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Éditorial

Des pratiques commerciales dangereuses pour les établissements

Créé le

05.02.2016

-

Mis à jour le

23.06.2016

Les pratiques commerciales déloyales sont dangereuses pour tous. Elles le sont évidemment pour les consommateurs, mais également pour les établissements, car elles sont source de sanction, pénale et administrative, et de responsabilité civile, tant les textes ont multiplié les cas et défini certains de manière vague.

Le Code de la consommation connaît les pratiques déloyales interdites et celles qui sont simplement réglementées. Parmi les premières, sont visés le refus ou la subordination de ventes et de prestations de services, les ventes et prestations de services sans commande préalable, les ventes et prestations « à la boule de neige », l’abus de faiblesse, les pratiques agressives et l’abus des frais de recouvrement ; déjà, là, se trouvent des qualifications dangereuses par leur imprécision, telles l’abus de faiblesse, les pratiques agressives ou l’abus des frais de recouvrement. Parmi les secondes, on rencontre, outre des règles relatives à la publicité et l’encadrement de pratiques bien définies (contrats conclus à distance, ventes ou prestations avec prime, loterie publicitaire, etc.), les « pratiques commerciales trompeuses » (art. L. 121-1 à 7 du Code de la consommation). Ces dernières comportent deux catégories : celles qui résultent de l’accomplissement d’un certain nombre de faits et celles qui sont présumées dans un certain nombre de cas précis. Seules les premières seront évoquées ici. Elles s’appliquent, en particulier,  aux hypothèses suivantes : allégation, indication ou présentation fausse ou de nature à induire en erreur et portant sur un élément déterminant (existence, disponibilité du bien ou du service, caractéristiques essentielles de celui-ci, prix, service après vente, etc.), dissimulation ou fourniture de façon inintelligible, ambiguë ou à contre temps d’une information substantielle.

Leur simple lecture laisse deviner des comportements qui peuvent évidemment être trompeurs pour le consommateur et justifient interdictions et sanctions, mais l’imprécision des termes est dangereuse pour les établissements bancaires et financiers. Elle l’est, d’abord, parce que la simple commission de l’un de ces éléments suffit à consommer l’infraction : si une pratique commerciale répond matériellement à l’un de ces cas, elle est réputée objectivement trompeuse et contraire au comportement attendu du professionnel, quelles que soient les circonstances (CJUE 19 septembre 2013). Elle l’est ensuite parce qu’elle est sanctionnée pénalement (emprisonnement de deux ans et amende de 300 000 euros qui peut être portée à 10 % du CA moyen annuel ou à la moitié des dépenses engagées pour la réalisation de la pratique sanctionnée), et peut l’être également administrativement par l’ACPR ou l’AMF ; mais à cela s’ajoute que les agents de la concurrence, de la consommation et de la répression des fraudes sont habilités à constater ces manquements et à enjoindre à tout professionnel de les faire cesser, et que l’autorité administrative chargée de la concurrence et de la consommation peut prononcer des amendes administratives pouvant aller jusqu’à 3 000 euros pour une personne physique et 15 000 euros pour une personne morale. Il peut donc y avoir cumul de poursuites et de sanctions, sauf si l’on venait à admettre que les sanctions administratives que peut prononcer l’autorité de la concurrence et de la consommation sont de nature pénale au sens de la CEDH, ce qui, compte tenu de leur montant, est peu probable.

Mais le plus dangereux pour les établissements reste l’imprécision de la définition des principales pratiques commerciales sanctionnées. Un exemple : qu’est-ce qu’une allégation fausse ou de nature à induire en erreur ? Une allégation n’est pas un mensonge, mais une simple suggestion, qui peut être très indirecte. Un connaisseur de la matière a pu la définir de la manière suivante : « l’allégation consiste dans le fait de laisser croire, sans affirmer, à une proposition relative aux produits ou aux services, qui s’avère inexacte ; il n’y a pas, dans l’allégation, de véritable affirmation mensongère » (Guy Raymond). En exagérant un peu, l’allégation pourrait être caractérisée par un simple message subliminal…

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº165
RB