Dans le cadre du MSU, la répartition des rôles entre la BCE et les autorités nationales dépend
Le 1er septembre 2014, la BCE a adopté une décision qualifiant la L-Bank d’entité importante. Saisie par cette dernière, la Commission administrative de réexamen de la BCE a rendu un avis concluant à la légalité de cette décision. Le 5 janvier 2015, la BCE a pris une nouvelle décision qui a abrogé et remplacé la décision précédente tout en maintenant la qualification d’entité importante de la L-Bank. La BCE a estimé que la valeur totale des actifs de la banque dépassait le seuil de 30 milliards d’euros correspondant au critère de la taille prévu par le règlement de base. La L-Bank a formé un recours en annulation contre cette décision devant le Tribunal de l’Union européenne.
À l’appui de son recours, la requérante avançait cinq moyens tirés d’une violation de l’article 6 § 4 du règlement de base et de l’article 70 du règlement cadre
L’arrêt commenté précise l’étendue des compétences transférées à la BCE par le règlement de base (I.) et éclaire la qualification d’entité importante qui conditionne l’exercice par la BCE de ses missions de surveillance prudentielle directe (II.).
I. L’étendue des compétences transférées à la BCE
Depuis la mise en place du MSU le 1er novembre 2014, il existe une incertitude sur le point de savoir si les compétences en matière de surveillance prudentielle directe des entités moins importantes sont réservées aux autorités nationales ou si celles-ci ont été transférées à la BCE. Selon cette dernière interprétation, seule la mise en œuvre des compétences en matière de surveillance prudentielle des entités moins importantes aurait été déléguée aux autorités nationales sous la supervision de la BCE. La question de l’étendue des compétences transférées à la BCE revêt une grande importance car elle pose, plus profondément, celle de la nature du premier pilier de l’Union bancaire.
Sans surprise, la requérante réfutait tout transfert de compétence au profit de la BCE en ce qui concerne les missions de surveillance prudentielle visées à l’article 4 § 1 du règlement de base à l’égard de l’ensemble des établissements et groupes contrôlés, quelle que soit leur importance. Elle soutenait que ce transfert de compétence était limité à la seule surveillance prudentielle directe des entités importantes et que les autorités nationales restaient compétentes en matière de surveillance directe des entités moins importantes. La requérante soulignait que le législateur de l’Union avait sciemment écarté la proposition initiale de règlement de base de la Commission – laquelle reposait sur un transfert de compétence au profit de la BCE en ce qui concerne la surveillance prudentielle de l’ensemble des établissements financiers – au profit d’une solution plus conforme aux principes de subsidiarité et de proportionnalité. La BCE, soutenue par la Commission, défendait la thèse contraire.
Le Tribunal juge « qu’a été déléguée par le Conseil à la BCE une compétence exclusive s’agissant des missions envisagées à l’article 4 § 1 du règlement de base et que l’article 6 de ce même règlement a pour seul objet de permettre la mise en œuvre décentralisée dans le cadre du MSU de cette compétence par les autorités nationales, sous le contrôle de la BCE, à l’égard des entités moins importantes […] ». Le règlement de base n’a donc pas attribué à la BCE et aux autorités nationales, respectivement, la surveillance directe des entités importantes et celle des entités moins importantes. Il a transféré à la BCE l’ensemble des compétences de surveillance prudentielle prévues à l’article 4 § 1 tout en organisant leur exercice dans un cadre décentralisé s’agissant des établissements et groupes moins importants. Cette lecture permet d’expliquer les pouvoirs conférés à la BCE par le règlement de base à l’égard des autorités nationales chargées de surveiller directement les entités moins importantes dont l’intervention présente, selon le juge de l’Union, un « caractère
II. La qualification d’entité importante
Afin d’échapper à la qualification d’entité importante et à la surveillance prudentielle directe de la BCE, la L-Bank s’était prévalue, durant la procédure administrative, d’une disposition de l’article 6 § 4 du règlement de base prévoyant que la qualification d’établissement important peut être écartée dans des « circonstances particulières » que la BCE a été chargée d’expliciter. L’article 70 § 1 du règlement cadre MSU précise qu’il s’agit de « circonstances de faits spécifiques qui rendent inapproprié le classement comme important d’une entité soumise à la surveillance prudentielle au regard des objectifs et des principes du règlement (de base), et notamment, de la nécessité de garantir l’application cohérente des normes de surveillance prudentielle à un niveau élevé ». L’article 70 § 2 du même règlement ajoute que l’expression « circonstances particulières » doit faire l’objet d’une interprétation stricte.
Dans la décision attaquée, la BCE avait estimé que l’application de l’article 70 § 1 du règlement cadre MSU ne pouvait aboutir à écarter la qualification d’entité importante de la LB Bank qu’à la condition que fût démontré qu’une surveillance prudentielle directe par les autorités allemandes serait mieux à même de garantir les objectifs du règlement de base. Le Tribunal juge que la BCE n’a pas commis d’erreur de droit dans l’interprétation de cette disposition. Pour bénéficier de la dérogation prévue à l’article 70 § 1, il ne suffit pas que la surveillance prudentielle directe des autorités nationales permette d’atteindre les objectifs du règlement de base. Le Tribunal ajoute que la BCE n’a pas commis d’erreur manifeste d’appréciation en écartant l’argument avancé par la requérante selon lequel les autorités allemandes seraient mieux à même de garantir l’objectif d’application cohérente des normes de surveillance prudentielle de niveau élevé.