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Témoignages

Reporting : des salariés noyés mais résignés

Créé le

20.10.2016

-

Mis à jour le

27.10.2016

Pour les salariés des banques proches de la clientèle, la question du reporting réglementaire prend bien souvent la forme d’une masse – inflationniste – d’informations à recueillir auprès du client. Submergés, mécontents mais surtout fatalistes, quelques-uns d’entre eux témoignent, anonymement.

Conseiller, vendeur… ou agent administratif ?

« En moins de deux ans, la charge du reporting réglementaire a dépassé celle du reporting commercial. Dès qu’un client a un lien avec les États-Unis, c’est l’enfer ! Comme les journées ne sont pas plus longues, on s’adapte et on est moins proactif sur le reste des tâches, notamment les appels commerciaux sortants. »

« Aujourd’hui, je suis tout à la fois directeur d’agence, commercial et contrôleur. J’engage ma responsabilité sur un métier qui n’est pas le mien et pour lequel je ne suis pas formé. Être trop polyvalent nuit à la qualité : on ne peut pas tout faire vite et dans un temps compté. »

Des clients froissés

« Nos clients nous font des remarques sur la quantité de documents à produire, ce qu’ils perçoivent parfois comme un manque de confiance de notre part. C’est une réaction que nous ne voyions pas il y a quelques années encore. Nous expliquons nos contraintes, mais le grand public n’est pas suffisamment informé. »

Le reporting « au cas où… »

« Au-delà du reporting obligatoire, se greffent depuis quelques années des demandes de remontée d’information internes à la banque. C’est le cas sur des sujets comme le respect des règles d’embargo ou de lutte contre les délits d’initiés. Il faut disposer des informations pour pouvoir prouver aux autorités que l'on suit les lois et les règles déontologiques, si on nous le demande. Alors, quand un dossier comme les Panama Papers sort, ce sont des milliers de reportings qui nous sont demandés ! »

Un dilemme nommé FATCA

« Nous devons envoyer à nos clients entreprises une documentation générale d’une centaine de pages sur FATCA [1] . Elle comprend plusieurs modèles de questionnaires et l’entreprise doit choisir celui qui correspond à sa situation. Mais nous, ses banquiers, nous ne pouvons pas l’aider, car ce serait assimilé à du conseil fiscal. Nous pouvons simplement lui conseiller de consulter son commissaire aux comptes… ce qui représente un coût. De notre côté, nous devons uniquement nous assurer que ce qui est rempli est en ligne avec notre compréhension de la situation de l’entreprise. »

Embouteillages sur les projets informatiques

« L’interface de collecte et de formatage des données au profit du reporting a beaucoup évolué. Ce travail a mobilisé de nombreuses ressources du côté des équipes informatiques. D’autant qu’ils n’étaient pas les seuls concernés et qu’il n’était pas question, bien sûr, de retarder des projets commerciaux ou marketing pour satisfaire telle demande du superviseur ! »

 

La réaction du syndicaliste : Régis Dos Santos, président national, SNB/CFE-CGC
Reporting réglementaire : « Une nécessité… à sérieusement rationnaliser ! »

« Les salarié(e)s, qu’ils travaillent face à la clientèle ou en back-office, comprennent parfaitement, et plus encore depuis la crise financière de 2008, toute la nécessité d’un reporting réglementaire. Il ne saurait en effet y avoir de croissance économique durable sans un système bancaire solide et résilient. C’est donc dans l’intérêt bien compris de nos économies nationales, des clients – entreprises comme particuliers –, mais aussi des salarié(e)s dans leur activité quotidienne.
Le problème de fond que pose ce reporting réglementaire réside pour l’essentiel dans l’empilement successif, non seulement des lois nationales (Lagarde, Scrivener, Murcef, Châtel, Hamon, etc.), mais également des directives européennes et des obligations nouvelles du régulateur européen. Cet “amoncellement” de réglementations, les unes se superposant simplement aux autres sans que jamais une synthèse ou une rationalisation ne soit effectuée, met les collaborateurs des banques françaises de plus en plus “sous tension” :
– ils doivent écouter et conseiller leurs clients, dont un nombre croissant s’inquiète d’une perte de confiance de la part de leurs conseillers ou directeurs, ignorant qu’il ne s’agit que d’une simple application systématique des réglementations ;
– dans le même temps, ils doivent aussi répondre aux exigences, de plus en plus fortes, de performance de l’entreprise ;
– ils doivent respecter strictement un reporting réglementaire de plus en plus lourd, chronophage, et pour lequel ils n’ont en définitive jamais été réellement formés.
Il est donc indispensable, dans un premier temps, que soit opérée une “revue de détail” de l’ensemble de ces réglementations, lois, directives et obligations. Elle devrait permettre de rationaliser les opérations, informations et contrôles de tous niveaux. Dans le même temps, les exigences propres des entreprises en la matière devraient être encadrées, pour ne pas alourdir un processus déjà largement contraignant. Enfin, il conviendrait, dans un second temps, de développer dans l’ensemble des entreprises une formation spécifique lourde consacrée à ce “reporting réglementaire rationalisé”, car la responsabilité des salarié(e)s se trouve en définitive largement engagée sur un métier qui n’est finalement pas le leur à l’origine. »

 

1 Foreign Account Tax Compliance Act : réglementation portant sur la transmission par les établissements financiers non américains d’informations à destination du fisc américain.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº801
Notes :
1 Foreign Account Tax Compliance Act : réglementation portant sur la transmission par les établissements financiers non américains d’informations à destination du fisc américain.