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Bibliographie : "Droit bancaire islamique"

Créé le

02.04.2015

-

Mis à jour le

12.05.2016

Amin Jaffari, L’Harmattan, 320 pages, 33 euros

Droit bancaire islamique
Notions, mécanismes et protections pénales

 

Il y a dix ans, la question se posait déjà de la compatibilité de notre droit avec la finance islamique 1 et des conditions d’une intégration de la finance islamique dans notre système bancaire 2. Étaient également soulignés les deux éléments de taille susceptibles d’attirer la finance islamique en France : le fait que la France est le premier pays européen en nombre de musulmans et que notre droit offre d’ores et déjà un cadre permettant le développement de la finance islamique en France. En comparaison de ces deux éléments, le fait que la banque islamique soit synonyme de banque sans intérêt – les banques islamiques n’ayant pas le droit de verser ou de percevoir un intérêt – alors que les prêts sont un pilier de la banque conventionnelle dont la source principale de gain consiste à gagner de l’argent sur la différence entre le taux moins élevé de rémunération des dépôts et le taux plus élevé appliqué aux emprunteurs, apparaissent aujourd’hui encore comme le motif principal d’incompatibilité entre ces deux systèmes bancaires. La finance islamique étant depuis devenue un sujet d’actualité, la publication de la thèse de doctorat en droit privé soutenue par Amin Jaffari dans le cadre de l’École doctorale de Sciences juridiques et politiques de la Faculté de Nanterre ne pouvait que susciter l’attention. Conçu comme un manuel de droit, l’ouvrage d’Amin Jaffari, après une longue introduction consacrée aux particularités de la finance islamique et à l’importance des « valeurs » qui, en droit des affaires, sont construites autour d’un noyau dur comme le respect des biens, de la propriété mais qui peuvent se modifier au cours du temps sous l’influence des politiques réglementaires économiques ou pénales, est divisé autour de trois axes principaux englobant l’étude du système bancaire islamique, ses mécanismes et les protections dans les relations entre banques et clients. Ainsi, la première partie a pour objet de présenter les caractéristiques du système bancaire islamique en soulignant ses points communs avec les banques conventionnelles. Sont étudiés dans la deuxième partie les instruments bancaires islamiques, divisés en deux grandes catégories, fonctionnelle et protectionnelle. Enfin, la troisième partie est réservée à l’étude des mécanismes de protection de la finance islamique notamment par le biais des infractions pénales. Dans la première partie « Systèmes bancaires », l’auteur développe, notamment sous ses aspects historiques et géographiques, comment l’islam constitue le socle des banques islamiques, cette soumission à des principes religieux dictés par la charia constituant la distinction majeure avec la finance conventionnelle, l’ordre moral islamique se caractérisant, notamment dans le domaine de la finance, par un certain nombre de prohibitions, la principale étant l’interdiction du prêt à intérêt d’où la nécessité, pour satisfaire aux exigences du commerce, d’avoir recours à des subterfuges juridiques. Ainsi en matière de dépôt, la banque islamique ne fonctionne pas comme un mandataire mais en tant que partenaire commercial du déposant, activité pour laquelle elle peut être rémunérée. De même, en matière de financement, le prêt avec intérêt étant prohibé, le mécanisme utilisé est basé sur un contrat de vente (mourabaha) entre la banque et son client, l’acheteur, dont le coût et la marge sont communiqués à ce dernier. Un autre moyen (moucharaka), également très employé, se rapproche de notre société en commandite, la banque et le client investissant dans le projet financé et se partageant profits et pertes selon une clé de répartition prédéfinie. Ces principes, structures et particularités des banques islamiques sont largement développés par l’auteur qui, en conclusion de cette première partie donne une large place aux convergences existant entre système bancaire conventionnel et système islamique. C’est dans la deuxième partie, consacrée aux « Instruments bancaires », qu’est étudiée une autre des grandes particularités de fonctionnement des banques islamiques distinguant celles-ci des banques conventionnelles : dans les banques islamiques, à côté des organes détenant le pouvoir juridique se tiennent des organes spécifiques détenant le pouvoir moral. Le Comité de la charia est l’organe obligatoire – chargé chaque année d’émettre un rapport d’audit religieux – sans lequel la banque ne peut être qualifiée d’islamique. La troisième partie, « Incriminations bancaires », traite essentiellement de la protection des valeurs bancaires islamiques à travers des incriminations pénales, valeurs communes à celles des banques conventionnelles puisqu’il est question de secret bancaire, de confiance, notion en lien étroit avec la transparence, de l’incrimination de l’usure et de protection pénale contre le blanchiment d’argent. Au terme de cette présentation, on aura compris que l’auteur nous livre une étude quasi encyclopédique du droit bancaire islamique. Une mise en garde doit cependant être faite : les particularismes, complexités et subtilités du droit islamique ne sont pas faciles à appréhender pour le juriste familier de notre droit civil, l’étude, prenant constamment en compte les aspects juridiques et religieux, la complexité se trouvant accrue du fait que l’auteur prend soin de distinguer l’influence des branches chiite et sunnite de la finance islamique dans la vie pratique. La lecture de l’ouvrage nécessite donc une attention soutenue et une grande concentration, en dépit du souci évident de pédagogie déployé par l’auteur, dont il faut lui être reconnaissant.

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À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº160