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Rétrospective 2019

Banques européennes : en attendant l’harmonisation

Créé le

18.12.2019

Lancée sur les chapeaux de roues avec la mise en place de la supervision unique en novembre 2014 puis de la résolution unique entre 2014 et 2016, l’Union bancaire a laissé imaginer qu’un marché bancaire européen harmonisé allait bientôt voir le jour. Las ! L’Union bancaire n’est toujours pas finalisée et la fragmentation règne. Par exemple, à l’intérieur d’un même groupe bancaire présent dans plusieurs États membres de l’Union bancaire, le capital et la liquidité ne circulent pas facilement d’une entité à l’autre ; les superviseurs des pays hébergeant les filiales (pays host) souhaitent conserver le maximum de contrôle sur la liquidité et le capital, leur objectif étant que les filiales basées chez eux soient totalement autonomes vis-à-vis de leur maison mère. Pour justifier leur position, un certain nombre de pays host arguent du fait que la garantie des dépôts n’est toujours pas mutualisée à l’échelle de l’Union bancaire. Ces pays host estiment que, puisqu’ils sont responsables de la garantie des dépôts, ils doivent conserver la maîtrise de leur système financier. Or, ce qui doit constituer le troisième pilier de l’Union bancaire, la Garantie des dépôts européenne, est toujours dans les limbes, les États membres ne parvenant pas à surmonter leurs divergences.

Préexistante au pilier Résolution de l’Union bancaire, la règle sur les aides d’État s’applique elle aussi aux sauvetages bancaires. Et là encore, le chemin pris par l’Europe n’est pas celui de l’harmonisation : alors que la Commission se montre intransigeante envers la banque italienne Tercas (voir Encadré), elle a visiblement pris une décision plutôt arrangeante dans le cas de l’Allemande NordLB. « Il existait des arguments sérieux pour considérer que la recapitalisation de NordLB par des fonds publics était une aide d’état, explique Jérôme Legras, directeur de la recherche chez Axiom AI. Mais, s’agissant d’une banque allemande, le marché a parié sur une attitude conciliante de la part de la Commission et la dette subordonnée de NordLB n’a presque pas décoté en attendant la décision. Pour justifier sa décision, la Commission estime que la recapitalisation par des fonds publics se fait dans des conditions de marché ; toutefois, il est difficile d’avoir une référence de marché puisque les démarches pour une recapitalisation par des investisseurs privés n’avaient pas abouti. » Même si d’autres arguments peuvent être avancés par la Commission pour justifier sa décision sur NordLB, la comparaison avec sa position inflexible dans l’affaire Tercas interpelle et pourrait alimenter les mouvements eurosceptiques italiens : anticipant eux aussi une décision accommodante de la part de la Commission, des députés européens de nationalité italienne très critiques vis-à-vis de l’UE avaient, dès le 19 novembre 2019, questionné l’exécutif européen sur son « attitude discriminatoire », certains épargnants européens n’étant pas traités comme les autres. S. G.

 

Ils ont dit

Permettre aux banques de fusionner par-delà les frontières

La situation est très morcelée, chacun protégeant ses intérêts nationaux. Et c’est en ligne avec la régulation, les pays ont le droit d’agir ainsi. Mais cette fragmentation du capital et de la liquidité constitue une atteinte au développement d’un modèle bancaire transfrontalier. Cette façon de compartimenter les banques n’est pas une bonne chose ; il serait préférable que les banques soient fongibles et puissent fusionner par-delà les frontières quand elles pensent que tel est leur intérêt.

Jacques de Larosière, Gouverneur Honoraire, Banque de France, Ancien directeur général, FMI, Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 20-22.

 

 

L’achèvement de l’Union bancaire favoriserait les fusions transfrontalières

L’inachèvement de l’union bancaire crée des risques majeurs pour l’avenir de la zone euro qui ne sont pas sans similarité avec les risques qui ont motivé la création de l’union bancaire en 2012, à commencer par le cercle vicieux banques-souverains qui est pratiquement intact. Il existe un consensus rhétorique des dirigeants de la zone euro sur la nécessité de l’achèvement de l’union bancaire mais pas sur les solutions à mettre en œuvre. […] Si la législation évolue dans le sens d’un achèvement de l’union bancaire, elle aura un effet stimulant considérable sur les fusions acquisitions transfrontalières.

Nicolas Véron, économiste, Bruegel, Peterson Institute, Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 26-28.

 

 

Les capitaux ne circulent pas librement

Pour obtenir une véritable Union de financement, l’Europe a en effet besoin, aux côtés de l’Union bancaire – qui reste à achever –, d’une véritable Union des marchés de capitaux. Nos marchés sont moins profonds, moins puissants que les marchés américains ; les capitaux ne circulant pas librement, le financement des acteurs économiques européens, dont les banques font partie, n’est pas optimisé au sein de la zone euro. Et si le Brexit a lieu, la question du développement des marchés de capitaux va devenir très urgente, car l’Europe à 27, par définition amputée de la City – qui constitue aujourd’hui encore le principal marché de capitaux de l’UE –, risque de se trouver dépendante de marchés extérieurs. La question de la souveraineté se pose dans ce domaine également. Mener à bien ces chantiers doit faire partie des priorités de la prochaine mandature européenne.

Marie-Anne Barbat-Layani, directrice générale, FBF, Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 24-25.

 

 

Dans l’Union bancaire inachevée, les fusions nationales sont préférables

À l’heure actuelle, nous ne voyons donc pas la rationalité d'entreprendre des fusions transfrontalières. Tant qu’une Union bancaire n’est pas aboutie, les synergies de coûts sont discutables, en particulier du côté des banques de détail. Ajoutons que l’exigence de capital réglementaire pourrait même augmenter selon Bâle III en raison de l’accroissement de la complexité de la structure et du risque plus grand qu’une banque plus importante et transfrontalière peut faire peser au système financier européen. Nous sommes davantage favorables à des fusions nationales, où les synergies sont plus claires.

Sabrina Khanniche, économiste senior, et Frédéric Rollin, conseiller en stratégie d’investissement, Pictet Asset Management, Revue Banque n° 833, juin 2019, pp. 40-43.

 

 

La dimension intergouvernementale paralyse la zone euro

Les obstacles freinant un achèvement de l’UEM, que ce soit du côté de l’UMC, de l’Union bancaire ou du budget de la zone euro, se situent principalement du côté des États membres. En raison d’un manque de confiance entre États, de réticences à céder des prérogatives, ou de la peur d’abandonner le système de l’unanimité, au sein du Conseil comme de l’Eurogroupe, le cadre intergouvernemental a freiné l’achèvement de l’UEM ambitieuse qui avait été proposée par la mandature Juncker.

Lorène Weber et Jean-Robert Léonhard, membres du Groupe Finance, Confrontations Europe, Banque & Stratégie n° 384, octobre 2019, pp. 16-19.

 

 

Répondre aux besoins de l’économie numérique et de la transition énergétique

Il s’agit […] de conduire l’Union financière, de pair avec l’achèvement de l’Union bancaire, pour irriguer de financements le système productif de l’ensemble des régions de l’Europe, en répondant aux profils particuliers tant de l’économie numérique que de la transition énergétique.

Dominique Perrut, Docteur ès sciences économiques, Paris-1, chercheur et consultant indépendant, Banque & Stratégie n° 384, octobre 2019, pp. 20-25.

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº839