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Prospective

Être responsable, c'est s'occuper de la dépendance

Créé le

17.12.2021

Évitons de commettre l’erreur de la retraite : savoir… mais tarder à agir. Face au tsunami à venir de la dépendance, assureurs et mutuelles proposent ensemble des mesures simples. Immédiatement applicables et susceptibles de couvrir les nouvelles personnes dépendantes sans carence ! 

L’âge est parfois une réalité difficile à accepter, car le temps qui passe pour chacun d’entre nous fait écho à l’angoisse de la mort. Néanmoins, réalité incontestable et inéluctable, notre société vieillit. Dans l’Union européenne, les plus de 80 ans représentent aujourd’hui 6 % de tous les Européens. En 2050, ce sera 11,4 % et ce pourcentage grimpera à 14,6 % en 2100. En d’autres termes, en 2050, plus de 58 millions d’Européens seront octogénaires.

Pourquoi s’en inquiéter, car on pourrait se limiter à se féliciter de l’augmentation de l’espérance de vie de nos concitoyens. Ce vieillissement démographique sera pourtant source de nouveaux enjeux structurants. D’abord, les Français auront une retraite plus longue, qu’il faudra financer. Ils devront aussi faire face à une période de la vie que beaucoup de leurs ancêtres n’ont tout simplement pas connue : le « grand âge ». Période pendant laquelle les problèmes de santé se multiplient et les conditions de vie doivent évoluer. Et puis, pour certains d’entre eux, se posera la question de la perte d’autonomie avec une entrée en dépendance.

Chaque famille a connu, connaît ou connaîtra cette situation souvent traumatisante. Les artistes s’en emparent régulièrement et nous rappellent le choc que l’irruption progressive ou brutale de la dépendance représente pour une famille ; je vous renvoie au film de Florian Zeller, The Father, sorti récemment. Ce choc est très souvent le début d’un long parcours semé d’embûches, à la recherche de solutions et de leurs financements.

Les Français conscients et inquiets

Face à ces situations, les Français se sentent démunis. Toutes les études le prouvent et l’enquête que la Fédération française de l’assurance a commandée permet de mesurer cette préoccupation grandissante (voir encadré). La moitié des Français âgés de 45 à 75 ans déclarent avoir déjà été touchés par la dépendance, que ce soit pour eux-mêmes, leurs parents ou leurs grands-parents. Au sein de cette population, les deux tiers affirment en avoir subi les répercussions dans leur vie quotidienne, c’est-à-dire dans leur propre foyer. Face au risque de dépendance, ils sont perplexes quant aux solutions disponibles. Deux sur trois considèrent qu’ils manquent d’information. Toutes les classes d’âge partagent ce même sentiment à différents degrés et pourtant ils doivent bien réagir à la situation pour aider leurs proches : aujourd’hui, 3,9 millions de Français sont considérés comme des aidants. Leur moyenne d’âge est de 49 ans. Les femmes représentent 60 % du total.

Lorsqu’on interroge les Français sur le financement de la perte d’autonomie, la moitié d’entre eux répond qu’ils comptent faire appel à leurs revenus courants ou à leur épargne. Mais ils sont 19 % à déclarer qu’ils ne savent pas comment ils feront face. Pour à cette réelle inquiétude, 52 % de nos concitoyens souhaitent qu’une assurance dépendance obligatoire soit mise en place. Le constat est clair : les Français sont bien conscients du problème et s’en inquiètent, car ils ne savent pas comment trouver les solutions.

Des chiffres sans appel

Qu’est-ce que la dépendance ? C’est avant tout se voir contraint de renoncer à certaines actions devenues impossibles à assumer seul. C’est perdre en autonomie, à cause de difficultés physiques ou mentales dues à la maladie ou bien, tout simplement, à la vieillesse. D’ici 2030, le nombre de personnes âgées dépendantes va augmenter de 20 000 chaque année puis s’accélérera jusqu’à atteindre près de 40 000 personnes par an entre 2030 et 2040. Cette situation a un coût.

Aujourd’hui, la dépendance coûte 30 milliards d’euros par an, c’est-à-dire 1,4 point du produit intérieur brut de la France. Dans ce chiffre colossal, on retrouve les dépenses de santé (12,2 milliards d’euros), celles liées à la perte d’autonomie (10,7 milliards d’euros) mais aussi les dépenses d’hébergement (7,1 milliards d’euros). Les ménages paient directement 21 % de ces 30 milliards d’euros, soit 6,3 milliards d’euros. Évidemment, à ces chiffres en espèces sonnantes et trébuchantes, il faut rajouter les millions d’heures consacrées chaque jour par les aidants familiaux à leurs proches. Ces montants sont déjà conséquents, mais ils ne sont que les prémices du tsunami à venir de la dépendance. D’ici 2060, le besoin de financement de la dépendance va doubler si l’on se base sur les projections de vieillissement de la population.

Des réponses publiques encore partielles

Année après année, les débats sur la dépendance et son financement reviennent dans l’actualité. Quel rôle doit jouer l’État ? Les collectivités locales doivent-elles s’impliquer et si oui, comment ? Quelle place pour les ménages ?

En 2019, le rapport Libault a permis de consulter très largement les acteurs du sujet. Il a mis en lumière quelques grands principes et d’utiles lignes directrices. Parmi ces principes structurants de l’approche de la dépendance :

– la priorité doit être de permettre à chacun de rester chez soi le plus longtemps possible ;

– quand l’entrée dans un établissement s’impose, la prise en charge doit être améliorée par rapport à la situation actuelle ;

– enfin, tous les acteurs ont affirmé la nécessité de simplifier les démarches inhérentes au parcours de soins.

En juin 2020, un rapport législatif a permis de créer un consensus, quant aux besoins en financement, en forte augmentation. Et plusieurs lois ont été votées et promulguées. Celle du 7 août 2020 a entériné la création de la cinquième branche de la Sécurité Sociale dédiée à l’autonomie. L’intention est louable et les grands principes ont été clairement définis. La Caisse nationale de solidarité pour l’autonomie (CNSA) doit en prendre la charge mais, à date, les contours précis de cette branche ne sont pas définis. Cette cinquième branche est un contenant sans contenu.

L’actuelle couverture assurantielle a son plafond de verre

Face à ce constat, les assureurs souhaitent s’engager et contribuer au débat. En effet, les assureurs de personnes connaissent bien leurs assurés. Ils les accompagnent tout au long de leur vie, et en particulier dans les moments difficiles. Ils jouent un rôle essentiel dans le système actuel avec la couverture assurantielle existante et sont prêts à le faire évoluer dans l’intérêt de tous nos concitoyens.

Aujourd’hui, près de 7,5 millions de Français ont souscrit un contrat d’assurance dépendance. Ce chiffre est corroboré par notre enquête (voir graphique). Soit un marché de 814 millions d’euros. C’est à la fois significatif et trop peu. Significatif, car ce marché est encore jeune. Et trop peu si on le compare à celui des complémentaires santé (96 % de la population couverte). La situation actuelle du marché de l’assurance dépendance est très hétérogène en termes de couverture. La moyenne des primes, à 100 euros, n’est pas représentative. Les acteurs sont nombreux et les contrats très divers. Les types de prises en charge également, depuis la dépendance partielle jusqu’à la perte d’autonomie totale. Les prestations sont parfois versées sous forme de rente et d’autres fois en capital.

De l’assurance et du service

Il est cependant possible d’établir une nomenclature en fonction du type de contrat. Plus de la moitié d’entre eux (54 %) couvrent uniquement la dépendance. 23 % correspondent à des garanties dépendance dans des contrats santé et 20 % sont couplés à d’autres types de contrats.

Au-delà les services associés à ces offres représentent une palette très large. La personnalisation de ces services progresse : de l’accompagnement psychologique au portage des repas, en passant bien sûr par les aides ménagères. Des systèmes de téléassistance associés à des plateformes d’alerte complètent souvent le dispositif. N’oublions pas la prévention, qui permet souvent de prolonger l’autonomie des personnes âgées.

Au fil des années, les entreprises d’assurance ont acquis une réelle expertise. Elles savent aujourd’hui gérer le risque de dépendance et proposer les services les plus adaptés à chaque assuré. Cependant, nous considérons que cela n’est pas suffisant. Le tsunami de la dépendance est devant nous et les dispositifs actuels ne permettront pas d’y faire face.

Une nouvelle solution ambitieuse et pérenne

Depuis plusieurs années, la Fédération Française de l’Assurance (FFA) et la Fédération Nationale de la Mutualité Française (FNMF) travaillent ensemble pour construire une solution de financement durable de la dépendance. Il s’agirait d’une nouvelle catégorie de contrat de complémentaire santé « responsable » [1] .

Si elle a été construite pour demeurer simple et surtout solidaire, cette proposition est cependant particulièrement ambitieuse, puisqu’elle se propose de répondre aux besoins de tous les Français. Ce nouveau contrat de complémentaire santé responsable comporterait parmi ses garanties une clause consacrée à la dépendance. La prestation pourrait prendre la forme d’une rente viagère forfaitaire. Son montant reste à définir dans une fourchette de 300 à 500 euros mensuels si la dépendance de l’assuré en dépendance lourde selon la définition de la Sécurité Sociale (GIR1 et GIR2).

Un point essentiel de cette proposition réside dans son prix, unique pour tous les Français. Pour que celui-ci soit raisonnable, il est nécessaire que le principe de mutualisation joue à plein. C’est la raison pour laquelle nous proposons de rattacher cette nouvelle garantie dépendance à une catégorie de contrats d’assurance complémentaires santé, couvrant quasiment toute la population.

Concrètement et en pratique si, dès 42 ans, chaque Français disposait d’une telle garantie dans son contrat de complémentaire santé et payait pour celle-ci une cotisation mensuelle de 13,70 euros HT, alors il disposerait, en cas de dépendance lourde, d’une rente mensuelle de 500 euros. Techniquement parlant, le risque de dépendance serait mutualisé dans un pool de coassurance totalement transparent. Les acteurs du marché proposant cette garantie lui reverseraient les cotisations collectées. Le pool pourrait ensuite piloter le risque de dépendance à long terme, en collaboration avec les pouvoirs publics. Avec cette solution, les personnes entrant en dépendance après l’entrée en vigueur du dispositif seraient prises en charge sans aucune période de carence.

Ouvrir le dispositif à tous les Français

Pour ce faire, il faudrait inciter tous les acteurs à utiliser ce dispositif par un moyen efficace : nous proposons de réduire à 6,27 % la Taxe de Solidarité Additionnelle (normalement de 13,27 % pour les contrats responsables) supportées par ces nouveaux contrats. Ainsi, nous pourrions ouvrir à tous les Français ce nouveau dispositif et leur proposer toute la palette de services que les assureurs ont construite au cours des années : Chacun de nos concitoyens pourrait en effet bénéficier d’un bilan de santé pour prévenir la dépendance. Il aurait droit à une évaluation globale de son lieu de vie. Ses proches qui l’aident au quotidien seraient eux-mêmes aidés pour les démarches administratives indispensables et les soins nécessaires à la personne âgée dépendante seraient mieux organisés et leur financement simplifié.

Cette solution permettrait d’offrir à un grand nombre de Français les moyens de financer leur dépendance ; et ce sans faire appel aux fonds publics ; à l’État pourrait ainsi concentrer ses ressources sur l’aide aux plus démunis, les revalorisations des filières professionnelles et les infrastructures.

Nous appelons les Pouvoirs publics, les politiques et surtout les candidats à l’élection présidentielle à se mobiliser sur le sujet de la perte d’autonomie et à se saisir de notre solution gagnante pour les finances publiques, pour les aidants et aidantes, gagnante pour les Français.

 

 

1 Les contrats complémentaires santé sont dits « responsables » dès lors qu’ils respectent un cahier des charges en matière de plancher et de plafond de remboursement ainsi que de parcours de soins.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº863-864
Notes :
1 Les contrats complémentaires santé sont dits « responsables » dès lors qu’ils respectent un cahier des charges en matière de plancher et de plafond de remboursement ainsi que de parcours de soins.