Square

Éditorial

Créé le

25.07.2016

-

Mis à jour le

27.07.2016

L’aiguillage : une loi du 21 juin dernier réforme le système de répression des abus de marché et instaure le système dit de « l’aiguillage » pour régler la difficulté née de l’interdiction du cumul de poursuites et de sanctions en matière d’abus de marché. Ne revenons pas sur les raisons impérieuses de cette réforme – voir le commentaire d’Anne-Claire Rouaud –, n’anticipons pas sur son appréciation – voir le commentaire de Jérôme Chacornac – et contentons-nous de quelques observations, la principale étant que toute autre solution est enterrée, qu’il s’agisse de la solution institutionnelle (le « Tribunal des marchés financiers » imaginé par Dominique Schmidt et Anne-Valérie Le Fur) ou de la solution substantielle, pourtant suggérée par la dernière directive abus de marché et son règlement (discriminer les délits et manquements à partir de leur degré de gravité et de leur caractère plus ou moins intentionnel). Plusieurs points dominent le mécanisme de l’aiguillage. Aucune autorité ne peut décider de lancer des poursuites sans en informer l’autre préalablement ; chaque autorité ainsi informée peut également informer la première en retour de son intention de lancer des poursuites (elle a quinze jours) ; en ce cas, elles doivent se concerter dans un délai de deux mois ; à défaut d’accord, elles doivent saisir le Procureur Général de Paris, qui, à son tour, a deux mois pour trancher la difficulté au vu des appréciations des deux autorités en désaccord ; sa décision, non motivée et sans recours, ne consiste pas à désigner l’autorité compétente, mais seulement à décider d’autoriser le Procureur de la République financier à lancer des poursuites pénales, ce qui prive définitivement l’AMF de la possibilité de notifier des griefs, ou d’y renoncer, ce qui ouvre la porte à l’AMF. L’originalité du système est de reposer sur une instance départitrice qui relève de l’autorité judiciaire. Il ne pouvait en aller autrement en raison du pouvoir réservé à celle-ci de décider de l’opportunité des poursuites pénales et du principe de séparation des pouvoirs.  La réforme a donc dû renoncer à instaurer une commission indépendante, sorte de tribunal des conflits aux petits pieds, comme l’avaient envisagé des propositions sénatoriales. Autre remarque importante : la décision des autorités en cause, si elles trouvent un accord, ou, à défaut, du Procureur Général de Paris, est une décision discrétionnaire, non motivée et sans recours. Inconvénient pour la personne poursuivie : ne pas savoir pour quelle raison elle est renvoyée au pénal et risque une peine de prison, ou renvoyée devant la commission des sanctions de l’AMF et ne risque qu’une peine pécuniaire, ce qui pourrait susciter une nouvelle controverse au regard de la jurisprudence de la Cour EDH (voir le commentaire de Jérôme Chacornac). Inconvénient pour les victimes : si le Procureur de la République financier ou le Procureur Général de Paris renonce à l’action publique, impossibilité de se constituer partie civile ou de lancer une citation directe.

 

Le blockchain dispositif d’enregistrement électronique partagé permettant l’authentification de ces opérations

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº168
RB