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La hausse des taux d'intérêt impactera les profits des banques

Créé le

15.02.2022

Côté pile, un accroissement de la marge nette d’intérêt. Côté face, un accroissement du risque de défaut et une dépréciation des portefeuilles obligataires. Chaque banque réagira en fonction de son profil. La situation des françaises diffère des espagnoles ou des allemandes.

L’environnement est en train de changer fortement. La baisse des taux d’intérêt de long terme, entamée au début des années 80 suite aux politiques de désinflation, est derrière nous. Il pourrait en être de même des taux courts, littéralement écrasés suite à la mise en place des politiques monétaires non conventionnelles suite à la crise de 2007-2008. L’environnement change, mais avec quel impact sur le secteur bancaire ?

Les taux d’intérêt peuvent affecter les profits de plusieurs manières. Tout d’abord, ils ont une influence déterminante sur une composante essentielle du compte de résultat des banques : le revenu net d’intérêt. C’est la différence entre les intérêts reçus par les banques sur leurs prêts ou les titres détenus à leur actif, et ceux qu’elles paient elles-mêmes sur leurs dépôts et autres dettes à leur passif.

Toutes les recherches empiriques le démontrent : les revenus nets d’intérêt des banques augmentent avec une hausse des taux. À l’inverse, le revenu net d’intérêt des banques se réduit lorsque les taux diminuent. En d’autres termes, la marge d’intérêt varie de la même manière que les taux. Lesquels ? Court terme ou long terme ? La réponse est fournie par les données disponibles pour les États-Unis. Elles montrent que le revenu net d’intérêt des banques est surtout lié au taux à long terme (voir graphique).

Une ère de vache maigre

Cette relation entre taux et revenu net d’intérêt explique que les profits des banques européennes ont été fort comprimés par la politique monétaire ultra-accommodante de la BCE. Une diminution des taux réduit les intérêts reçus par les banques sur leurs prêts. L’effet est progressif pour les crédits octroyés à taux fixe, puisque la baisse des taux affecte uniquement les nouveaux prêts de cette catégorie alors que les anciens continuent à bénéficier des conditions auxquelles ils avaient été octroyés. Situation totalement différente sur les crédits à taux variables, par exemple indexés sur l’Euribor. Cette fois, l’effet de l’évolution des taux se ressent tout de suite car tout le stock de prêts anciens est concerné. Au-delà du phénomène technique, il faut regarder des aspects concurrentiels. Dans l’environnement de baisse des taux, comme on l’a connu, les banques peuvent être réticentes à réduire d’emblée le rendement offert sur leurs dépôts d’épargne. Globalement, la marge d’intérêt tend à se réduire quand les taux diminuent.

Le risque d’une période transitoire

Au cours des années récentes, le revenu net d’intérêt a été comprimé de surcroît pour les banques de la zone euro par le taux négatif appliqué par la Banque centrale européenne sur leurs liquidités excédentaires auprès de l’Eurosystème. C’est un coût très lourd à supporter pour les banques car elles sont réticentes à appliquer, en contrepartie, un taux négatif sur les dépôts de leurs clients. L’impact a ensuite été mitigé lorsqu’un multiple des réserves obligatoires a été exonéré de ce taux négatif sur les liquidités excédentaires, par le système de Tiering. L’octroi de prêts TLTRO à taux négatifs par l’Eurosystème a aussi soutenu le revenu des banques.

La hausse des taux d’intérêt, qui accompagne l’augmentation de l’inflation, est donc susceptible d’augmenter le revenu net d’intérêt des banques… à moyen terme. Pourquoi cette nuance ? Car une hausse des taux d’intérêt peut, en début de processus et de manière transitoire, réduire le revenu net d’intérêt des banques. Une situation due à la différence de maturité moyenne entre le passif et l’actif. À l’actif, une augmentation des taux affecte les nouveaux prêts octroyés. Au passif, elle affecte la partie des financements qui doit être renouvelée. Les banques réalisent une transformation des maturités, au sens où elles prêtent à relativement long terme alors qu’elles se financent plutôt à court terme. La maturité moyenne de leurs actifs est supérieure à celle de leurs passifs. Au début d’une période de hausse des taux, la partie concernée du passif est donc supérieure à celle de l’actif. Ce phénomène est cependant transitoire.

Après un certain temps, la hausse des taux doit tendre à augmenter le revenu net d’intérêt des banques. Cela rend aisé de comprendre que le revenu net d’intérêt et le niveau des taux peuvent varier dans des directions opposées à court terme, alors qu’une relation claire s’observe sur longue période. Qui profitera le plus de cette hausse des taux ? Les banques dont une grande partie des crédits sont accordés à taux variable. C’est principalement les espagnoles, les italiennes et les allemandes, d’après la banque Morgan Stanley citée par le Financial Times.

Ces dangers méconnus

L’augmentation des taux d’intérêt peut toutefois avoir certaines conséquences nuisibles pour d’autres composantes des profits des banques. L’augmentation des charges d’intérêts peut augmenter les défauts des clients, ménages ou entreprises, sur leurs prêts. C’est spécialement le cas pour les prêts qui ont été accordés à taux variable.

La hausse des taux de rendement implique aussi mécaniquement une diminution de la valeur des obligations sur le marché secondaire. Les banques doivent alors subir une dépréciation des obligations en portefeuille. Cette baisse de valeur serait encore aggravée si, à cause de la hausse des taux d’intérêt, les notes de ces obligations sont dégradées. C’est un risque réel lorsque l’émetteur est susceptible d’avoir des problèmes pour refinancer ultérieurement, à des taux accrus, ses obligations arrivées à maturité. Le problème peut ainsi se poser pour des obligations émises par des pays très endettés, ou par certaines entreprises. L’ampleur des dépréciations potentielles est spécifique à chaque banque, en fonction de la composition de son portefeuille obligataire. On le voit, chaque banque réagira en fonction de son profil. Mais globalement, une hausse des taux d’intérêt doit améliorer la profitabilité des banques.

 

 

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº866