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Rétrospective 2016

La blockchain pourrait révolutionner les services financiers… ou non

Créé le

19.12.2016

-

Mis à jour le

22.12.2016

Star éphémère ou révolution émergeante ? La blockchain a fait couler beaucoup d’encre en 2016 et a fait l’objet de nombreuses expérimentations. La chaîne de blocs aurait le pouvoir de métamorphoser le système financier, en proposant rien de moins que la suppression des tiers de confiance, avec la promesse de rendre les process bien plus rapides et moins coûteux… si la technologie et la législation le permettent un jour. La monnaie virtuelle Bitcoin, la première blockchain, est pourtant née fin 2008 loin des préoccupations des financiers, dans la mouvance libertaire. Depuis lors, la blockchain a fait l’objet de nombreuses « premières fois ».

  • Premiers espoirs. Après avoir suscité une certaine méfiance, la blockchain a vu naitre des espoirs de révolutionner les services financiers en supprimant les intermédiaires, les délais de transactions, les frais de structures... Des experts ont estimé que les premières utilisations verraient le jour en 2017-2018 pour atteindre un stade de maturité dès 2025. L’étude de Santander qui chiffre les économies possibles pour le secteur bancaire international à 15 ou 20 milliards de dollars d’ici 2022 a frappé les esprits.
  • Premiers travaux. Nombre d’initiatives de Place destinées à comprendre la blockchain et imaginer ses possibles utilisations ont vu le jour. Le consortium privé R3 CEV né en 2014 rassemble des dizaines de grandes banques internationales. En France, La Caisse des Dépôts a lancé, fin 2015, l’initiative LaBChain, avec plusieurs grandes banques et assureurs.
  • Premiers PoCs (preuves de concept) en France. LaBChain a donné naissance en 2016 à deux PoCs, en juillet (sur l’identité numérique et le KYC), puis en novembre (sur la gestion du collatéral titres en post-marché).
  • Première définition légale française. L’ordonnance du 28 avril 2016, qui a créé les minibons, permet aux émetteurs de recourir à la technologie de la blockchain pour leur émission et cession. Elle est en attente de la parution d’un décret d’application.
  • Premières expérimentations bancaires. BNP Paribas Securities Services, par exemple, a mis au point un registre utilisant la blockchain pour permettre la comptabilisation automatique des titres financiers émis par les entreprises sur la plate-forme de crowdfunding SmartAngels et sur d’autres.
  • Premières déconvenues. Le consortium R3 a connu des défections de membres importants fin 2016 : Goldman Sachs, Morgan Stanley et Santander. Si des fraudes avaient déjà eu lieu, l’attaque qui a touché The DAO en 2016 a fait du bruit. Un hacker a profité d’une faille sur cette plate-forme pour s’octroyer 80 millions d’Ethers (la cryptomonnaie de la plate-forme Ethereum) en juin dernier.
Dans l’attente de premiers déploiements industriels, les avis restent partagés pour savoir si la blockchain va réellement monter en puissance ou rester au stade des premières expérimentations.

 

Ils ont dit

Des opportunités potentielles pour les banques

« Mais la blockchain, souvent présentée pour les institutions financières comme une possible alternative au système bancaire traditionnel, pourrait au contraire se révéler être pour les banques un nouvel outil à exploiter. Cette technologie offre de nouvelles opportunités pour les banques, non seulement en permettant l’évolution ou la création de produits bancaires, mais aussi en ouvrant un nouveau champ des possibles avec le développement de services connexes aux produits bancaires. Son utilisation pourrait par exemple accélérer les délais de traitement des transactions, révolutionner le système de règlement actuel dans le domaine des valeurs mobilières, renforcer la transparence et la sécurisation des dérivés de gré à gré, faciliter les opérations de négoce international (trade finance), faire évoluer les systèmes de paiement actuels, ou encore faciliter le partage d’informations sur les clients (KYC – Know Your Customer). »

Alain Fischer, Chief Digital Officer, Société Générale Banque de Grande Clientèle et Solutions Investisseurs, Banque & Stratégie n° 350, septembre 2016, p. 26.

 

Quel rôle pour les marchés financiers ?

« Un émetteur pourrait émettre ses titres non pas dans les livres d’un dépositaire central, mais dans une blockchain. Celle-ci remplirait alors la fonction de registre d’actionnaires. Ce registre serait distribué entre les nœuds de la blockchain. En cas de cession, la transaction serait ajoutée à la blockchain et le nouvel actionnaire apparaîtrait directement dans la blockchain, ce qui rétablirait la distinction pleine entre titres au porteur et nominatifs. Comparé aux infrastructures actuelles, le transfert serait extrêmement rapide puisqu’il interviendrait quelques instants après la transaction, contre deux jours actuellement. Par ailleurs, comme l’Autorité européenne des marchés financiers (Esma) l’a fait observer, le recours à la blockchain supprimerait le besoin d’une chambre de compensation (sauf si la transaction porte sur des dérivés). En effet, le risque de contrepartie et le risque de marché seraient quasiment nuls compte tenu de la rapidité du transfert des titres et espèces suivant la négociation. Outre sa rapidité, le transfert de titres via la blockchain serait donc peu coûteux, puisque mise à part la rémunération des nœuds, aucune infrastructure ou autre tiers de confiance n’aurait à intervenir. »

Philippe Denis, responsable des initiatives blockchain, BNP Paribas CIB, Banque & Stratégie n° 350, septembre 2016, p. 29.

 

Pas encore d’industrialisation des cas d’usage

« Créer une blockchain est à la portée de tous et certaines technologies permettent de le faire en quelques minutes. En revanche, industrialiser un cas d’usage métier via un smart contract de même que faire communiquer les blockchains entre elles ou avec le système hérité n’est à la portée que de quelques rares équipes aux compétences mixtes, capables de prévoir toutes les causes de sortie ou de terminaison de ces contrats. Les premiers retours d’expérience montrent que si la réalisation de proof of concepts sert à acquérir la compréhension du fonctionnement de la technologie, elle ne permet pas la réutilisation de ce qui a été développé pour une intégration avec les systèmes informatiques hérités. […] Actuellement, la profession financière découvre en même temps que ses clients les technologies de blockchain et ses variantes. La technologie s’applique à de nombreux cas d’usage (sécurisation des biens et des garanties, des dépôts, des transactions, des valeurs mobilières, des financements…). »

Xavier Simonin, Partner, Sopra Steria Consulting, Banque & Stratégie n° 350, septembre 2016, p. 7.

 

Des avancées dans les paiements

« Une des principales annonces du salon a été l’adoption par Visa de la blockchain pour accélérer le paiement entre professionnels avec B2B Connect. Ici, les virements de banques à banques transfrontaliers ne se font plus en utilisant un correspondant bancaire, mais en passant par une blockchain ad hoc entre partenaires privilégiés. Le système qui, technologiquement, peut être fusionné avec la future blockchain de Swift sera mis en place au premier trimestre 2017. »

Stéphanie Chaptal, journaliste, Revue Banque, Revue Banque n° 802, déc. 2016, p. 47.

 

Blockchain, risques et régulation

« Il est clair que le régulateur aura un rôle de premier plan à jouer dans la surveillance de la non-falsifiabilité des chaînes de consensus. Un autre enjeu de gouvernance dérive de la compatibilité entre les normes antiblanchiment et la structure du bloc où les transactions sont enregistrées sous pseudonyme, à travers des clés publiques, en complément à des clés privées. L’anonymat des parties est aujourd’hui un risque évoqué par les régulateurs pour faire face au blanchiment d’argent. Ce risque est encore mal perçu et évalué. »

Hubert de Vauplane, avocat associé, Kramer Levin Naftalis & Frankel LLP, Revue Banque n° 796, mai 2016, p. 16.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº803