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Nouvelle condamnation d’un établissement de crédit pour pratiques commerciales trompeuses

Créé le

17.07.2023

Cass. crim. 31 mai 2023, n° 21-82.469.

1. Le délit de pratiques commerciales trompeuses1 est issu de la loi n° 2008-3 du 3 janvier 2008 pour le développement de la concurrence au service des consommateurs, dit loi « Chatel ». Lors de sa création, il n’était cependant pas inconnu de notre droit. Il succédait, en effet, au délit de publicité fausse ou de nature à induire en erreur2 créé, quant à lui, par la loi « Royer » du 27 septembre 1973, et dont il a repris la plupart des éléments constitutifs.

2. Cette infraction figure, aujourd’hui, aux articles L. 121-2 et suivants du Code de la consommation3. Une pratique commerciale est ainsi considérée comme trompeuse « si elle est commise dans l’une des circonstances suivantes :

1° Lorsqu’elle crée une confusion avec un autre bien ou service, une marque, un nom commercial ou un autre signe distinctif d’un concurrent ;

2° Lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants :

a) L’existence, la disponibilité ou la nature du bien ou du service ;

b) Les caractéristiques essentielles du bien ou du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, son origine, (...) ;

c) Le prix ou le mode de calcul du prix, (...) ;

d) Le service après-vente, la nécessité d’un service, d’une pièce détachée, d’un remplacement ou d’une réparation ;

(...)

3° Lorsque la personne pour le compte de laquelle elle est mise en œuvre n’est pas clairement identifiable ;

4° Lorsqu’un bien est présenté comme étant identique à un bien commercialisé dans un ou plusieurs autres États membres alors qu’il a une composition ou des caractéristiques différentes ».

3. Or, ce délit a donné lieu, ces dernières années, à des caractérisations remarquées tant en matière bancaire4 qu’en matière financière5. On peut citer, à titre d’exemple, la condamnation de BNP Paribas par le Tribunal correctionnel de Paris en raison de son prêt « Helvet Immo »6. Une nouvelle application de cette incrimination est à observer dans la décision étudiée.

4. L’établissement de crédit X. était poursuivi devant le tribunal correctionnel, sur plainte de l’Union fédérale des consommateurs (UFC) « Que choisir », du chef de pratique commerciale trompeuse. Il lui était reproché d’avoir diffusé un message publicitaire reposant sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur, portant sur les qualités substantielles du bien ou du service, soit l’objectivité de ses conseillers clientèle, en affirmant que ces derniers n’étaient pas commissionnés sur les produits placés.

5. Si les juges du premier degré avaient relaxé la société X., la Cour d’appel de Rennes avait infirmé cette solution. Ainsi, par un arrêt du 1er avril 2021, elle avait condamné l’établissement de crédit, pour pratique commerciale trompeuse, à 150 000 euros d’amende ainsi qu’à une mesure de publication. Sans surprise, la banque avait formé un pourvoi en cassation. Elle y contestait la caractérisation du délit précité. La Haute juridiction ne lui donne cependant pas raison, et rejette son pourvoi.

6. La Cour de cassation commence par noter que, pour déclarer la prévenue coupable de pratique commerciale trompeuse, l’arrêt attaqué énonçait notamment que MM. R. et Z., respectivement directeur général et président de l’établissement de crédit X., avaient été informés en mars et avril 2010 du contenu du message publicitaire, axé sur l’absence de commissionnement des chargés de clientèle au sein du groupe X., et de sa période de diffusion, en juin et octobre 2010. Les juges d’appel ajoutaient que, dans le même temps, l’établissement X. avait, sous l’égide de M. R., mis en place, au sein de ses caisses affiliées, un système de rémunération complémentaire s’analysant comme un commissionnement des chargés de clientèle, en s’abstenant d’en faire part à la Confédération nationale du groupe X., chargée de la promotion de l’activité des banques mutualistes adhérentes, et annonceur de la publicité en cause. La cour d’appel en avait conclu que l’établissement X. avait participé à l’élaboration, la décision, la mise en œuvre ou la diffusion d’une campagne publicitaire de nature à induire en erreur sa clientèle quant à l’absence de commissionnement des conseillers sur les produits financiers proposés.

7. Dès lors, pour la Cour de cassation, en l’état de ces énonciations, l’arrêt attaqué n’encourait pas le grief du moyen. En effet, la qualité d’annonceur de la Confédération nationale du groupe X. ne faisait pas obstacle à ce que soit déclarée auteur du délit de pratique commerciale trompeuse la société X. qui avait participé à l’élaboration d’une campagne qu’elle savait contraire à sa propre pratique.

8. Cette décision, conforme au droit régissant les pratiques commerciales trompeuses, emporte notre conviction. Toute société participant à une campagne publicitaire qui vient à mettre en avant un élément qu’elle sait contraire à la vérité, est susceptible d’être sanctionnée sur le fondement de ce délit. Tel est logiquement le cas de l’information concernant l’absence de commissionnement des conseillers sur les produits financiers proposés. Il est vrai qu’en prétendant cela, le client peut logiquement s’attendre à ce que son conseiller soit totalement indépendant quant aux produits proposés, ce qui n’est pas du tout le cas. Voilà, au final, une « partie faible » trompée. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº210
Notes :
1 Sur ce délit, S. Fournier, « Pratiques commerciales trompeuses », JurisClasseur Pénal des affaires, 2016, fasc. 20. – N. Éréséo, « Pratiques commerciales trompeuses », JurisClasseur communication, 2023, fasc. 3480.
2 J. Lasserre Capdeville, « La notion moderne de publicité fausse ou de nature à induire en erreur », RRJ 2005, p. 1537.
3 Pour les sanctions applicables, C. consom., art. L. 132-1 à L. 132-9.
4 Cass. crim. 13 janv. 2016, n° 14-88.136 : Banque et Droit n° 166, 2016, p. 88, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal., 8 mars 2016, p. 84, obs. M. Roussille. – La condamnation n’est cependant pas une fatalité. Pour un cas de prescription, Cass. crim. 3 déc. 2019, n° 18-86.317 : Banque et Droit n° 189, 2020, p. 70, obs. J. Lasserre Capdeville. – Sur cette question, M. Lassalle, « Banque et pratiques commerciales trompeuses », in Le Banquier face au risque pénal, éd. LexisNexis, 2023, p. 37.
5 CA Lyon 18 sept. 2013, n° 13/00651 : Banque et Droit n° 152, 2013, p. 50, J. Lasserre Capdeville. – T. corr. Saint-Etienne, 13 déc. 2012, n° 09000003063 : Bull. Joly Bourse 2013, p. 176, note J. Lasserre Capdeville –« Doubl’ô : une caisse d’épargne condamnée », Les Échos, 14 déc. 2012, p. 29.
6 T. corr. Paris, 26 févr. 2020, n° 12290076010 : Gaz. Pal., 2 juin 2020, n° 20, p. 30, note J. Lasserre Capdeville. Le procès en appel s’est tenu, devant la chambre correctionnelle de la Cour d’appel de Paris, en juin 2023. Le délibéré sera rendu le 28 novembre 2023.
RB