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Évolution de l’analyse financière : de la discipline au métier

Créé le

08.06.2011

-

Mis à jour le

14.09.2011

Discipline commune à la sphère financière et aux entreprises, l’analyse financière s’est professionnalisée et au cours de ces trois dernières décennies, son utilisation s'est fortement généralisée. Aujourd’hui, elle se divise en quatre principaux métiers.

L’analyse financière est l’une des techniques financières les plus diffusées, tant dans la sphère financière que réelle (le monde des entreprises). Durant les trois dernières décennies, de profondes mutations ont affecté les facteurs auxquels elle est liée. Objet d’un réel redimensionnement, elle correspond à la fois à une discipline, à une technique et à une profession en vue.

Une discipline financière « mature » et normée

L’analyse financière vise à retracer la politique financière menée par une entreprise, à apprécier le degré d’atteinte de ses objectifs et à mesurer le respect des contraintes qui pèsent sur elle. Elle est liée à de nombreux facteurs contingents et intrinsèques qui, au terme de conséquentes modifications survenues depuis une trentaine d’années, semblent désormais « stabilisés ». L’analyse financière est aujourd’hui mature et structurée.

Pour ses nombreux et divers utilisateurs, elle ne relève pas d’un genre purement historique et descriptif, mais se veut explicative et prospective. Tous la pratiquent, notamment pour déterminer leur comportement vis-à-vis d'une société ; à partir de leurs conclusions, ils décident des termes de leur coopération (explicite ou implicite) avec celle-ci. Elle inclut donc par définition une dimension prospective, au service d’une décision qu’elle oriente et contribue à élaborer. Aussi, les spécialistes invitent à distinguer ses deux composantes : le diagnostic financier (qualification objective de la situation financière courante et potentielle) et la recommandation (proposition d’actions vis-à-vis de la société, dépendant de la nature de la relation avec elle).

Cette approche logique traduit l’aboutissement d’un long processus d’évolution. Les besoins des utilisateurs ont évolué et de profondes modifications affectent l’analyse financière :

  • son ancrage a évolué, s’exonérant de sa tutelle comptable pour devenir une réelle discipline financière ;
  • elle est devenue un champ d’étude et de recherche en finance ;
  • l’information comptable émise par les sociétés s’est affinée et « financiarisée » ;
  • d’une approche centrée sur la solvabilité, elle a évolué vers la mesure des performances, surtout de la valeur créée [1] ;
  • les outils techniques se sont sophistiqués et raffinés ;
  • des ponts ont été jetés avec d’autres disciplines, en particulier les méthodes de diagnostic stratégique ;
  • son usage s’est fortement répandu en dehors de l’entreprise.
Elle est en conséquence passée d’un genre empirique et positif, à une discipline plus théorique et normative, réellement analytique.

Le CFA et l’universalisation de l’analyse financière

Ces évolutions simultanées se sont trouvées « catalysées » et synthétisées par l’émergence d’une norme universelle, le CFA [2] . Ce diplôme international a établi une véritable doctrine et des jeux de règles. Ils traduisent une normalisation autour d’un nouveau paradigme, américain, de l’analyse financière, à partir duquel toutes les pratiques ont été réécrites et les applications reconsidérées. Techniquement, le CFA comprend l’ensemble des outils et procédures, organisés en une séquence de six étapes.

L’analyse financière comme profession

Parmi ses utilisateurs, certains praticiens exercent à plein-temps la profession d’analyste financier. Située dans l’industrie financière (banque, finance, assurance, intermédiation), l’analyse s’érige alors en profession structurée et réglementée.¶

Les analystes financiers sont des spécialistes qui étudient les entreprises sous l’angle des capitaux investis par les bailleurs de fonds : actionnaires (apports en Equity) et créanciers financiers (apport de Debt). Ils réalisent leurs travaux pour émettre un conseil aux investisseurs intéressés par ces titres sur le marché (sous la dénomination de Research), ou dans le cadre d’opérations financières auxquelles leurs institutions participent comme intermédiaire ou souscripteur de capitaux (elle est alors appelée Analysis).

Les analystes professionnels interviennent dans 4 grandes catégories :

  • Equity Research : analyse boursière de sociétés cotées. Les analystes recommandent aux investisseurs d’acheter ou de vendre des actions en comparant le cours de bourse à leur propre valorisation intrinsèque (l’objectif de cours – Target Price) ;
  • Credit Research : analyse de l’opportunité d’investir dans des produits de dettes en comparant les spreads de crédit offerts au risque de défaut du titre. La recommandation s’exprime par un rating qui s’entend en probabilité de défaut ;
  • Corporate Analysis : analyse portant sur l’achat ou la vente de sociétés, incluant leur valorisation. Elle concerne les équipes de fusions-acquisitions, l’activité ECM [3] et le Private Equity ;
  • Credit Analysis : analyse crédit des opérations de prêts aux entreprises. Elle concerne la banque commerciale, l’activité DCM [4] et les analyses consolidées du portefeuille de crédit pour la gestion de la banque ( ALM [5] ) et le respect des réglementations [6] .

Le caractère auto-référentiel de certaines analyses¶

La profession d’analyste financier s’est considérablement étoffée et spécialisée, entraînant l’enrichissement de la discipline et son organisation en filières « pointues ». Parmi ces quatre domaines, un se distingue particulièrement. L’Equity Research est la profession d’analyse la plus en vue, du fait de son rôle :

  • direct (conseil aux investisseurs sur le marché actions [7] ) ;
  • indirect (source d’information prioritaire de l’industrie financière).
Elle se fonde sur un corpus théorique la justifiant comme l’un des moyens d’améliorer l’efficience du marché financier. Ce prestigieux métier s’accompagne d’importantes rémunérations et les analystes sont respectés, tant par les investisseurs que par les sociétés cotées. Leurs opinions sont largement reprises et certains analystes ont une réelle vie médiatique. Des classements annuels, quantitatifs (basés sur la fiabilité de leurs recommandations) ou qualitatifs (utilité pour les investisseurs et gérants), permettent de désigner (sacrer) de véritables « stars ». Celles-ci se voient reprocher de « faire le marché » : les sociétés sont incitées à « bien les traiter »,  leurs recommandations ont un caractère auto-référentiel et suggèrent un certain mimétisme. Reste que la contribution effective de ces analystes financiers est discutée, surtout quant aux travers et éventuels effets pervers de leurs recommandations.

1 Valeur partenariale, économique ou financière. 2 Chartered Financial Analyst. 3 Equity Capital Markets : « mise sur le marché » de titres de capital (Equity). 4 Debt Capital Markets : « mise sur le marché » de produits de dettes. 5 Asset and Liabilites Management : gestion actif-passif d’une institution financière. 6 Bâle III. 7 Un des principaux marchés financiers mondiaux.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº739
Notes :
1 Valeur partenariale, économique ou financière.
2 Chartered Financial Analyst.
3 Equity Capital Markets : « mise sur le marché » de titres de capital (Equity).
4 Debt Capital Markets : « mise sur le marché » de produits de dettes.
5 Asset and Liabilites Management : gestion actif-passif d’une institution financière.
6 Bâle III.
7 Un des principaux marchés financiers mondiaux.
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