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Chine

Evergrande victime de la "prospérité commune"

Créé le

24.09.2021

Une crise des subprimes à la chinoise, avec un effet domino à l’échelle de la planète? Presque treize ans jour pour jour après la faillite de Lehman Brothers, c’est le scénario qu’ont redouté mi-septembre les marchés financiers à Shanghai, Shenzhen et Hong Kong, mais également à Wall Street, Londres ou Francfort. L’épicentre du séisme potentiel? Evergrande, le promoteur immobilier le plus endetté du monde. Plombée par un passif de quelque 300 milliards de dollars (260 milliards d’euros), l’entreprise du milliardaire chinois Xu Jiayin, l’un des hommes les plus riches du pays, est au bord du défaut de paiement.

À l’origine des déboires du géant de l’immobilier chinois, sa reprise en main par le pouvoir central, qui a drastiquement limité ses capacités de refinancement au nom de la nouvelle politique de "prospérité commune", promue depuis quelques mois par le président Xi Jinping. Les dragons de la tech, comme Alibaba ou Tencent, en ont fait les frais les premiers, perdant à cette occasion près de mille milliards de dollars de valorisation boursière. Evergrande est à son tour entré dans la tourmente, contraint par le Parti communiste, puis par les marchés, à se restructurer.

Face à son endettement massif, Evergrande s’est efforcé en septembre de colmater les brèches les plus béantes, mais n’est pas parvenu à rassurer tout à fait des marchés devenus très volatils ces dernières semaines, après que sa note a été successivement dégradée par les agences China Chengxin International, Moody’s et Fitch. L’échéance du paiement de coupon du 23 septembre sur des obligations émises en dollars a été respectée, avec un règlement de 83,5 millions. Mais une autre échéance de 47,5 millions se profilait dans la foulée…

Nombre d’analystes jugent d’ailleurs la faillite du promoteur chinois inéluctable à terme. Dans l’affaire Lehman Brother, en 2008, l’impact de l’effet papillon avait été assurément mal évalué. De la même manière, si ce dossier était mal géré, les conséquences pourraient être désastreuses, que ce soit pour les actionnaires, les créanciers, les fournisseurs, les 200 000 employés du groupe et des centaines de milliers de petits propriétaires dont les logements ne seront peut-être jamais achevés, mais aussi pour l’économie mondiale, que l'on sait déjà très fragilisée par la crise du Covid-19. Après Evergrande, les prochains sur la liste, prédisent les Cassandre, pourraient bien être les grandes banques chinoises, dont certaines entretiennent des liens très étroits avec le groupe de Monsieur Yu.

Il est fort à parier que le gouvernement de Pékin, dont on attend encore les premières réactions à propos du cataclysme en cours, se montrerait alors bien moins discret.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº860
RB