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Gestion du risque de liquidité dans le Fonds d'investissement

L’importance d’une gestion de liquidité actif /passif au niveau des sociétés de gestion.

Créé le

12.05.2017

-

Mis à jour le

06.11.2018

Trois ans après la mise en œuvre de la directive Alternative Investment Fund Managers (AIFMD) au niveau des États membres, cet article décrit un processus pratique de gestion de risque de liquidité que les sociétés de gestion de fonds peuvent utiliser dans le cadre de leur mission de Risk Management et de due diligence.

L’instabilité chronique des marchés financiers de ces dernières années a eu pour effet la mise en place de directives européennes visant à éviter le renouvellement de situations semblables. Désormais, les sociétés de gestion de fonds devront répondre à certaines obligations supplémentaires, notamment en matière de gestion des risques de liquidité à l’actif et au passif sur les fonds d’investissement.

I. Les nouvelles exigences réglementaires

La crise financière de 2008 est avant tout une crise de liquidité. En effet, en raison de la pénurie de liquidités au cours de la crise des marchés financiers 2008, le rachat des parts de fonds, y compris des OPCVM, a dû être suspendu. Des mesures réglementaires ont par conséquent été introduites au niveau européen pour éviter que se reproduise ce problème. Ainsi, la directive OPCVM IV [1] contenait pour la première fois des exigences pour contrôler la liquidité des fonds. Dans un second temps, la directive sur les fonds alternatifs (AIF) [2] mis en œuvre par les États membres en 22 juillet 2013 a adopté des exigences fortes en ce qui concerne la gestion des liquidités. La directive oblige les gestionnaires à :

  • employer un système de gestion de liquidité approprié pour chaque fonds alternatif géré ;
  • adopter des procédures qui lui permettent de surveiller le risque de liquidité de l’AIF ;
  • s’assurer que le profil de liquidité des investissements de l’AIF est conforme à ses obligations ;
  • effectuer des stress-tests réguliers, dans des conditions normales et exceptionnelles de liquidité, pour évaluer le risque de liquidité de l’AIF et surveiller le risque de liquidité de l’AIF en conséquence ;
  • être capable de démontrer qu’un système de gestion de liquidités approprié et de procédures efficaces soit mise, en place en tenant compte de la stratégie d’investissement, du profil de la liquidité et la politique de rachat de chaque fonds alternatif.
Le système de gestion de liquidité et les procédures doivent être documentés, révisés au moins chaque année et mis à jour pour tout changement ou nouveaux arrangements. Les systèmes et procédures doivent s’assurer que :

  • le gestionnaire maintient un niveau de liquidité approprié à ses obligations sous-jacentes, fondées sur une évaluation de la liquidité relative des actifs dans le marché, en tenant compte du temps requis pour la liquidation et le prix ou la valeur à laquelle ces actifs peuvent être liquidés ;
  • le gestionnaire vérifie la liquidité du portefeuille en prenant en compte le profil de l’investisseur, la taille relative des investissements et les conditions de rachat.
AIFM doit agir dans l’intérêt des investisseurs en ce qui concerne les résultats des stress-tests. Les tests de stress doivent : être menés sur la base d’informations fiables et actualisées en termes quantitatifs ou, lorsque cela n’est pas approprié, en termes qualitatifs ; le cas échéant, simuler un manque de liquidité des actifs dans l’AIF et des demandes de rachat atypique ; couvrir les risques de marché et tout effet qui en résulte, notamment sur les appels de marge, des exigences collatérales ou des lignes de crédit.

II. Une industrialisation des processus en prenant en compte le risque de liquidité

Le risque de liquidité doit donc être intégré aux systèmes d’information des fonds. D. Consulting a créé un outil de gestion dédié aux acteurs des fonds d’investissement (Société de gestion – Portfolio manager – Banque dépositaire…) pour organiser et structurer toutes les informations relatives aux fonds (Fiscal – Réglementaire – Légal – Comptable – Agrément – Commissions – Rapports risque…) et faciliter le respect des due diligences demandées par les régulateurs. L’introduction du risque de liquidité modifie les systèmes d’information.

Le risque de liquidité pour un fonds : définir une approche scientifique

Dans les fonds, nous avons deux dimensions : l’actif, où nous pouvons trouver des valeurs mobilières (actions, obligations, « loan » ou prêts, fonds…) et un peu de cash, et le passif avec les parts souscrites par les investisseurs. Le gestionnaire d’actifs doit gérer à tout moment les souscriptions et les rachats d’actions du fonds.

Les premiers remboursements se font avec le cash disponible, mais des demandes exceptionnelles et importantes de rachat peuvent amener le gestionnaire de l’actif à vendre des titres du portefeuille. Le danger dans ce cadre est double. Le premier est de vendre des titres pas ou peu liquides avec des coûts de liquidation anormaux ; le deuxième est de vendre les titres les plus liquides, mais ces rachats ne permettront plus au fonds de respecter l’asset allocation prévue par le prospectus.

Pour éviter ces risques, trois modélisations peuvent être proposées (voir Schéma 1) : la modélisation des niveaux de liquidité des actifs (rating/scoring de liquidité [3] ), la modélisation de la volatilité des souscriptions des clients (volatilité modélisée avec le filtre de Kalman), et un modèle pour connaître les temps optimaux de liquidation en fonction des niveaux de liquidité des titres [4] .

La modélisation des niveaux de liquidité des actifs

La liquidité peut être définie comme une propriété d’un actif financier. C’est sa capacité à être échangée contre du cash avec de faibles coûts de transaction et avec une faible variation de prix sur une courte période. Le risque de liquidité est la conséquence d’imperfections du marché. Ces imperfections sont liées aux types de marchés :

  • marchés organisés avec des carnets d’ordre ou marchés gérés par les prix ;
  • marché OTC.
Ces imperfections sont liées aux types d’actifs (obligations, actions, produits dérivés, fonds…). Il existe plusieurs indicateurs de risque de liquidité (voir Encadré 1), qui peuvent être répartis en plusieurs catégories. Certains indicateurs mesurent directement les coûts de transaction, tandis que d’autres reflètent la capacité du marché à absorber les volumes échangés sans changement significatif de prix.

Comment choisir les indicateurs et créer une échelle de risque ?

Les méthodes classiques en analyse de données (analyse en composantes principales, analyse discriminante multivariée) ne sont pas adaptées au risque de liquidité. Ces modèles supposent la linéarité des indicateurs, des lois statistiques restrictives et des hypothèses euclidiennes pour structurer l’information. Le risque de liquidité est multidimensionnel et sa mesure s’adapte mal aux méthodes traditionnelles. En effet, Les variables du risque sont non linéaires, non récurrentes, quantitatives, qualitatives. Pour une meilleure prise en compte du risque de liquidité est donc de s’affranchir d’une bonne partie des hypothèses restrictives des méthodes traditionnelles, grâce à deux méthodes de scoring.

La première méthode est une régression logistique sous contraintes avec des indicateurs issus de la littérature financière tels que présentés antérieurement (efficience des marchés, nombre de contributeurs de prix…). Cette technique est efficace pour créer les scoring sur les titres actions, obligations, ou prêt (Loan). La régression logistique est un modèle à probabilité conditionnelle qui prédit le statut liquide ou non d’un titre. Cette méthode est mathématiquement plus performante et permet d’intégrer plus facilement des combinaisons d’indicateurs de risque cohérents.

La deuxième méthode est le partitionnement récursif (C&RT : « classification and regression trees » de Breiman). C’est un arbre de décision qui permet de qualifier le niveau de liquidité des fonds basé sur l’information contractuelle (fréquence de calcul des valeurs nette d’inventaire – VNI –, fréquence de remboursement, type d’investissement…). La méthode C&RT génère des arbres de classification et de régression pour prédire le caractère liquide ou non, en fonction de variables dépendantes (fréquence NAV, commissions…) et variables explicatives catégorielles (ETF, UCITS, AIFMD…). Cette nouvelle méthode en risque de liquidité permet de définir un statut liquide ou pas du fonds en utilisant plusieurs fois de suite une variable importante dans le processus de décision. Cette méthode permet aussi d’intégrer des variables d’état (UCITS ou non, par exemple), des variables quantitatives (management fee/commission), qualitatives (fréquence de calcul de la VNI), et partiellement disponibles (existence d’un lookup du fonds).

La modélisation de la volatilité des souscriptions des clients

Le challenge est de trouver une technique de prévision adéquate pour anticiper sur le court terme les souscriptions nettes du fonds afin de définir des scénarios de gestion et des scénarios extrêmes de remboursement (stress test). On modélise le comportement des investisseurs pour prévoir les besoins futurs potentiels de liquidité en cas de demandes de remboursement.

L’enjeu est d’éviter les méthodes fondées sur des lois statistiques normales (comme le mouvement brownien géométrique) qui ici surestime le risque et oblige les fonds à détenir inutilement du cash – lequel peut coûter aujourd’hui 40 points de base de rendement négatif. Les méthodes de mesure de volatilité de type ARCH-GARCH peuvent donner un niveau de satisfaction supplémentaire, mais ne prennent pas en compte l’incertitude de la mesure de la Valeur nette d’inventaire (VNI). Compte tenu de la complexité de ce calcul, le régulateur accepte une marge d’erreur dans son calcul. Le calcul de la VNI et son contrôle sont un véritable enjeu pour les sociétés d’audit de fonds. Pour résumer, il faut une approche qui prenne en compte le fait que l’objet que l’on modélise est lui-même incertain.

Le filtre de Kalman, issu de mathématiques récentes, apporte cette dernière dimension et contribue à une excellente mesure de volatilité à partir des nombreux back testings que nous avons réalisés.

L’algorithme fonctionne en deux étapes. Dans l’étape de prévision, le filtre de Kalman produit des estimations des variables d’état actuel, ainsi que de leurs incertitudes. Une fois que le résultat de la mesure suivante (nécessairement corrompu avec une certaine quantité d’erreurs, y compris le bruit aléatoire [5] ) est observé, ces estimations sont mises à jour. L’algorithme est donc récursif.

Le filtre de Kalman permet une prévision fine des scénarios de remboursement de parts de fonds. En multipliant le nombre de parts par leur valeur, on peut connaître le nombre de jours pendant lequel les demandes de remboursement pourront l’être avec du cash (voir Schéma 3 : 5 et 9 périodes avec un scénario de remboursement du fonds stressé à 90 % et 99 %). Au-delà de ces périodes, le gestionnaire doit vendre une partie du portefeuille pour répondre aux demandes de remboursement des investisseurs.

Nombre de jours optimaux pour liquider (Almgren Model – Damel Model)

Ces modèles permettent de définir les temps optimaux de vente des titres en fonction du niveau de liquidité. Cette stratégie optimale permet d’obtenir la meilleure exécution de négociation dynamique. Elle fournit le coût minimum attendu de trading sur une période fixe de temps, en fonction d’un niveau d’aversion pour le risque. Une forte aversion pour le risque conduit à accepter des temps plus longs d’exécution de trading.

De nombreux exemples montrent que des coûts non optimaux de liquidation peuvent engendrer des pertes significatives de plusieurs pourcents sur la valeur du portefeuille. Ces configurations sont fréquentes lorsque les clients partent des fonds construits avec des portefeuilles de titres peu liquides. Cette nouvelle méthode constitue donc un véritable outil de gestion active de la liquidité en demandant au gestionnaire de portefeuille de choisir des titres avec un niveau de liquidité adéquate tout en respectant l’allocation d’actif du prospectus du fonds. Elle est en adéquation avec les exigences réglementaires présentées antérieurement.

III. Conclusion

La crise financière de 2008 a considérablement changé les pratiques bancaires et financières. Nous avons en effet connu une des plus graves crises de liquidité de l’histoire économique récente. Le titre financier est devenu un élément essentiel dans les transactions, dans les systèmes de garanties collatérales. Le titre financier est étroitement associé à la liquidité. Cette recherche d’une bonne gestion de la liquidité se retrouve dans les réflexions réglementaires tant dans les banques (ratio LCR de Bâle III) que dans les fonds d’investissement. Le risque de liquidité est complexe et multidimensionnel. Il se rajoute aux risques de marché, de crédit et aux risques opérationnels.

Comme tout problème récent, la recherche financière sur le risque de liquidité démarre et se consolide autour de véritables outils de mesure. La force de D. Consulting est d’avoir proposé une véritable méthodologie globale validée par la communauté scientifique internationale. Ces méthodes permettent de répondre aux exigences réglementaires et deviennent un outil de pilotage de la liquidité auprès des gestionnaires de portefeuilles.

Ces algorithmes décisionnels libres de tout droit commercial ont été industrialisés en utilisant des méthodes IT modernes. Les temps d’exécution des rapports sont de l’ordre de quelques minutes. La rapidité d’exécution permet également aux gestionnaires de portefeuille de piloter l’évolution journalière de la liquidité du titre.

 

1 Directive 2009/65/CE transposée au Luxembourg à la fois le règlement CSSF 10-4 et la CSSF circulaire 11/512 et dans la plupart des pays dont la France.
2 Directive 2011/61/UE.
3 CF méthodes développées par Damel et al.
4 Modèle de Almgren,  modèle Damel et al.
5 Un bruit aléatoire est une erreur sur la mesure qui possède des propriétés statistiques précises. Par exemple, un bruit aléatoire blanc a une moyenne de 0 et une volatilité constante non corrélée.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº809
Notes :
1 Directive 2009/65/CE transposée au Luxembourg à la fois le règlement CSSF 10-4 et la CSSF circulaire 11/512 et dans la plupart des pays dont la France.
2 Directive 2011/61/UE.
3 CF méthodes développées par Damel et al.
4 Modèle de Almgren,  modèle Damel et al.
5 Un bruit aléatoire est une erreur sur la mesure qui possède des propriétés statistiques précises. Par exemple, un bruit aléatoire blanc a une moyenne de 0 et une volatilité constante non corrélée.