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Le renforcement du conseil
en assurance vie

Créé le

06.12.2023

La loi sur l’industrie verte renforce l’obligation de conseil des distributeurs d’assurances vie en exigeant de ces derniers, d’une part, qu’ils intègrent les préférences de leurs clients en matière de durabilité, d’autre part, qu’ils renouvellent le conseil en cours de contrat.

1. Par touches successives, le législateur alourdit sensiblement la teneur de l’article L. 522-5 du Code des assurances qui régit le conseil dont les distributeurs d’assurance vie sont tenus à l’égard de leurs clients. En ce sens, la loi sur l’industrie verte lui ajoute de nouvelles dispositions, dont la plus importante concerne le renouvellement du conseil en cours de contrat.

À ce jour, le conseil en assurance vie, qu’il soit obligatoire ou facultatif, est légalement cantonné à la période précontractuelle1. Tout au plus, si le distributeur se livre à un service de recommandations personnalisées, il peut informer son bénéficiaire qu’il évaluera périodiquement l’adéquation de la recommandation fournie avec son profil2.

De son côté, la jurisprudence accuse une certaine versatilité. D’un côté, sur le traitement fiscal du capital promis en cas de décès, la Cour de cassation a jugé qu’il incombait au souscripteur d’obtenir les informations pertinentes et non à l’assureur de les lui transmettre3. D’un autre, elle a décidé, dans un arrêt publié au Bulletin, que « le devoir d’information et de conseil de l’agent d’assurance ne s’achève pas lors de la souscription du contrat »4. Plus récemment, la chambre commerciale a confirmé implicitement qu’en cas d’arbitrage au cours du contrat, le distributeur est tenu vis-à-vis du souscripteur d’une obligation d’information et de conseil sur le risque de pertes5.

Cette dernière jurisprudence n’est pas sans évoquer la recommandation ACPR sur la connaissance du souscripteur d’assurance vie, dans laquelle les distributeurs sont invités à actualiser cette connaissance « à l’occasion d’un nouveau versement, d’un rachat partiel ou d’un arbitrage entre supports, lorsque ces opérations sont susceptibles d’entraîner une modification significative du contrat d’assurance vie »6.

2. À compter de son entrée en vigueur, le dispositif commenté donnera à cette actualisation une base légale qui contraindra les distributeurs, dans certaines circonstances, à réitérer leur conseil en cours de contrat. Ces circonstances sont précisément recensées dans un nouveau paragraphe III au sein de l’article L. 522-5 du Code des assurances.

La première d’entre elles vise le cas où le conseiller est informé d’un changement dans la situation personnelle et financière, ou dans les objectifs d’investissement du souscripteur. Bien qu’il n’y soit pas tenu, ce dernier a donc tout intérêt à déclarer les changements l’affectant, ce dont le distributeur serait bien inspiré de l’avertir dès la souscription.

Le texte précise qu’en cas de changement déclaré, le conseiller doit « s’assurer que le contrat demeure approprié ou, selon le cas, adéquat aux exigences et aux besoins exprimés » ; et si tel n’est plus le cas, il doit en informer le souscripteur sur tout support durable. La proposition d’un nouveau contrat adapté ou, à tout le moins approprié, n’est donc pas systématique, mais dépendra de la volonté du souscripteur une fois informé de la caducité du conseil précédent.

Il en est de même dans la deuxième circonstance justifiant légalement la réitération du conseil. Et ici visée l’hypothèse où le contrat n’a fait l’objet d’aucune opération au cours d’une certaine durée ou seulement d’opérations programmées. Le cas échéant, le distributeur devra actualiser les informations recueillies afin de vérifier la conformité du conseil antérieurement fourni. Cette disposition sera complétée par un arrêté ministériel qui précisera la durée d’inertie du souscripteur, la notion d’opérations programmées ainsi que les conditions dans lesquelles le refus ou le silence du souscripteur dispensera le conseiller de procéder à l’actualisation visée.

Enfin, la troisième circonstance obligeant le distributeur à renouveler son conseil obligatoire ou facultatif vise « toute opération susceptible d’affecter le contrat de façon significative », la liste de ces opérations devant être prochainement dressée par arrêté. Reste à savoir si la nature des opérations suffira à les verser dans cette liste ou si un autre critère, notamment financier, devra être respecté.

3. La loi sur l’industrie verte introduit également à l’article L. 522-5 du Code des assurances une précision concernant les données recueillies par le distributeur d’assurances vie auprès de son client. En effet, outre la situation patrimoniale de ce dernier, ainsi que ses connaissances et son expérience en matière financière, le conseiller doit s’enquérir de ses objectifs d’investissement dans lesquels le législateur inclut désormais les éventuelles préférences en matière de durabilité, au sens du règlement délégué (UE) 2017/2359 du 21 septembre 2017.

Rappelons que ce texte, qui complète la Directive (UE) 2016/96 sur la distribution d’assurances (DDA), a été modifié par le règlement délégué (UE) 2021/1257 du 21 avril 2021 afin d’intégrer, dans la distribution des produits d’investissement fondés sur l’assurance (IBIPs), les facteurs de durabilité, les risques en matière de durabilité et les préférences en matière de durabilité.

Sur ce dernier point, le règlement modifié impose donc aux distributeurs d’IBIPs, à compter du 2 août 2022, de collecter auprès de leurs clients leurs « préférences en matière de durabilité ». En d’autres termes, au sein des objectifs d’investissement de ces clients, les distributeurs devront déterminer s’ils souhaitent ou non un IBIP investi dans des supports durables et, le cas échéant, dans quelle mesure7.

Ces supports durables étant classés en trois catégories, le conseiller devra poser à son client des questions telles que :

Souhaitez-vous souscrire un IBIP investi dans des « investissements durables sur le plan environnemental » et, le cas échéant, dans quelle proportion minimale ?

Souhaitez-vous souscrire un IBIP investi dans des « investissements durables » et, le cas échéant, dans quelle proportion minimale ?

Souhaitez-vous souscrire un IBIP qui prenne en compte les principales incidences négatives sur les « facteurs de durabilité » et, le cas échéant, sur quels éléments qualitatifs ou quantitatifs cette prise en compte doit-elle être fondée ?

Bien entendu, il incombe au distributeur d’accompagner le client dans la formulation de ses réponses et, notamment, de lui présenter les principales caractéristiques des trois catégories de supports précitées8.

4. Un temps, l’on pouvait se demander si, appliquée en droit français, la prise en compte des préférences en matière de durabilité concernait aussi bien le conseil facultatif (i. e. le service de « recommandation personnalisée »)9 que le conseil obligatoire10. De fait, en toute hypothèse, le distributeur d’IBIPs est tenu de recueillir auprès de son client ses objectifs d’investissement qui, depuis le 2 août 2022, comprennent ces préférences en matière de durabilité.

Reste que la DDA et le Règlement IBIPs ne connaissent de conseil que facultatif et, lorsque la vente d’IBIPs est dite « sans conseil », ils ne prévoient qu’un test de cohérence et du caractère approprié qui n’impose pas au distributeur de recueillir les objectifs d’investissement de son client11. Or le législateur français a fait le choix d’être plus exigeant que le législateur européen puisque l’article L. 522-5 du Code des assurances prévoit que le conseil en matière d’IBIPs, qu’il soit obligatoire ou facultatif, repose notamment sur la situation financière et les objectifs d’investissement du client.

Avec la loi commentée, il se confirme que, quelle que soit sa nature, le conseil doit inclure le recueil des préférences du client en matière de durabilité. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº212
Notes :
1 C. ass., art. L. 522-5, I et II. Le conseil facultatif désigne le service de recommandations personnalisées, en vertu duquel l’assureur ou l’intermédiaire doit procéder à un « test d’adéquation » préalablement à toute souscription ou adhésion à un contrat. Ce test s’ajoute alors aux tests de « cohérence » et du « caractère approprié » qui forment le niveau obligatoire de conseil prescrit au I de l’article L. 522-5 précité. Ainsi, non seulement le prestataire est en mesure de présenter des contrats cohérents et appropriés au profil de son client, mais il les compare ensuite pour sélectionner parmi eux celui qui correspond le mieux à ce profil. En d’autres termes, le professionnel ne se contente pas de proposer à son client un produit adapté, il lui recommande le produit le plus adapté.
2 C. ass., art. L. 522-6.
3 Com., 23 janv. 2007, n° 05-14.780.
4 Civ. 2., 6 juill. 2006, n° 04-10.273 : Bull. II n° 180 p. 173.
5 Com. 10 mars 2021, n° 19-16.302 : Bull. à venir.
6 Recommandation 2013-R-01 du 8 janvier 2013 sur le recueil des informations relatives à la connaissance du client pour l’exercice du devoir de conseil et la fourniture d’un service de recommandation personnalisée en assurance vie, modifiée le 6 décembre 2019, art. 4.1.5.
7 Pour les clients ayant déjà bénéficié d’un test d’adéquation avant l’entrée en vigueur du Règlement 2021/2017, le distributeur pourrait identifier leurs « préférences en matière de durabilité » lors de l’actualisation périodique de ce test (cf. Règl. délégué (UE) 2021/1257, cons. 10).
8 Règl. délégué (UE) 2021/1257, cons. 12.
9 C. ass., art. L. 522-5, II.
10 C. ass., art. L. 522-5, I. (sur renvoi de C. ass., art. L. 521-4, IV).
11 Dir. (UE) 2016/97, art. 20 et art. 30 §2.
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