L’Afrique au cœur

C’est un projet nourri de longue date qui a récemment été co-édité par Ginkgo éditions et NEI-CEDA, sous le nom de La Saga Bank of Africa (450 pages, 20 euros). Dans ce livre autobiographique, Paul Derreumaux relate la création et le développement de ce qui est devenu un imposant groupe financier panafricain doté d’une présence en France. Une histoire improbable, tout comme le parcours professionnel de Paul Derreumaux.

Originaire du nord de la France, diplômé de l’Institut d’études politiques de Paris et titulaire d’un DESS de sciences économiques, il a commencé sa carrière à l’Université de Lille, avant de rejoindre en 1976 la Côte d’Ivoire, où il a exercé pendant trois ans comme conseiller au ministère du Plan, puis conseiller au cabinet du ministre de l’Économie, des Finances et du Plan. De retour en France, il garde des liens avec le continent africain en travaillant à la Caisse centrale de coopération économique, puis dans une société où il est chargé du montage d’investissements et du conseil économique auprès de gouvernements africains.

C’est à ce moment que naît l’audacieux projet de créer une banque commerciale à capitaux entièrement africains et totalement privés. Un défi à une époque où l’Afrique francophone ne comptait que des banques d’État ou de grands groupes étrangers. Qu’importe : avec peu de moyens mais beaucoup de volonté et une approche très pragmatique, il fonde, en 1982, aux côtés d’un ancien ministre ivoirien et d’un important commerçant malien, la Bank of Africa (BoA), avec une première implantation à Bamako.

Au fil des années, en qualité de P-DG du groupe, Paul Derreumaux développera un véritable réseau en Afrique subsaharienne. Se sentant « plus bâtisseur que banquier », il veille en permanence à la cohérence de la construction et à l’adhésion des équipes dans le contexte compliqué du continent.

Avec La Saga Bank of Africa, Paul Derreumaux apporte un témoignage vivant sur l’évolution du système bancaire subsaharien au cours des quarante dernières années. Il estime cependant que « l’aventure vécue ne serait plus possible aujourd’hui ».

Ainsi, au travers de l’histoire de BoA, « transparaissent les graves secousses bancaires du début des années 1980, les changements de réglementation de la fin de cette même décennie, les effets de la grande dévaluation du FCFA de 1994, les conséquences des “ajustements structurels” ou encore les profondes différences entre les zones francophones et anglophones du continent ».

Lorsqu’il quitte son poste de P-DG en 2011, Paul Derreumaux est à la tête d’un groupe implanté dans 14 pays et qui évolue, depuis un an, au sein du giron de la Banque Marocaine du Commerce Extérieur (BMCE).

Installé au Mali, dont il a acquis la nationalité, Paul Derreumaux conserve, jusqu’en 2019, certaines fonctions non exécutives au sein du groupe. Administrateur ou président de plusieurs sociétés – spécialisées dans les assurances, l’hôtellerie et les télécoms –, il reste à ce jour président d’honneur de BoA et continue à observer les nouvelles évolutions du secteur.

« Le mobile banking a désormais une place plus développée en Afrique qu’en Europe. Ce qui bouscule les nécessités de digitalisation des banques africaines et les pousse à réduire leur retard. » Entre espoir et circonspection, Paul Derreumaux est aussi conscient que le niveau de bancarisation reste trop faible en Afrique. Aussi évoque-t-il un autre défi autour d’un élargissement de l’accès au crédit pour les particuliers et les PME : « C’est à cette condition que des besoins primordiaux comme le financement de l’habitat ou celui des petites entreprises seront mieux satisfaits. Mais, bien sûr, les banques ne sont pas les seuls inventeurs de ces mutations. »