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Éditorial

Droit bancaire et droit des marchés financiers : évolution et expansion

Créé le

08.06.2015

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Mis à jour le

09.06.2015

Banque et Bourse sont les deux mamelles de la finance, leurs droits n’échappent pas aux évolutions et bouleversements du monde. Droits plus indexés que d’autres sur leur matière, ils sont moins autonomes et plus finalisés. À l’origine, les activités bancaires et financières n’étaient soumises qu’aux règles très générales du Code de commerce, largement complétées par des règles professionnelles, nées principalement des usages professionnels pour la banque et des règlements des compagnies d’agents de change pour le monde boursier ; les droits bancaire et financier étaient principalement des droits professionnels. Ils sont désormais très dépendants des politiques publiques, nationales et européennes, et donc beaucoup plus étatiques. L’entrée en piste de superviseurs pour les encadrer (dès la Commission bancaire en 1941 et le Comité des Bourses de valeurs en 1942), leur prise en mains par l’Europe (dès la première directive de 1977 pour le droit bancaire et de 1993 pour le droit des services d’investissement) et maintenant leur réorientation sous l’influence des autorités internationales et accords entre grands États du monde (BRI, G20), leur confèrent des objectifs publics (la protection de la monnaie et des clients pour le droit bancaire, le bon fonctionnement du marché et la protection des investisseurs pour le droit boursier). Le résultat est un alignement relatif de ces deux branches ; si leurs contenus matériels restent distincts, leur régime administratif obéit au même modèle (superviseur doté de pouvoirs d’autorisation, de réglementation et de sanction), ainsi que le cadre juridique de l’activité de leurs acteurs (protection de l’emprunteur et de l’investisseur sur le modèle de la protection du consommateur, par l’information précontractuelle et les devoirs d’information – s’informer et informer – de conseil et d’alerte) ; ils appartiennent désormais au droit de la régulation.

Mais il y a un autre phénomène remarquable : sur les dernières décennies, ces deux branches du droit ont notablement élargi leur domaine. Le droit boursier a été le plus nettement emporté, au point qu’il n’est plus question de parler de droit boursier mais de droit des marchés financiers, tant la Bourse, au sens de marché officiel, a disparu au profit d’une multiplication des types de marchés et d’opérations. Peut-être même faudrait-il plutôt parler de droit financier, comme le font certains auteurs, tant il appréhende des opérations qui ne se réalisent pas seulement sur des marchés plus ou moins organisés, mais également de gré à gré (loi du 2 juillet 1996), sans oublier l’entrée de la gestion collective dans son domaine (même loi). Mais l’étiquette de droit financier est trop large, de sorte qu’on pourrait songer, après d’autres, à un droit financier privé. Cependant, le qualificatif « privé » est trop réducteur, car l’une des particularités de ce droit est de comporter une forte armature administrative, qui encadre l’agrément et l’activité des acteurs. Quant au droit bancaire, son extension se manifeste plus récemment et moins clairement. La loi du 24 janvier 1984 l’avait unifié et rationalisé, mais, depuis, on assiste à son démantèlement, au point que l’on peut se demander ce qu’il reste du monopole bancaire (voir le numéro spécial de Banque & Droit, à paraître). Mais, paradoxalement, on constate aussi son extension. Ainsi, en particulier, si le droit des services de paiement s’en est détaché, le droit bancaire, au sein duquel il figure aussi, élargit son domaine, car le champ des services de paiement est doté d’une grande force d’expansion (entrent ainsi peu à peu dans son champ, des opérateurs de téléphonie mobile, des places de marché et, bientôt, les initiateurs de paiement et agrégateurs de données de paiement). La maxime de Lavoisier ne s’applique pas au droit : la masse juridique s’étend continûment.

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº161