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Editorial

Taux d'intérêt négatifs : l’AMF s’exprime

Créé le

04.10.2017

Constatant que les taux variables des émissions obligataires sont généralement liés à des indices monétaires, comme l’Euribor ou l’Eonia, et que ceux-ci sont devenus négatifs, l’AMF a évoqué la situation d’un taux tombant en dessous de zéro et a publié un communiqué le 27 juin dernier pour préciser l’« information à fournir par les émetteurs dans les prospectus obligataires ». Elle a considéré nécessaire de préciser ses attentes en matière d’information à donner aux investisseurs et retenu une approche qu’elle qualifie de pragmatique : lorsqu’un prospectus prévoit expressément un taux plancher à 0 %, elle n’exige  aucune information particulière ; lorsqu’il prévoit la possibilité d’un taux d’intérêt négatif, elle exige que les modalités de mise en oeuvre en soient précisées et que la stipulation soit complétée d’un facteur de risque ; en revanche, lorsqu’il demeure silencieux, elle exige que l’émetteur indique expressément s’il entend appliquer un plancher contractuel à 0 % ou s’il prévoit d’appliquer un taux négatif. Autrement dit, l’émetteur ne doit pas rester dans le flou et doit préciser sa position, là est l’essentiel.
A priori, l’AMF est pleinement dans son rôle ; depuis l’origine de la COB, l’autorité de régulation est en particulier chargée de veiller à la bonne information des investisseurs. En l’occurrence, elle le fait par un moyen habituel, le communiqué ; même si celui-ci reste praeter legem, il a été implicitement consacré par le Conseil d’État dans les affaires Fairvesta et Numericable. Elle n’entend pas prendre parti sur la validité d’un taux d’intérêt négatif et prend soin d’indiquer à deux  reprises qu’il ne lui appartient pas de se prononcer en droit sur ce sujet et précise qu’elle n’intervient que pour assurer la bonne information des investisseurs ce qu’elle prend soin de rappeler au pied de son communiqué, réitération qui en dit long sur sa volonté de ne pas sortir de sa compétence et encourir de critique.

Cependant, cette position n’est pas aussi neutre que le voudrait l’AMF. D’abord, bien que sous la forme d’un simple communiqué, celui-ci n’en véhicule pas moins du droit, même s’il s’agit de droit souple, car il a pour objet de modifier de manière significative le comportement des émetteurs et est donc susceptible de recours devant le Conseil d’État (arrêts Fairvesta, Numericable et FFSA) ; par conséquent, il présente un certain degré de juridicité. Surtout, les positions de l’AMF ne sont jamais neutres, quand bien même cette autorité le voudrait. En formulant de telles exigences d’information, elle donne un signal implicite en faveur des taux d’intérêt dits négatifs. Or, elle ne peut ignorer son pouvoir d’influence, dont elle sait si bien se servir et pour lequel elle a en particulier forgé l’instrument du communiqué. Bien que ne voulant pas « se prononcer sur les aspects juridiques de la question soulevée », l’AMF donne ce qui peut apparaître à beaucoup comme un  signe : les taux d’intérêt négatifs dans les émissions obligataires sont envisageables, puisqu’ils doivent faire l’objet d’une mention spéciale dans le prospectus.

Était-il nécessaire qu’elle s’immisce aussi concrètement dans ce débat, même avec prudence ? Le sens de la position retenue par l’AMF n’est pas neutre ; elle exige précisément « que l’émetteur indique expressément dans ledit prospectus s’il entend appliquer un plancher contractuel à 0 % ou s’il prévoit d’appliquer un taux négatif », ce qui, pour le moins, donne le sentiment qu’un taux négatif est possible. Elle aurait pu se contenter d’une exigence générale quant aux conséquences de la variation à la baisse de l’indice, sans autre précision.

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº175
RB