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Taux d’usure, vrai problème ou fausse polémique ?

Créé le

08.09.2022

-

Mis à jour le

09.09.2022

Les courtiers alertent sur un taux de refus de prêt immobilier à 45 % en juillet. La Banque de France s’inscrit en faux et évoque une production de crédit qui reste soutenue.

Selon une étude de l’Association française des intermédiaires en bancassurance (AFIB), le taux de refus de prêt immobilier atteignait 45 % en juillet. Ce chiffre, beaucoup repris dans la presse, a nécessité une intervention rassurante de Bruno Le Maire, ministre de l’Économie, rappelant que l’accès à la propriété restait un « impératif » du gouvernement. Ce taux de refus serait lié au fait que les taux de crédit n’ont fait qu’augmenter sans que la limite légale de l’usure ne soit revue en conséquence.

Dans un article des Échos du 2 septembre, la Banque de France évoque une « normalisation » de la production de crédit et décrédibilise les chiffres avancés par les courtiers concernant les taux de refus.

Le taux EURIBOR en très forte hausse

Le taux EURIBOR 12 mois est en très forte hausse sur l’année 2022, suivant la tendance des taux directeurs de la BCE et des autres indices de marché. D’autres facteurs sont à prendre en compte, mais cela permet d’évaluer le coût de financement pour les banques.

Les taux de crédit immobiliers mensuels moyens calculés par l’Observatoire du Crédit Logement apparaissent aussi en forte augmentation, moins rapide toutefois. L’écart entre les taux de crédit immobilier et l’Euribor 12 mois permet d’évaluer la marge d’intermédiation des banques. Les courbes se croisent fin août. Les banques ont clairement revu leurs taux à la hausse fin août et au mois de septembre.

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Jusqu’ici tout va bien. Les taux de crédit montent mais rien d’anormal dans le contexte économique et financier actuel.

C’est là qu’intervient la problématique du taux d’usure. Ce taux constitue la limite que le TAEG du crédit (soit le coût total du crédit ramené en pourcentage annuel) ne peut réglementairement pas dépasser. Elle protège l’emprunteur contre des taux excessifs et évite une surchauffe du système en empêchant les banques de prêter à des clients trop risqués.

La Banque de France fixe arbitrairement le taux d’usure à 133 % des TAEG moyens du trimestre précédent. Les taux actuels (du 3e trimestre) se fixent à 2,6 % pour les crédits immobiliers entre 10 et 20 ans. Ils ont subi une hausse de 7 % par rapport au deuxième trimestre, répercutant la hausse de 7 % des TAEG moyens entre le premier et le deuxième trimestre.

Cependant, entre le 1er juillet et le 2 septembre, l’EURIBOR est passé de 0,961 % à 1,896 %, soit une hausse de 97 %, sans que le taux d’usure n’ait été revu. C’est-à-dire que les banques se financent à 1,9 % alors que le TAEG des crédits immobiliers ne peut dépasser 2,6 %.

Entre 1,9 % et 2,6 % : une belle marge pour la banque ?

En fait, non. Le calcul du TAEG intègre le taux nominal, les assurances emprunteur, les frais de garantie, les frais du courtier (s’il y a lieu) et tous les frais liés au crédit. L’assurance emprunteur seule représente déjà un TAEA (le TAEG de l’assurance seule) de 0,4 % à 0,8 % selon l’âge de l’emprunteur.

Tous ces éléments pris en compte, les marges d’intermédiation sont réduites à la portion congrue (sinon négatives) et les banques qui acceptent des dossiers de crédit en ce moment travaillent à pertes.

La crainte d’une baisse de production de crédit significative

Les courtiers ont tiré la sonnette d’alarme mais peut-être ont-ils bien anticipé le phénomène en train de se produire en cette fin d’été.

Les conséquences possibles sont une hausse des taux de refus, un durcissement des conditions d’octroi (le taux d’apport, la charge d’endettement ...) et une baisse significative de la production de crédit. Certaines banques commencent aussi à se passer des services de courtage. La Banque de France se défend du caractère significatif de cette baisse de production, évoquant une baisse de la production de 3,5 % en juillet par rapport à juin. Toutefois, le mois de juillet est traditionnellement le plus productif de l’année en matière d’octroi de prêts immobiliers. Cette baisse est peut-être plus significative qu’il n’y paraît.

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Un report possible

Pas forcément, les taux d’usure seront revus à la hausse a minima au 1er octobre. Les emprunts bloqués en septembre pourraient être reportés en octobre sans que cela entraîne la levée des conditions suspensives des compromis de vente récemment signés. Par ailleurs, la Banque de France garde la main pour une hausse anticipée des taux d’usure si la situation devait le requérir.

En revanche, l’accès à la propriété devrait se durcir. C’était prévu avec la hausse de taux de toute façon, qui décourage nombre de candidats au crédit, et peut-être souhaitable aux yeux du régulateur et de la banque centrale, qui n’ont cessé ces dernières années de prévenir le risque de surchauffe.