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Économie

Les Taux d'intérêt négatifs ne sont pas une anomalie

Créé le

23.04.2019

-

Mis à jour le

26.04.2019

Selon nos estimations, la proportion des obligations à taux négatifs s’établit encore à 29 % du total des encours obligataires du monde riche.

Ce qui importe en macroéconomie est le taux d’intérêt réel et il n’y a rien qui empêche que le taux nominal soit parfois en territoire négatif, lorsque les anticipations d’inflation baissent excessivement, alors même que le stock de dette est significatif et la croissance nominale faible.

Pour quels objectifs ? Incitation des banques à prêter plutôt que d’accumuler des réserves à la Banque centrale, encouragement des entreprises et des ménages à épargner moins et à investir et dépenser plus, reflation des actifs risqués, baisse du change… En bref, enrayer le risque déflationniste.

En zone euro, c’est d’autant plus vital que les pressions déflationnistes restent plus fortes qu’aux États-Unis, à la suite notamment des multiples erreurs dans la gestion de la crise de la dette souveraine européenne au début de la décennie.

Certes, le passage à des taux négatifs pose un certain nombre de problèmes d’ordre micro- et macroéconomique :

  • d’abord, un risque de fuite vers la monnaie fiduciaire (pièces et billets). Mais en fait, il y a des coûts liés à la détention de billets (stockage, transport…) et le rendement net de la monnaie fiduciaire n’est pas nul, mais négatif, probablement autour de - 1 % ; de plus, le poids de la monnaie fiduciaire tend à diminuer ; enfin, on n’a pas observé dans les pays à taux directeur négatif (Japon, pays scandinaves, Suisse) de fuite de la part des agents non financiers vers les billets de banque ;
  • des pressions baissières sur les marges des banques (baisse de la marge nette d’intérêts), affectant la profitabilité de ces dernières. Mais en stimulant l’économie, cette politique de taux négatifs peut être aussi bénéfique pour les banques, via une hausse de la demande de crédit, l’amélioration de la qualité des actifs et la réduction du risque de crédit. Et les banques centrales (Japon, Suisse, et peut-être prochainement la BCE) peuvent aussi limiter l’impact négatif sur la profitabilité via l’introduction de taux directeurs différenciés, de manière à ne pas affecter brutalement l’ensemble des réserves des banques.
Au niveau macro, notre conviction est que les taux négatifs sont au total favorables. Il est également vrai que cette stratégie freine le processus de destruction créatrice, mais c’est une critique qu’on pourrait formuler à l’encontre de toute stratégie monétaire accommodante. Le problème est que les banques centrales du monde riche n’ont plus le choix depuis longtemps. Tout processus de normalisation monétaire porte en lui-même les germes d’une récession – voire d'une dépression – future, compte tenu du niveau d’endettement et de financiarisation de l’économie mondiale.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº832