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Rétrospective 2015

Transition énergétique : les financiers s’engagent

Créé le

18.12.2015

-

Mis à jour le

30.12.2015

Quelle qu’ait été la teneur de l’accord signé à Paris le 12 décembre à l’issu de la COP21, le sommet annuel de l’ONU pour le climat, il y aura un avant et un après 2015 concernant les engagements des acteurs financiers en faveur de la transition énergétique. Certes pour partie antérieurs à l’année dernière, ces engagements se sont en effet considérablement amplifiés et de plus en plus de banques et d’entreprises déclarent leur intention d’aligner leur stratégie sur un scénario de hausse de 2 °C maximum de la température d’ici 2100, seuil destiné à éviter la catastrophe climatique et humaine. La transition vers une économie moins carbonée est en marche. Qui l’eut cru quelques années, voire quelques mois, avant les premières grandes déclarations de certains acteurs, comme AXA en France en mai dernier (voir en page suivante) ?

La transition énergétique est devenue une réalité de métier, bien au-delà de la communication. La mesure de l’empreinte carbone progresse en ambition et en méthodologie, même si beaucoup reste à faire pour mesurer les impacts indirects liés à la BFI notamment. Les banques françaises ont revu et durci leurs politiques sectorielles concernant le charbon, la source d’énergie la plus émettrice de CO2, sur laquelle s’est concentrée la pression des ONG, et ont publié leurs nouvelles feuilles de route en la matière. Elles ont pris des engagements chiffrés pour augmenter la part de leurs financements des énergies renouvelables, de l’efficacité énergétique, des infrastructures et projets verts. Elles recourent de plus en plus aux obligations vertes, marché en forte croissance (50 milliards de dollars en 2015) sur lequel elles sont bien positionnées. Les investisseurs commencent à « décarboner » les portefeuilles, alors que les actifs carbonés pourraient perdre de leur valeur. La réorientation amorcée des investissements et flux financiers progresse et attend des signaux économiques, comme la tarification du carbone.

La prise de conscience face au risque carbone, désormais perçu comme systémique, va aussi croissante. Ce risque a fait l’objet de déclarations ambitieuses de banquiers centraux, de Mark Carney en Angleterre à François Villeroy de Galhau en France. L’idée de stress-tests climat fait son chemin, notamment via la loi de transition énergétique votée en août 2015. Le décret d’application de l’article 173, qui précise la façon dont les investisseurs institutionnels devront rendre public leur gestion du risque climat, a été signé par les ministres concernés le 17 décembre.

 

Ils ont dit

Les engagements d’AXA

"Il est de notre responsabilité, en tant qu'investisseur institutionnel de long terme, de considérer les émissions de carbone comme un risque et d'accompagner la transition énergétique mondiale. […] C'est la raison pour laquelle AXA a décidé de céder ses participations dans les entreprises les plus impliquées dans les activités liées au charbon. Cela représente un désinvestissement de 500 millions d'euros. AXA désinvestit et cesse d’investir pour l’avenir dans les sociétés minières et les fournisseurs d’électricité dont plus de 50 % du chiffre d’affaires provient de l’extraction de charbon pour les premières, ou de centrales thermiques à charbon pour ces dernières. […] Au-delà de cette stratégie d'exclusion de certains actifs, AXA a également adopté une approche positive. Nous nous engageons à tripler nos investissements « verts » avec comme objectif de dépasser les 3 milliards d'euros d'ici 2020 pour notre actif général, provenant principalement de projets d'infrastructures vertes, de l'impact investment, des obligations vertes et du capital-investissement dans les technologies propres. Mais la mesure qui aura le plus d'impact pour une entreprise de la taille d'AXA demeure l'intégration de critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG) dans nos décisions d'investissement."

Christophe Thimann, directeur de la stratégie, de la responsabilité d’entreprise et des affaires publiques, et Laurent Clamagirand, directeur des investissements, AXA, Revue Banque n° 789, novembre 2015, p.28.

 

Les green bonds, instruments dédiés en forte croissance

"C’est un marché qui progresse et prend de l’ampleur, avec de plus en plus d’émissions de la part d’industriels, à côté des banques multilatérales de développement, qui sont des émetteurs fréquents que nous accompagnons depuis longtemps, ou des collectivités locales, comme la Région Ile-de-France, que nous avons accompagnée dès mai 2012. BNP Paribas accompagne des entreprises industrielles sur l’émission d’obligations vertes. Nous avons fait une première émission avec Engie en 2014, de 2,5 milliards de dollars. Cette année, nous avons été bookrunner du premier green bond émis par Paprec, une entreprise de recyclage, de traitement et de valorisation des déchets. […] Le green bond est un instrument qui permet de financer la transition énergétique, mais ce n’est pas le seul. Nous pouvons utiliser tous les outils qui permettent de financer une entreprise pour financer la transition, prêts, obligations, instruments de titrisation comme les ABS, project bonds, syndication de prêts… et le rôle de la banque d’affaire est donc absolument clé."

Virginie Pelletier, responsable RSE de BNP Paribas CIB, Revue Banque n° 789, novembre 2015, p.34.

 

Les énergies renouvelables soutenues

"Société Générale est un acteur majeur du financement des infrastructures énergétiques, notamment dans le secteur des énergies renouvelables. En 2014, 70 % des nouveaux financements de projets pour la production d’électricité concernaient le secteur des énergies renouvelables. Cette année, SG CIB a ainsi soutenu des opérations majeures : structuration financière, accompagnement technologique et schéma réglementaire. SG CIB a également noué un accord avec la BEI dans le cadre du programme « France énergies renouvelables » pour promouvoir les investissements dans les énergies renouvelables (750 millions d’euros) sur l’ensemble du territoire français entre 2014 et 2016. Outre les énergies renouvelables, SG CIB est également leader mondial en tant que conseil financier dans le domaine du gaz naturel liquéfié."

Jean-Michel Mépuis, directeur développement durable et RSE, Société Générale, Revue Banque n° 787, septembre 2015, p.56.

 

La loi transition énergétique, une avant-première française

"La troisième dynamique majeure a été enclenchée en France dans le cadre de la loi n° 2015-992 du 17 août 2015 relative à la transition énergétique pour la croissance verte. En effet, son article 173 stipule, parmi différents éléments concernant les acteurs du secteur financier, que les établissements de crédit et les sociétés de financement devront à partir de l’année prochaine inclure les risques associés au changement climatique dans leur cadre d’analyse des risques, en particulier via des stress-tests. De la même manière, l’exercice sera conduit à l’échelle nationale, le Gouvernement devant remettre au Parlement un rapport sur la mise en œuvre d'un tel stress-test."

Hugues Chenet, cofondateur et directeur scientifique, 2° Investing Initiative, Revue Banque n° 789, novembre 2015, p.39.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº791