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IOBSP

Retour sur le pouvoir de sanction des associations représentatives

Créé le

26.04.2022

Le droit des intermédiaires en opérations de banque et en services de paiement (IOBSP) a connu une évolution notable suite à la loi n° 2021-402 du 8 avril 2021 relative à la réforme du courtage de l’assurance et du courtage en opérations de banque et en services de paiement1, récemment complétée par le décret n° 2021-1552 du 1er décembre 20212.

L’une des nouveautés envisagées retiendra ici toute notre attention : il s’agit de l’obligation pour certains IOBSP, en l’occurrence les courtiers (COBSP) et leurs mandataires, pour pouvoir être immatriculés sur le registre de l’ORIAS, d’adhérer à une association professionnelle agréée chargée du suivi de l’activité et de l’accompagnement de ses membres [3] . Cette nouvelle exigence est entrée en vigueur le 1er avril 2022.

On précisera que cette évolution était attendue. Les IOBSP ont en effet pour caractéristique, à l’instar des courtiers en droit des assurances, de ne pas être soumis à un contrôle permanent de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution (ACPR). Or, ils sont aujourd’hui particulièrement nombreux : au 31 décembre 2020, on en comptait 36 260 [4] !

Lors de sa séance du 22 mars 2022, le collège de l’ACPR a délivré un agrément à sept associations, dont six en qualité d’associations professionnelles de courtiers en banque et assurance et une association en seule qualité d’association professionnelle de courtiers en assurance.

Sans surprise, l’organisation de ces associations agréées fait l’objet d’un encadrement juridique précis. L’article R. 519-51 du Code monétaire et financier prévoit notamment que chacune d’entre elles doit constituer, en son sein, une commission chargée de prononcer à l’encontre de ses membres des sanctions.

Plusieurs questions se posent alors en la matière : dans quels cas une sanction peut-elle être prononcée par une telle association ? Quelles sont les sanctions concernées ? Quelles sont les garanties procédurales envisagées en la matière ? Le droit applicable, très récent, demeure encore peu connu.

Le retrait de l’adhésion

La loi envisage une sanction notable : le retrait de l’adhésion de l’IOBSP à l’association professionnelle [5] . Une telle décision est incontestablement grave puisqu’à défaut d’une telle adhésion, l’immatriculation à l’ORIAS est impossible. Un retrait d’adhésion équivaut alors à une interdiction d’exercer. L’article L. 519-14, I, précise que le retrait de la qualité de membre peut être décidé d’office « si l’intermédiaire en opérations de banque et en services de paiement ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée son adhésion, s’il n’a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion, s’il n’exerce plus son activité depuis au moins six mois ou s’il a obtenu l’adhésion par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier ».

Les cas entraînant le retrait

L’article L. 519-14, I, envisagé ci-dessus, peut susciter des interrogations. Certes, on comprend aisément ce qu’il faut entendre par le fait d’obtenir son adhésion « par de fausses déclarations ou par tout autre moyen irrégulier », ou lorsque l’IOBSP « n’a pas commencé son activité dans un délai de douze mois à compter de son adhésion », ou encore lorsqu’il « n’exerce plus son activité depuis au moins six mois ».

En revanche, l’hypothèse où l’IOBSP « ne remplit plus les conditions ou les engagements auxquels était subordonnée son adhésion » est moins explicite. Il est alors revenu aux associations concernées de préciser ce cas.

Prenons, à titre d’exemple, le cas de CNCEF Crédit [6] . Cette association, récemment agréée, envisage les cas suivants :

– le non-renouvellement ou la suppression du statut de courtiers (COBSP) ou de mandataire (MIOBSP) auprès de l’ORIAS ;

– le non-règlement de la cotisation annuelle d’adhésion ;

– la vérification sur pièce non régularisée ;

– et enfin la formation réglementaire obligatoire non suivie.

Les hypothèses sont entendues restrictivement. Cela n’est pas étonnant à la lecture de l’article L. 519-14, II, qui précise que l’association professionnelle n’est pas compétente pour sanctionner les manquements de ses membres « qui relèvent exclusivement de la compétence de l’Autorité de contrôle prudentiel et de résolution mentionnée à l’article L. 612-1 ».

Les autres sanctions

Mais d’autres sanctions sont-elles susceptibles d’être prononcées par les associations ? Les textes ne disent mot sur ce point.

Fort de ce constat, les associations agréées ont logiquement préféré limiter les possibilités. Si l’on prend, à nouveau, l’exemple de l’association CNCEF Crédit, on notera que seuls l’avertissement et le blâme sont également envisagés.

L’encadrement procédural

Le droit est nettement plus précis concernant la composition des commissions de discipline et les exigences pesant sur leurs membres. Ces commissions doivent ainsi répondre à des garanties « d’indépendance et d’impartialité ». Des règles spécifiques de conflits d’intérêts sont également prévues (C. mon. fin., art. R.5 19-51, I).

Toute sanction ne peut, en outre, être prononcée que par décision motivée de la commission. Elle intervient après que le membre concerné ait été invité à faire valoir ses observations éventuelles dans le cadre d’une procédure précisée par les statuts de l’association (C. mon. fin., art. R. 519-51, II). Par exemple, pour CNCEF Crédit, chaque fois qu’un manquement est relevé, une notification est d’abord adressée à l’adhérent afin qu’il puisse régulariser sa situation. Ce n’est alors qu’en cas d’abstention de sa part (pour le coup délibérée) que son dossier sera présenté à la commission de discipline.

Différentes notifications sont encore envisagées (au membre, à l’ACPR et à l’ORIAS) par la loi et le règlement. Le retrait de la qualité de membre prononcé d’office peut aussi être communiqué aux autres associations professionnelles agréées (C. mon. fin., art. L. 519-14, al. 4).

Quid enfin des possibilités de recours ? Sur ce point, la loi indique que la décision de retrait de la qualité de membre est susceptible de faire l’objet d’un recours devant le tribunal judiciaire dans le ressort duquel se trouve le siège de l’association (C. mon. fin., art. L. 519-14, al. 4).

Cet encadrement des recours a, en outre, été complété par les associations elles-mêmes. Ainsi, CNCEF Crédit a prévu, à l’égard de n’importe quelle sanction prononcée, une procédure de « recours amiable » contre la décision de la commission de discipline, recours qui en suspend l’exécution.

Pour conclure cette présentation, il convient de garder à l’esprit que, si le droit autorise de la sorte les associations à prononcer des sanctions, c’est d’abord dans le but de protéger le consommateur, mais aussi de lui assurer que les IOBSP auxquels il fait appel respectent toutes les règles auxquelles ils sont assujettis, qu’ils sont en activité effective et qu’il peut leur faire confiance. Les associations n’ont d’ailleurs aucun avantage à sanctionner leurs membres. Au contraire, elles rechercheront, avant toute décision, à échanger avec l’adhérent concerné afin de l’aider à régulariser le ou les points de non-conformité.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº868
Notes :
[1] JO, 9 avr. 2021, texte n° 2. – J. Lasserre Capdeville, “Les incidences de la réforme du courtage en droit bancaire », JCP E 2021, n° 21, 368.
[2] JO, 2 déc. 2021, texte n° 7. – J. Lasserre Capdeville, “Finalisation de la dernière réforme du courtage : présentation des mesures intéressant le droit bancaire », Lexbase, Hebdo édition affaires, 6 janv. 2022, n° 700, n° N9948BY4.
[3] C. mon. fin., art. L. 519-11, I.
[4] ORIAS, rapp. annuel, 2020, p. 29.
[5] C. mon. fin., art. L. 519-14.
[6] Nous sommes membres de la Commission de discipline de CNCEF Crédit.