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L'actualité des M&A bancaires

Spéculations sur l'avenir de Commerzbank

Créé le

24.11.2017

-

Mis à jour le

13.12.2017

Les rumeurs se multiplient concernant un mariage de la deuxième banque allemande avec des concurrents étrangers venus du Vieux Continent. Cela marquerait le grand retour des fusions bancaires transfrontalières d’envergure en Europe.

Les spéculations autour d’un rachat de Commerzbank ont été relancées à l’automne, lorsque le ministre allemand des Finances a indiqué qu’il ne voulait pas que l’État, qui est le premier actionnaire avec 15,6 % du capital, reste « indéfiniment » et qu’il comptait « céder sa participation » (v. Encadré 2).

Depuis lors, trois prétendants ont été évoqués dans la presse européenne. Tout d’abord, le numéro un bancaire italien, UniCredit, qui a déjà racheté la banque allemande HypoVereinsbank en 2005. Ensuite, le français BNP Paribas, déjà bien présent sur le marché allemand, qui considère l’Allemagne comme un pays prioritaire dans son plan stratégique 2020 avec des revenus qui devraient atteindre 2 milliards d’euros à cette échéance. Enfin, le Crédit Agricole serait également sur les rangs. La banque mutualiste ne réalise aujourd’hui que 2 % de ses revenus outre-Rhin, alors qu’elle souhaite en faire son troisième marché domestique, après la France et l’Italie.

Même si l’ensemble des protagonistes n’ont pas confirmé ces informations, il n’en demeure pas moins que l’acquisition de Commerzbank est à la fois crédible et intéressante. Crédible, car la banque francfortoise traverse actuellement une période difficile. Elle a affiché une perte nette de 637 millions d’euros au deuxième trimestre 2017, contre un bénéfice de 215 millions d’euros un an plus tôt en raison notamment des importants frais de restructuration (suppression de 9 600 emplois), liés à sa stratégie volontariste de passage au numérique. Crédible aussi, car la banque allemande est valorisée en Bourse autour de 14 milliards d’euros, soit six fois moins que BNP Paribas et environ trois fois moins que ses concurrentes UniCredit ou Crédit Agricole. Dans le même temps, Commerzbank est une cible intéressante pour tout établissement bancaire désireux de pénétrer ou de se renforcer outre-Rhin, compte tenu de son second rang national avec 480,5 milliards d’euros d’actifs et un réseau de 1 000 agences. Or tout acteur bancaire qui veut jouer un rôle de premier plan en Europe ne peut ignorer le marché allemand. Elle est surtout intéressante en raison de son leadership dans le financement des PME (Mittelstand), qui jouent un rôle essentiel dans la croissance de la première économie de la zone euro.

Pour autant, il subsiste encore bien des obstacles ! Le premier tient aux fortes contraintes prudentielles. En effet, une acquisition de Commerzbank est susceptible de renforcer le caractère systémique de la banque acquéreuse, ce qui se traduirait de facto par de nouvelles exigences réglementaires et des besoins de fonds propres supplémentaires de l’ordre de 0,5 %, soit au moins 2 milliards d’euros de réserves additionnelles. Bien que ce surcoût capitalistique ne soit pas un obstacle insurmontable, il implique cependant que l’acquéreur réalise suffisamment de synergies de coûts post-opération pour compenser la surcharge en fonds propres.

Autre frein important, Commerzbank n’est sans doute pas à vendre aux cours actuels et tout de suite. Soucieux de récupérer l’argent public engagé lors du sauvetage de l’établissement bancaire à la fin des années 2000 (prix de revient de 22 euros par action à cette époque), l’État allemand sera probablement tenté d’attendre que le cours de l’action remonte sensiblement (autour de 11,21 euros par action actuellement) avant de céder sa participation. En outre, ce dossier éminemment politique ne sera pas tranché avant la nomination du nouveau gouvernement, ce qui ne semble pas être pour demain, au vu des résultats des élections législatives récentes.

Reste enfin à savoir, dix ans après la crise des subprime, si les géants bancaires européens sont aujourd’hui prêts à s’engager dans de grandes manœuvres transfrontalières, et notamment à destination du marché allemand, qui présente une rentabilité faible et des surcapacités importantes. Rien n’est moins sûr dans l’immédiat.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº814
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