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Rétrospective 2014

Bilan de santé avant la supervision unique

Créé le

04.12.2014

-

Mis à jour le

24.12.2014

Préalable à la supervision unique, l'évaluation complète des banques, comprenant une revue de la qualité des actifs (Asset Quality Review – AQR) et un stress-test, a tenu en haleine toute la communauté financière pendant l'année ​2014. Des armées de contrôleurs et des bataillons de consultants (plus de 6 ​000 ​personnes au total) ont passé en revue les chiffres fournis par les banques européennes, qui ont demandé à leurs équipes de redoubler d'efforts afin de répondre aux demandes (souvent tardives) de la BCE. Nombre d'établissements ont également dû ajuster leur bilan afin de réussir les tests. Ils ont mené ces transformations sous le regard médusé du marché ​: investisseurs, gérants d'actifs et analystes voyaient en direct les banques se transformer à un rythme accéléré.

Les efforts des banques ont payé. En effet, les résultats de l'exercice, dévoilés le 26 ​octobre, sont loin d'être catastrophiques. Ils sont toutefois sans pitié et plutôt conformes aux attentes du marché ​: les insuffisances de fonds propres détectées s'élèvent au total à 25 ​milliards d'euros et concernent 25 ​banques. Toutefois, en tenant compte des levées de capitaux effectuées début ​2014, ce chiffre est revu à la baisse dans le rapport de la BCE : « ​Si l'on soustrait les déficits de la totalité des fonds propres qui ont déjà été mobilisés […], il reste 9,5 ​milliards d'euros à combler, concernant quatorze banques. ​» Parmi elles, Monte Dei Paschi di Siena a surpris par l'ampleur de l'insuffisance de capital, soit 2,11 ​milliards d'euros ​!

L'une des épreuves liées à cet exercice a été l'harmonisation des données, afin de rendre les banques comparables. Par exemple, la notion de créance douteuse a dû être homogénéisée, ce qui ne s'est pas fait sans heurts, comme le fait remarquer le gérant d'actifs Axiom ​: « ​L'AQR conduit à 16 ​% de créances douteuses supplémentaires et 43 ​milliards d'euros de provisions additionnelles. Pour restaurer la confiance dans les bilans bancaires le marché voulait du sang. La BCE lui en a donné. ​»
Dans l'Hexagone, les banques ont globalement réussi l'exercice ​: en tenant compte à la fois de l'évaluation des bilans et du scénario adverse des stress-tests, « ​les banques françaises affichent un ratio CET1 agrégé de 9 ​% à fin ​2016, soit un niveau très supérieur au seuil de 5,5 ​% retenu pour exiger des plans de recapitalisation ​», selon la Banque de France. Son gouverneur, Christian Noyer, a profité de ces bons résultats pour réaffirmer la pertinence du modèle de banque universelle. Il porte en effet un regard pour le moins critique sur les velléités de séparation des activités bancaires. S. G.

 

Ils ont dit…

Société Générale se mobilise

« ​Avec le soutien de la Direction générale, nous avons fortement mobilisé l'ensemble de nos équipes, en insistant sur le caractère prioritaire de l'exercice pour un groupe comme Société Générale, d'autant qu'il s'agit du premier contact avec notre futur nouveau régulateur. Plusieurs centaines de collaborateurs sont mobilisés de près ou de loin par le projet ; nous avons fait le choix de ne recourir que marginalement à des ressources externes. En effet, par leur connaissance des activités du Groupe, nos collaborateurs sont les mieux placés pour répondre précisément et dans les temps aux demandes de la BCE. Ceci dit, nous avons demandé à nos commissaires aux comptes de nous aider à nous préparer, dans la mesure où ils sont intervenus récemment sur des exercices similaires en Europe. […] Pour être prêts dans les délais, nous avons en fait dû anticiper les demandes, sans attendre d'avoir les formats définitifs de la part de la BCE. Sur la base d'échanges réguliers notamment avec l'ACPR, puis de projets de templates mis en circulation par la BCE, nous avons fait un certain nombre d'hypothèses progressivement affinées. ​»

Arnaud Jacquemin, directeur délégué des risques du Groupe Société Générale, Banque et Stratégie n° ​324, avril 2014, page 8.

L'AQR pousse les banques à accélérer leur mue

« ​La préparation à l'AQR et aux stress-tests a commencé vraiment pour les banques depuis le début de cette année, et en particulier à l'occasion des comptes du quatrième trimestre 2013. Par petites touches, sans l'assumer totalement sinon par des commentaires surtout qualitatifs, les banques ont ajusté leur bilan en reclassant des encours de crédit en douteux, notamment les prêts restructurés, en augmentant la couverture des douteux, et enfin en renforçant leur capital. Unicredit illustre de façon extrême le nettoyage de bilan. […] La réaction des marchés relève d'une certaine indulgence, qui s'explique dans une large mesure, selon nous, par l'impression qu'ont les marchés d'assister à un processus qui rapproche les banques de leur rentabilité normalisée. Les provisions dotées en 2013 et les levées de capital étaient largement attendues pour les années ultérieures. L'accélération du calendrier et les bonnes conditions dans lesquelles ces efforts sont consentis sont autant de bonnes nouvelles. »

Cyril Meilland, coordinateur de l'équipe de recherche sur les banques européennes chez Kepler Cheuvreux, Banque et Stratégie n° 324, avril 2014, page 10.

Le marché réclame des victimes sacrificielles

« Comment convaincre les investisseurs que la crise bancaire est enfin derrière nous ? La réponse est assez simple, même si nous sommes conscients de son caractère quelque peu “circulaire” : il faut donner au marché les victimes sacrificielles qu'il attend. Certaines banques doivent échouer, faute de quoi le marché accueillera ce nouveau stress-test comme les précédents, d'un haussement d'épaules. La BCE en est consciente, puisque Mme Nouy, responsable de la supervision bancaire européenne, n'a pas eu peur d'affirmer que certaines banques “zombies” allaient “mourir”. »

Jérôme Legras, directeur de la Recherche chez Axiom Alternative Investments, Banque et Stratégie n° 324, avril 2014, page 14.

Absence de Backstop

« La zone euro dispose du MES mais, en pratique, cet instrument ne peut pas intervenir directement au capital des banques ; or, en l'absence de back stops publiques supranationaux facilement mobilisables, il est difficile de concevoir un exercice qui risquerait de faire échouer un grand nombre de banques. Nous nous attendons donc à un faible taux d'échec à ce test, ce qui ne signifie pas que l'exercice n'est pas crédible. En effet, les banques ont commencé à se transformer (restructuration de capital, réduction de la taille du bilan, augmentations de capital…), afin de passer sous les fourches caudines de la BCE et de l'EBA. »

Philippe Bodereau, directeur de la recherche crédit chez Pimco, Revue Banque n° 770, mars 2014

Le superviseur s'affirme

« Le Comprehensive Assessment marque le retour de la supervision (vs la réglementation). Dans un contexte où l'on demande aux établissements d'avoir des fonds propres correspondant réellement aux risques qu'ils prennent, la tentation de la réglementation est de mettre la barre très haut. Or, les fonds propres sont une ressource rare et précieuse. Il s'agit de bien les affecter, et cela s'apprécie en jugeant la situation sur place. Par ailleurs, de nombreux enseignements seront tirés du Comprehensive Assessment pour les priorités de supervision des années suivantes. Nous mettrons en place un suivi.
Toutefois, la supervision à venir ne changera pas la donne de façon radicale pour les banques françaises car la supervision y est déjà très forte. De plus, le modèle de supervision pratiqué en France est en passe d'être adopté pour la supervision unique. Une consultation publique a lieu en ce moment, s'inspirant largement du modèle français : un contrôle sur place doublé d'un contrôle sur pièce, les deux étant indépendants l'un de l'autre. »

Robert Ophèle, second sous-gouverneur de la Banque de France, Banque et Stratégie n° 324 , avril 2014, page 6.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº779