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Sanction d’un établissement de crédit par la DGCCRF

Créé le

02.04.2024

DGCCRF, amende transactionnelle, 22 janvier 2024.

Le délit de pratiques commerciales trompeuses1 est l’infraction « phare » du droit pénal de la consommation. Il trouve son siège aux articles L. 121-2 et suivants du Code de la consommation, et peut être retenu dans des cas variés. Une pratique est jugée trompeuses, notamment, « lorsqu’elle repose sur des allégations, indications ou présentations fausses ou de nature à induire en erreur et portant sur l’un ou plusieurs des éléments suivants : [...] Les caractéristiques essentielles [...] du service, à savoir : ses qualités substantielles, sa composition, ses accessoires, [...] ; Le prix ou le mode de calcul du prix [...] ; La portée des engagements de l’annonceur [...] ; L’identité, les qualités, les aptitudes et les droits du professionnel [...] ». De telles pratiques commerciales trompeuses sont punies de deux ans d’emprisonnement et d’une amende de 300 000 euros (1 500 000 euros pour une personne morale). On notera que le montant de cette dernière « peut être porté, de manière proportionnée aux avantages tirés du délit, à 10 % du chiffre d’affaires moyen annuel, calculé sur les trois derniers chiffres d’affaires annuels connus à la date des faits »2.

Ce délit donne parfois lieu à des condamnations remarquées en matière bancaire3. Tel était le cas ici, mais par l’intermédiaire de la Direction générale de la Concurrence, de la Consommation et de la Répression des fraudes (DGCCRF).

Rappelons, en effet, que les tous les agents enquêteurs de la DGCCRF sont habilités par la loi à constater les pratiques commerciales trompeuses4, et ce sur toute l’étendue du territoire national5.

Surtout, en vertu de l’article L. 523-1 du Code de la consommation, la DGCCRF a droit, tant que l’action publique n’a pas été mise en mouvement, de transiger, après accord du procureur de la République, selon des modalités fixées par décret en Conseil d’État6 « pour les infractions prévues aux articles L. 121-2 à L 121-4 », c’est-à-dire, justement, le délit de pratiques commerciales trompeuses. On notera qu’en la matière, le montant de la transaction doit être déterminé « en tenant compte des engagements pris par l’auteur de l’infraction » tout en demeurant « inférieur au montant maximum de la sanction pécuniaire encourue ».

Cette hypothèse se rencontrait dans la décision sélectionnée. En l’occurrence, le service CCRF de la direction départementale de la protection des populations des Hauts-de-Seine (DDPP92) avait réalisé une enquête entre avril 2019 et janvier 2021 portant sur des pratiques dont les consommateurs avaient été victimes de la part de Société Générale.

Les faits portaient, plus précisément, sur des prélèvements de commissions d’intervention « non justifiées ». Pour mémoire, les commissions d’intervention ont pour objet de rémunérer la banque pour le service consistant à analyser la situation financière individuelle du client afin d’apprécier l’opportunité d’autoriser un paiement demandé par ce dernier malgré l’absence de provision7. Concrètement, un conseiller bancaire évaluera si, au regard de la situation du solde et du montant ou de la nature du paiement, l’opération peut être exécutée alors qu’elle se situe en dehors du cadre de la convention unissant la banque à son client. Le paiement de la commission sera alors dû quelle que soit la décision du conseiller. Or, il est important de rappeler que la loi n° 2013-672 du 26 juillet 2013 de séparation et de régulation des activités bancaires, à l’origine d’un certain nombre de mesures tendant à protéger la clientèle, avait cherché à encadrer ces commissions d’intervention8. Depuis lors, l’article L. 312-1-3 du Code monétaire et financier prévoit des plafonds en la matière au bénéfice les clients personnes physiques n’agissant pas pour des besoins professionnels (8 euros l’unité et 80 euros par mois9), mais aussi en faveur des clients « fragiles » économiquement (4 euros l’unité et 20 euros par mois10).

Dans le cas qui nous occupe, les manquements relevés étaient, semble-t-il, constitutifs du délit de pratiques commerciales trompeuses au sens de l’article L. 121-2 du Code de la consommation.

Dès lors, avec l’accord du Parquet de Nanterre, une amende transactionnelle d’un montant de 4,5 millions d’euros, proportionnée à la gravité des faits, a été proposée à Société Générale qui l’a acceptée.

On notera que la banque a communiqué en la matière, en indiquant avoir mis « un terme, dès son identification en 2020, à cette pratique tarifaire qui résulte d’une erreur de paramétrage informatique dans l’application de commissions d’intervention », mais aussi « pris les mesures de remédiation nécessaires dans ses systèmes ». Surtout, « tous les clients particuliers du réseau [...] ont été intégralement remboursés »11. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº214
Notes :
1 Sur ce délit, S. Fournier, « Pratiques commerciales trompeuses » : JurisClasseur Pénal des affaires, 2016, fasc. 20. – N. Éréséo, « Pratiques commerciales trompeuses » : JurisClasseur communication, 2023, fasc. 3480.
2 C. com., art. L. 132-2.
3 Cass. crim. 13 janv. 2016, n° 14-88.136 : Banque et Droit n° 166, 2016, p. 88, obs. J. Lasserre Capdeville ; Gaz. Pal., 8 mars 2016, n° 259k8, p. 84, M. Roussille. – T. corr. Paris, 26 févr. 2020, no 12290076010 : Gaz. Pal., 2 juin 2020, n° 20, p. 30, note J. Lasserre Capdeville. – La condamnation n’est cependant pas une fatalité. Pour un cas de prescription, Cass. crim. 3 déc. 2019, n° 18-86.317 : Banque et Droit n° 189, 2020, p. 70, obs. J. Lasserre Capdeville. - Cass. crim. 31 mai 2023, n° 21-82.469 : Banque et Droit n° 210, 2023, p. 73, obs. J. Lasserre Capdeville.
4 C. consom., art. L. 511-5, 1°.
5 C. consom., art. L. 511-2.
6 C. consom., art. R. 523-1 et s.
7 L’article R. 312-1-1, 32o, définit, quant à lui, cette commission comme la « somme perçue par la banque en raison d’une opération entraînant une irrégularité de fonctionnement du compte nécessitant un traitement particulier ».
8 M. Roussille, « Loi SRAB : incidences sur les relations des banques avec leur clientèle », JCP E 2013, 1661. – J. Lasserre Capdeville, « L’encadrement juridique des commissions d’intervention », JCP E 2015, 1514.
9 C. mon. fin., art. R. 312-4-1.
10 C. mon. fin., art. R. 312-4-2.
11 R. Gueugneau, « Société Générale sanctionnée pour “pratique commerciale trompeuse” », Les Échos, 23 janv. 2024, p. 29.
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