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Pilotage interne

BPO bancaire : vers un déploiement à grande échelle ?

Créé le

25.07.2013

-

Mis à jour le

21.03.2014

Si le Business Process Outsourcing (BPO) n’est pas un concept nouveau, il se déploie aujourd’hui en confiant à un prestataire la gestion complète d'un processus d'activité bancaire, comme l'externalisation intégrale des activités de back-office. Dans un contexte économique perturbé, il peut être vu comme le moyen de réduire rapidement ses coûts ou d’assurer une implantation rapide sur de nouveaux marchés.

Dans le secteur bancaire, le Business Process Outsourcing (BPO) fait figure de véritable serpent de mer. Mais si on en parle depuis longtemps, l'heure d'un véritable décollage a peut-être sonné. C'est à la fois une question d'offre, mais aussi de contexte.

Le secteur bancaire en pleine mutation

Ce n'est un mystère pour personne, depuis la crise de 2008/2009, le secteur bancaire européen est confronté à une forte remise en question de son modèle. Il subit de fortes pressions sur les marges, entre la concurrence des offres low cost des banques en ligne et la récession qui touche le continent. Les banques doivent adapter leurs coûts, tout en faisant face à une complexité réglementaire croissante. Les banques doivent mettre en œuvre des moyens pour appliquer ces règles nouvelles, sources de risques importants en cas de manquement, sans parler de la réduction de voilure qu’impose ce nouveau corpus réglementaire. Même les banques suisses font grise mine : plus de la moitié d'entre elles s'attendaient en fin d'année dernière à un millésime 2013 difficile. Partout, les banques cherchent ainsi des relais de croissance, que ce soit via le développement de nouvelles offres ou l'extension à l'international, y compris hors d'Europe. Malgré les déconvenues enregistrées ici et là, ce dernier axe stratégique demeure central pour des acteurs majeurs comme BNP Paribas ou Société Générale.

Le périmètre de l’externalisation

Dans ce contexte où il faut trouver de nouveaux débouchés tout en réduisant les coûts, le choix du BPO peut s'avérer judicieux. Encore faut-il en définir les contours. En effet, nous ne parlons pas ici d'une simple externalisation des infrastructures informatiques, voire du deuxième niveau que constitue la gestion externalisée d'applications (application management). On ne peut parler de « vrai » BPO que lorsqu'une banque va jusqu'à confier à un prestataire la gestion complète d'un processus d'activité bancaire. Cela peut être limité à une brique, comme la monétique ou la gestion des titres, ou aller jusqu'à l'externalisation intégrale des activités de back office, y compris la chaîne de valeur complète des paiements ou le crédit. Les offres les plus complètes débordent même vers le middle office (tenue de comptes clients) ou vers l'aval (comptabilité, préparation du travail de reporting de la banque).

Baisse des coûts…

Si le recours au BPO semble une option particulièrement attrayante et en phase avec les problématiques actuelles du secteur, c'est qu'il va permettre des économies d’échelle importantes via une industrialisation, une automatisation et une standardisation de toutes les fonctions qui, ne faisant pas réellement partie de son cœur de métier, ne sont source pour elle d'aucun avantage compétitif. Le premier argument qui pousse les banques vers le choix du BPO est évidemment la baisse des coûts, priorité stratégique actuelle du secteur, confronté à un environnement très incertain. Un passage au BPO réussi a aussi un autre avantage, celui de variabiliser les coûts en fonction de l'activité de la banque. Le modèle économique du BPO est en effet mixte, avec une quote-part fixe et une part variable, en fonction d'unités d'œuvre exécutées par le fournisseur pour son client. Comme le montre le graphique, plus une banque va loin dans l'industrialisation de ses processus (le BPO étant la transformation la plus radicale), plus le potentiel de baisse des coûts est important. Au final, le choix du BPO intégral revient bien pour la banque à dégager des ressources des tâches purement administratives pour les réallouer vers son cœur de métier : l'activité commerciale, la gestion de ses offres, de sa marque, de ses facteurs différenciants, etc. Le potentiel est important car, dans une banque, le ratio est souvent de 2,5 personnes au back office ou dans des fonctions support pour une personne au front.

…et implantation dans un marché étranger

Le BPO est une solution particulièrement intéressante pour une banque souhaitant s'établir sur un nouveau marché. Bien construite, elle lui permet d'accéder immédiatement à une connaissance des spécificités locales en matière de back office, donc d'alléger et d'accélérer la phase de lancement. Même pour des acteurs en place, il se révèle très judicieux, et pas seulement pour une question de coûts. Il permet tout d'abord en quelque sorte de « déléguer » le suivi des évolutions réglementaires et de leurs implications sur leur système d'information, même si la banque reste évidemment responsable au final. Un BPO réussi confère également une agilité technologique qui peut se révéler déterminante sur le plan commercial, en facilitant l'ingéniosité et la réactivité de la grille tarifaire, qui va pouvoir évoluer sans mobiliser d'importantes équipes ou devoir attendre plusieurs mois pour un simple paramétrage.

État des lieux du marché

Si l’on voit le marché du BPO prendre forme aujourd'hui, c'est que parviennent enfin à se rencontrer une demande, conditionnée par le contexte, et une offre adaptée, grâce aux récentes évolutions technologiques qui permettent de concilier mieux qu'avant les concepts parfois antagonistes de flexibilité et d'industrialisation.

Historiquement, ce sont surtout des banques petites ou moyennes qui ont eu recours au BPO. Dès 2008, une étude de Metis Management Consulting sur le marché allemand des banques privées mettait en évidence qu'une majorité d'entre elles (52%) avait fait le choix de l'outsourcing et que les plus petites étaient aussi les plus demandeuses. Aujourd'hui, on constate un intérêt croissant pour le BPO chez des établissements de dimension plus significative. Ainsi, B-Source, filiale d’Avaloq group en Suisse, a signé un accord avec la Banque cantonale du Tessin et vient par ailleurs de reprendre, également en Suisse, l'équipe du back office des activités gestion de fortune de Deutsche Bank. Hier quasiment considéré comme tabou, le principe de l'externalisation bancaire monte clairement en puissance dans les mentalités. Cette transformation majeure est l’occasion pour une banque de procéder à une revue stratégique globale de son modèle économique : elle pourra ainsi déterminer quels processus méritent d’être conservés en interne (ceux où sa valeur ajoutée est la plus élevée) et choisir d’externaliser les autres : ainsi un spécialiste des produits dérivés va logiquement préférer conserver la main sur le back office de cette activité.

La donne française

Sur le marché français, l'externalisation de la gestion des titres est depuis longtemps déjà une réalité. Mais dans d'autres segments d'activité, de nombreux acteurs s'appuient encore sur des systèmes propriétaires anciens qu'ils peinent aujourd'hui à faire évoluer. La réflexion sur le BPO revient aujourd'hui à l'ordre du jour chez les grands groupes, dans une logique d'optimisation des coûts sur plusieurs pays. Société Générale a ainsi annoncé, fin 2012, un projet d'externalisation auprès d'Accenture d'une partie des activités de back office de sa banque de financement et d'investissement et d'autres sont dans les cartons. La France manque encore, sans doute, d'une offre complète et indépendante. Pour l'externalisation de la gestion des titres, les fournisseurs habituels sont ainsi de grandes banques, qui cherchent à optimiser économiquement leur usine existante en la faisant travailler pour des clients tiers. Mais cette configuration a ses limites.

Comment choisir le bon fournisseur ?

Le fournisseur de BPO doit évidemment disposer d'une expertise bancaire poussée, mais il est préférable qu'il ne soit pas une banque lui-même. Pour des raisons de conflit d'intérêt potentiel, une banque peut avoir quelques réticences à transférer à un concurrent une part trop importante de ses activités, d'où l'intérêt d'un prestataire extérieur au secteur, véritable tiers de confiance technologique. Chez Avaloq, nous avons observé le phénomène de près en 2011, lors de la prise de participation majoritaire dans B-Source, auparavant affilié à un acteur bancaire. Ce changement de gouvernance a clairement permis de lever certains freins qui limitaient le développement de l'activité.

Pour qu'une offre BPO soit viable, la notion de taille critique est aussi un facteur important. Le provider va viser une marge de 15 % sur son activité, alors que la banque attend une baisse de coûts de 20 à 30% du passage au BPO. Pour concilier ces objectifs antagonistes, il faut un acteur capable de jouer sur les effets d'échelle. Il doit aussi être capable de mettre en œuvre une véritable industrialisation et une offre technologiquement innovante. Dans la réussite d'un BPO, ce dernier aspect est capital, car il va permettre de concilier l'industrialisation avec la souplesse nécessaire pour convenir à la situation individuelle de chaque banque. N'oublions pas non plus que les interactions entre la banque et ses clients passent de plus en plus par des outils technologiques (smartphones, tablettes). Enfin, choisir un BPO provider de stature globale plutôt que monopays peut s'avérer décisif.

En matière de BPO, le secteur bancaire est clairement en train de passer des mots aux actes. Il s'agit bel et bien d'une révolution stratégique en marche. Pour les fournisseurs, tout l'enjeu est de construire une offre globale, en poussant au maximum la rationalisation tout en permettant une parfaite adaptabilité à chaque cas client.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº763