision de ces informations et le détail de la procédure sont en cours de définition. Bien que techniques, ces aspects pourraient changer la donne pour les banques, avec des craintes émises quant à leur lourdeur opérationnelle.

Des délais brefs pour une opération complexe

Le calendrier de publication du texte début 2024 et de mise en application dès janvier 2025 pour CRR3 et mi-2025 pour CRD6 est maintenu. Mais les standards techniques ne viendront que dans un second temps. La brièveté du délai imparti aux banques pour s’y conformer suscite des inquiétudes.

Autre sujet de préoccupation, l’Union européenne précéderait le Royaume-Uni et les États-Unis dans la mise en œuvre des accords bâlois. Quid des impacts sur le jeu concurrentiel au plan international ? Les réformes de CRD6 s’appliquant aux succursales de pays tiers constituent une protection, mais uniquement en zone communautaire.

Un autre versant de la directive, sur les risques environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), réveille quant à lui ces incertitudes récurrentes lorsqu’on aborde la question climatique : comment encadrer les risques sans obérer le financement de la transition écologique ?

Réglementer à un niveau européen des entités dont les modèles d’affaires et la taille diffèrent, dans un secteur fragmenté, reste une opération délicate. Face à leurs besoins opérationnels importants et complexes et l’impératif de financer les transitions vers l’économie de demain, il s’agit de placer judicieusement le curseur. Le navire « Bâle 3 à l’européenne » a encore quelques milles à parcourir avant de parvenir à bon port.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº885
RB