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Rétrospective 2016

Digital, FinTech… Le changement de modèle des banques, c’est maintenant ?

Créé le

16.12.2016

-

Mis à jour le

22.12.2016

Les banques françaises se vivent de plus en plus comme des « entreprises de technologie », selon l’expression de Jean-Laurent Bonnafé, patron de BNP Paribas. Et leurs interactions avec les FinTechs se précisent, éloignant l’intuition initiale d’une opposition frontale entre grands groupes et start-up de la finance. Les partenariats ont continué à se nouer en 2016. BPCE a par exemple investi dans plusieurs FinTechs, de la banque en ligne allemande Fidor à Dépopass en passant par Le Pot Commun et e-Cotiz. Pionnier de cette stratégie, le Crédit Mutuel Arkéa a investi 3 millions dans Grisbee, plate-forme de gestion de patrimoine qui utilise l’intelligence artificielle (que le Crédit Mutuel CIC expérimente par ailleurs avec la solution d’IBM, Watson). Les relations banques-Fintechs ne sont pas uniquement capitalistiques. Des projets se créent dans des espaces de co-working et autres incubateurs et les banques se frottent à la culture digitale façon Silicon Valley. Société Générale expérimente le « flex working » aux Dunes et teste la location commerciale à des travailleurs nomades de bureaux de quelques agences pour pallier leur désertion. Banques Populaires en prête gracieusement à ses sociétaires.

La digitalisation des banques, si elle est loin d’être une nouveauté (les premiers sites Internet ont plus de 15 ans…), est en train de passer un cap. De prochains plans stratégiques donneront une place centrale au fameux « digital », et la « transformation digitale » est de toutes les communications. Plusieurs grands réseaux se sont dotés en 2016 d’un Chief Digital Officer, un responsable de la stratégie numérique, qui siège au Comex. BPCE va présenter en février un plan d’actions digital en amont de son prochain plan stratégique.

C’est que de nouveaux acteurs bousculent les possibles techniques et la relation client, voire les business models. L’économie collaborative et numérique pousse à la séparation entre production et distribution et à la transformation des acteurs en plates-formes d'agrégation de services. Les banques comprennent qu’elles doivent bouger et ont commencé à lancer des agrégateurs de comptes, quelques années après les banques en ligne, suivies par les FinTechs (Linxo, Fiduceo ou Bankin) dont les banques sont partenaires. Après la Maif, HSBC, le Crédit du Nord, ou BPCE, Société Générale lancera son agrégateur début 2017, alors que la DSP2 devrait faciliter l’accès aux comptes bancaires externes dans un an.

La cohabitation avec les FinTechs passe aussi par leur régulation. ACPR et AMF ont mis en place en 2016 leurs pôles dédiés pour les réglementer, selon un principe de « proportionnalité ». Enfin, si les GAFA ne sont pas encore trop sortis du bois sur le terrain de la finance, Orange Banque est attendu comme un événement de la rentrée de janvier. L.B.

 

Ils ont dit

L’ACPR créé un pôle pour réguler les FinTechs

« Nous nous sommes aperçus que les FinTechs avaient des besoins spécifiques et nous avons décidé de créer une structure capable d’être le point d’accueil où elles peuvent obtenir des informations, où discuter avec elles pour les orienter en amont de la demande d’agrément. Certaines FinTechs aimeraient disposer d’une réglementation adaptée à leur jeunesse et à leur taille. Il est vrai que la réglementation est plutôt faite pour des acteurs matures, mais il existe aussi des textes ou des dispositions applicables à des acteurs plus modestes. Nous allons nous efforcer de mieux les faire connaître. Nous allons également réfléchir, en lien avec l’AMF, à l’adaptation de la réglementation, quand cela pourrait être possible, car cette dernière se joue beaucoup au niveau européen et il est essentiel que nos FinTechs puissent recourir au passeport européen. »

Nathalie Beaudemoulin, coordinatrice du pôle FinTech Innovation, ACPR, Revue Banque n°799, sept. 2016, p. 26.

 

Vers une « désagrégation » de la relation bancaire ?

« Les FinTechs peuvent-elles à leur tour venir menacer les modèles de banque, qu’elles soient à réseau, augmentées des nouvelles technologies, ou en ligne ? Cette question ne peut être sous-estimée. Grâce à la généralisation des technologies mobiles et au développement de la capacité d’exploitation des gisements de données, les FinTechs pourraient en effet attaquer différents segments de marché des services financiers : des moyens de paiement au crédit, en passant par l’épargne ou l’affacturage. Cela produira-t-il une véritable “désagrégation” de la relation bancaire, au profit de sociétés qui capteraient, chacune, une partie de la chaîne de valeur ? Ce risque est encore accru par la directive européenne DSP2 qui ouvre à tous le marché des services financiers, notamment aux agrégateurs, leur permettant alors d’agir en tant qu’opérateurs. »

Olivier Klein, directeur général, Bred, professeur d’économie et de finance, HEC, Revue Banque n°796, mai 2016, p. 32.

 

Les banques doivent adapter leur informatique

« L’agrégation de comptes pourrait donc conduire à désintermédier la relation client/banque elle-même et donner un ascendant marketing et commercial très fort à ces plates-formes. Dès lors, les acteurs traditionnels de la banque pourraient voir leur position remise en cause et devenir à terme de simples producteurs de produits bancaires. Toutefois, les institutions financières disposent d’atouts majeurs : une relation client établie, la confiance de leurs clients, une puissance financière et une réelle force de frappe commerciale et marketing. […] Charge aux banques d’accepter ces changements de modèle et de s’y préparer. Au-delà des mentalités, l’enjeu est également de pouvoir s’appuyer sur des systèmes d’information ouverts, plus agiles, capables d’échanger avec des entités externes. »

Marc Giordanengo, Consultant Senior, Ailancy, Revue Banque n° 796, mai 2016, p. 79.

 

La Maif a lancé un des premiers agrégateurs

« Ce projet s’inscrit dans notre stratégie digitale et d’anticipation. La révolution digitale va impacter les cœurs de métier de l’assurance, les barrières vont s’abaisser et de nouveaux acteurs vont se positionner sur une partie de la chaîne de valeur, notamment pour faire de l’intermédiation assurancielle. […] La Maif entend ainsi proposer de nouveaux services, car nous bénéficions d’une bonne image de marque et d’un bon capital confiance. L’évolution des modes de contact et de la réglementation, avec la DSP2, permet de se positionner sur la relation bancaire sans avoir à développer une offre de banque au quotidien et ainsi de nouer des contacts beaucoup plus fréquents que la seule assurance. »

Florent Villain, directeur de projets, Maif, Revue Banque n° 798, juillet-août 2016, page 15.

 

Les banques sommées de réagir

« La révolution digitale est passée, avec l’introduction des opérations à distance, sur smartphones, etc. Nous allons vivre, dans les années qui viennent, une véritable “rupture digitale”. Ce que l’on attend, c’est que les banques se préparent et anticipent cette rupture digitale, pour qu’elles ne subissent pas un réveil brutal comme les taxis avec Uber ou les hôteliers avec Airbnb. »

Régis Dos Santos, président, SNB/CFE-CGC, Revue Banque n° 802, décembre 2016, p. 35.

 

Orange Banque dans les poches début 2017

« Même si les multiples tentatives de pénétration du secteur bancaire n’ont que très rarement été couronnées de succès, le numéro un français des télécoms bénéficie aujourd’hui d’atouts essentiels pour réussir. À l’issue du rapprochement, il disposera d’un réseau physique solide de plus de 3 850 agences et magasins qui constituera un puissant relais. La plupart des acteurs du e-banking ont dû faire sans. Au-delà de sa notoriété, Orange possède également une énorme base de 28 millions de clients potentiels. Par ailleurs, Orange connaît et maîtrise parfaitement l’ensemble des problématiques de ce qui est devenu le premier point de contact des clients avec leur banque. […] Son savoir-faire technique devrait lui permettre de dépasser les applications bancaires actuellement disponibles sur les smartphones pour transformer le mobile en véritable agence de banque et d’assurance, toujours présente dans votre poche. »

Georges Pujals, chargé d’études, Bureau Van Dijk, Revue Banque n° 794, mars 2016, p. 10.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº803