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Éditorial

Créé le

04.12.2015

-

Mis à jour le

29.06.2016

Le Gouvernement a été habilité à promulguer une ordonnance portant réforme du droit des contrats. Celle-ci portera en réalité tant sur le droit des contrats que sur le régime général et la preuve des obligations. Il poursuit officiellement plusieurs objectifs : améliorer l’accessibilité du droit des contrats, renforcer la protection de la partie vulnérable et restaurer l’attractivité
du droit français. Voilà qui, comme il est trop habituel maintenant, est suffisamment large et imprécis pour ne rien dire des orientations véritables de la réforme et peut donc servir de fourretout, en partie contradictoire d’ailleurs : améliorer l’accessibilité du droit des contrats semble dire qu’on va mettre le code à jour pour une meilleure appréhension directe ; renforcer la protection de la partie vulnérable fait probablement allusion à l’esprit du droit de la consommation, ce qui peut surprendre dans la mesure où il existe déjà un code de la consommation ; restaurer l’attractivité du droit français évoque une préoccupation économique qui pourrait entrer en conflit avec la précédente. Un avant-projet d’ordonnance a été publié par le ministère de la Justice il y a déjà quelques mois. Il fait depuis lors l’objet d’intenses discussions de la doctrine et de la pratique. Dans une perspective de philosophie législative, en simplifiant, d’aucuns lui donnent acte de son ambition de mettre à jour le code de la jurisprudence, quand certains lui reprochent son manque d’ambition, les uns prônant une ouverture large à une forme de solidarisme contractuel, voire de socialisme contractuel, les autres lui reprochant une insuffisante attention aux systèmes juridiques des économies concurrentes les plus compétitives, c’est-àdire d’obédience anglo-saxonne et de conception
libérale. Dans une perspective pratique, nombre de dispositions nouvelles sont critiquées (l’introduction des concepts de contrat d’adhésion et de contrat-cadre, de l’imprévision, des clauses abusives, par exemple).
Ce que l’on constate, de manière générale, c’est que l’ordonnance consiste principalement à adopter des solutions rodées souvent depuis longtemps en jurisprudence et à les codifier. Il en va ainsi, par exemple, de l’apparition de l’obligation précontractuelle d’information, de l’entrée dans le droit positif du régime prétorien du silence en réponse à une offre, de la sanction de la violation du pacte de préférence, de la réticence dolosive, de la distinction des nullités relatives et absolues, de la
résiliation unilatérale d’un contrat à durée indéterminée, de l’exécution forcée en nature, du régime de la délégation, de la renégociation des contrats pour imprévision, de l’interdépendance contractuelle, etc. Mais il y a aussi de véritables nouveautés: la création d’un principe directeur de loyauté contractuelle, la disparition de la notion de cause, la résiliation judiciaire pour imprévision, la généralisation de la subrogation légale, la suppression de la subrogation conventionnelle, la simplification du formalisme de la cession de créance, la consécration de la cession de dette, la protection contre les clauses abusives, la révision judiciaire d’un prix abusif fixé unilatéralement, etc.
Quelles seront les conséquences de ces règles rajeunies ou nouvelles sur la pratique juridique bancaire et financière ? Difficile à dire par avance. D’ores et déjà, cependant, quelques points ont soulevé des réactions : l’introduction de la cession
de dette (quid de l’évaluation du nouveau débiteur, du calcul des fonds propres réglementés et de la lutte anti-blanchiment ?), des clauses abusives (pourquoi doublonner les règles du Code de la consommation par des règles du Code civil ?), de la notion de violence économique (dont la définition est imprécise), du pouvoir confié au juge de mettre fin à un contrat en raison de l’évolution des circonstances, de la disparition de la subrogation conventionnelle (faudra-t-il recourir au bordereau Dailly pour l’affacturage, ce qui imposera un nouveau formalisme ?), etc. Mais il ne sert à rien de s’alarmer pour l’instant, dans la mesure où le texte de l’avant-projet n’était pas définitif et loin d’être stabilisé et où on dit qu’il a déjà beaucoup évolué sur certains des points les plus sensibles pour la pratique bancaire et financière (par exemple, le régime de la cession de dette, qui serait beaucoup mieux encadré, et la réintroduction de la subrogation conventionnelle ex-parte creditoris.

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº164
RB