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Éditorial

Des fonds et des porteurs

Créé le

31.07.2018

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Mis à jour le

03.07.2019

Les fonds, quels qu’ils soient, sont des copropriétés de valeurs mobilières et autres actifs (OPCVM, FIA, fonds de titrisation), sont représentés et gérés par des sociétés de gestion de portefeuille et leurs membres sont des porteurs de parts. Mais il s’agit de copropriétés auxquelles ne s’appliquent pas les règles de l’indivision, qui n’ont pas la personnalité juridique et ne sont pas soumises au régime des sociétés en participation, et dont les actifs ne répondent que de leurs dettes ; les fonds sont des patrimoines d’affectation. On sait donc ce qu’ils sont et ce qu’ils ne sont pas, mais ces indications positives et négatives suffisent-elles à les régir ? Leur régime spécial, aussi détaillé soit-il, n’épuise pas toutes les questions qui peuvent se poser. Or, faute de pouvoir se rattacher à un corpus de règles générales, qui n’existe pas dans la loi, même s’il peut se révèler peu à peu de la comparaison des divers régimes spéciaux, il est toujours délicat de dégager et fonder la solution d’une question inédite. Ainsi, les fonds n’accèdent à la vie juridique effective que par l’intermédiaire obligatoire d’une société de gestion, qui a le pouvoir légal de les représenter dans la vie civile et en justice, et de gérer leurs investissements, ce qui va bien au-delà du simple mandat. Le dépositaire, quant à lui, a une mission de contrôle non un pouvoir de représentation, même à titre subsidiaire en cas de défaillance de la société de gestion. Se pose alors la question de savoir si la représentation du fonds par une société de gestion relève d’une exclusivité.
Il s’agit évidemment d’un monopole, mais celui-ci laisse t- il un espace aux porteurs de parts ? Posée de manière générale, la question appelle une réponse de principe négative. Cependant, dans certains cas, on peut souhaiter une réponse différente, en particulier dans l’hypothèse où la responsabilité de la société de gestion peut être engagée pour gestion fautive. Alors, de deux choses l’une.

Soit un ou plusieurs porteurs de parts peuvent se prévaloir d’un préjudice personnel direct, en pratique la perte d’une chance de n’avoir pas investi ou d’avoir désinvesti à temps, et ils peuvent agir à titre individuel en application du droit commun de la responsabilité civile. Mais, s’il s’agit du préjudice collectif résultant de la baisse de valeur du portefeuille, même regroupés, ils ne peuvent a priori exercer aucune action en responsabilité contre la société de gestion, ce qui peut conduire à un déni de justice.
Pourquoi, en ce cas, ne pas transposer aux fonds le régime de l’action sociale ut singuli du droit des sociétés, dont on rappelle qu’avant d’être introduite dans la loi du 24 juillet 1966, elle avait été forgée par la jurisprudence ?
De même, on pourrait envisager que, devant l’inaction de la société de gestion contre un tiers, un ou plusieurs porteurs de parts sollicitent la nomination d’un mandataire ad hoc chargé d’agir à sa place. Là encore, la solution rodée en droit des sociétés serait transposable, dans la mesure où, à l’origine, elle était de nature purement prétorienne.

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À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº180
RB