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Le point de vue d’un syndicat

« Le plus probable aujourd’hui, c’est que l’évolution se passe en douceur »

Créé le

18.04.2016

-

Mis à jour le

29.04.2016

La CFDT Banques Assurances estime que le non-remplacement d’une partie des départs à la retraite pourrait suffire à accompagner les baisses d’effectifs liés aux fermetures d’agences. Elle constate que les métiers ont commencé à changer avec l’évolution des modèles de distribution. Le syndicat a travaillé sur trois scénarios d’évolution des réseaux bancaires à 5 ans.

Que savez-vous des projets de fermetures d’agences et de suppressions de postes ?

Nous nous basons sur les annonces faites par les groupes et sur nos constats. Il y a le plan annoncé par Société Générale de fermeture de 20 % du réseau d’ici 2020, avec 2 000 suppressions d’emplois par des départs volontaires, et le plan de fermetures de 10 % du réseau de Crédit du Nord, au sein du groupe Société Générale. Chez BNP Paribas, nous constatons un mouvement à peu près similaire, mais qui n’est pas formulé en termes de plan. Entre fin 2012 et 2015, le groupe BNP Paribas a indiqué avoir fermé 191 agences sur 2 200 en France, 78 sur 1 812 agences en Italie, et 149 sur 789 en Belgique. LCL a annoncé récemment son projet de fermeture de 240 agences sur 1 880. La tendance est à la fermeture et à la fusion des petites agences, alors qu’il y a quelques années, le modèle était le déploiement de ces petites agences.

Qu’en est-il des banques mutualistes ?

Le phénomène de fermetures concerne surtout les réseaux des banques AFB. Chez les mutualistes, c’est différent, même s’ils disent que la question du coût du réseau de distribution est posée, comme partout, ils ne font pas encore d’annonces. La question se posera de la même manière mais va être décalée dans le temps. Leurs positionnements par rapport aux réseaux d’agences est un peu différent car ce sont des banques régionales. L’ancrage territorial est consubstantiel au mutualisme, et fermer une agence en zone rurale entraîne un risque important de perte de clientèle. En 2015, nous avons interrogé des dirigeants de grandes banques mutualistes pour nos travaux sur les évolutions du secteur financier à horizon 2025 (voir Encadré). Ils font, comme les autres, le constat, que nous partageons, que le modèle économique de la banque de détail, qui repose sur les taux d’intérêt et les commissions, est interrogé aujourd’hui.

Les banques disent que ces fermetures sont liées à la montée en puissance du numérique…

La question du numérique se pose aujourd’hui. Avec les banques en ligne de type Boursorama, Hello Bank, ou d’autres chez les mutualistes, avec l’utilisation croissante des smartphones…, le client ne va plus en agence pour les opérations standard. Les banques ont par ailleurs tout fait pour que le client ne se rende plus en agence. Elles ont changé leur fonctionnement, externalisé sur des automates une partie des tâches les plus simples, et ont ainsi signifié symboliquement aux clients qu’elles ne voulaient plus qu’ils entrent dans les agences. Les clients réalisent désormais une partie des tâches auparavant faites par des salariés sur les automates et sur Internet, via des applications sur smartphones, ce qui correspond à une volonté de productivité globale de la part des banques. Il y a de la part des entreprises un discours ambigu quand elles disent que les clients ne se rendent plus en agence, puisque tout a été pensé pour cela.

Selon les trois scénarios à dix ans établis par nos travaux de prospective, la distribution sur Internet va s’accélérer et pourrait atteindre entre ​50 et 95 % des ventes en ​2025. Internet est un moyen de distribution qui prend de l’ampleur et qui va avoir un impact sur les agences et sur les métiers du réseau. Certains métiers risquent de disparaître. Ceux du front-office en agence sont concernés du fait de la prise en charge d’une partie des tâches par les services automatisés, automates en agence, sites Internet ou applications bancaires. Le métier de chargé d’accueil est en train de disparaître, comme certains métiers du middle-office et du back-office, qui correspondent aussi de plus en plus à des tâches automatisées. Le nombre de postes de commerciaux, les chargés de clientèle particuliers, qui gèrent les clients « ordinaires » pour des opérations simples, vont diminuer. Tout cela figure dans l’étude de l’Observatoire des métiers de la banque sur les 3 métiers sensibles, chargé d’accueil, chargé de clientèle particuliers, et middle-office et back-office. Enfin, les métiers qui sont liés aux moyens de paiement vont aussi évoluer avec l’arrivée de nouveaux entrants sur le marché, dans le cadre de la directive DSP2.

Quels sont les effets des fermetures d’agences sur les effectifs ? Les banques disent que les réductions de postes vont correspondre au non-remplacement d’une partie des départs à la retraite…

Globalement, aujourd’hui, les banques commerciales ne remplacent pas la totalité des départs en retraite. Les effectifs globaux baissent entre 1 et 2 % par an depuis deux ans, et cela va sans doute se poursuivre. Le non-remplacement de départs à la retraite suffira-t-il à suivre les évolutions en cours ? Cela va dépendre. Pour une fois, ce ne sont pas les entreprises qui vont décider seules, cela va dépendre de la vitesse d’implantation du numérique, et du comportement des clients. Ce sont pour une part les clients qui vont décider, par exemple, s’ils privilégient un service gratuit de base sur Internet, et un conseiller spécialisé qu’ils ne rencontrent que 2 ou 3 fois dans leur vie, par exemple au moment d’un prêt immobilier…

Nous avons trois scénarios d’évolution du secteur à dix ans. Dans le scénario tendanciel, qui poursuit la tendance d’aujourd’hui, l’évolution se fait de manière progressive, par le non-remplacement de départs à la retraite qui s’accorde avec la poursuite de la baisse des effectifs de 1 à 2 % par an et la fermeture progressive des agences. En revanche, dans les deux autres scénarios, les évolutions sont plus brutales et les effets sur les réseaux de distribution sont massifs, avec 60 ou 70 % des agences qui pourraient disparaître. Les effectifs pourraient baisser de 5 à 10 % par an, avec des plans sociaux importants…

Le plus probable aujourd’hui c’est que l’évolution se passe en douceur. Ce n’est pas dans la culture du métier bancaire que cela se passe autrement. Nous sommes dans un secteur d’activité « riche », qui a toujours géré le social de manière douce.

L’évolution du rôle des agences induit-elle une transformation des métiers ?

Il y a une transformation de l’évolution des postes. Auparavant, un salarié entrait dans la banque par un poste de chargé d’accueil, puis évoluait vers un poste de chargé de clientèle particuliers. Les deux postes fragilisés aujourd’hui sont ces deux postes d’entrée dans le métier, ce qui pose donc des questions sur les filières et les trajectoires, sur la manière de faire d’un chargé d’accueil un chargé de clientèle particulier haut de gamme, ou un chargé de clientèle entreprises… La question de la formation est également posée.

Les banques annoncent des plans de formation massifs pour suivre ces évolutions, les constatez-vous ?

Les efforts de formation annoncés ne se traduisent pas encore dans les chiffres, mais il y a un décalage lorsque nous recevons les données. La part de la masse salariale dédiée à la formation professionnelle ne croit pas pour le moment, selon les données de la branche AFB. Elle a eu tendance à baisser car il y a des exigences de niveaux de qualification plus élevés qu’avant en termes de recrutement. Les salariés sont recrutés aux niveaux bac ​+5 ou bac ​+​6 et ont donc ensuite moins besoin d’être formés.

Concernant le numérique, dans le relevé de conclusion signé il y a un an par la CFDT autour du pacte de responsabilité, un socle de compétences minimal numérique a été prévu pour ne laisser aucun salarié au bord du chemin, avec des dispositions en termes de formation, des certificats de qualification professionnelle… Nous travaillons sur ce socle commun actuellement.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº796