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L’avenir en face

Créé le

12.01.2023

-

Mis à jour le

02.02.2023

Déclassification de fonds Article 9 en Europe, débat
autour du projet de loi visant à imposer aux entreprises américaines cotées la divulgation d’informations sur leurs impacts climatiques : la notion de durabilité s’installe dans le monde financier, mais non sans son lot de critiques. Comment les gestionnaires vont-ils s’adapter ?

Un certain scepticisme semble se développer vis-à-vis de l’investissement responsable et de sa réalité en termes environnemental, sociétal et de gouvernance (ESG). À la suite de l’invasion de l’Ukraine, l’industrie de la défense, qui préserve la paix, s’est vu offrir une place dans les portefeuilles comme élément durable. Avec l’approvisionnement en gaz russe perturbé par la guerre, certaines centrales à charbon ont été remises en service et, de fait, l’énergie nucléaire ou le gaz ont été labellisés vertueux selon la taxonomie européenne.

Pour enfoncer le clou, une puissante vague anti-ESG déferle outre-Atlantique. Le Texas a voté une loi pour empêcher les entreprises publiques de faire affaire avec les institutions financières qui promeuvent la durabilité. En Floride, le gouverneur a interdit aux caisses de retraite de l’État de prendre en compte l’ESG dans leurs investissements.

Pendant ce temps, la notion de durabilité s’insinue dans notre vie de tous les jours, à tel point qu’il est de moins en moins acceptable de prendre fréquemment l’avion pour ses loisirs et que la consommation régulière de viande témoigne d’habitudes alimentaires rétrogrades. Dans un contexte de dérèglement climatique, un public grandissant désapprouve les manifestations injustifiées et la Coupe du Monde au Qatar a été vilipendée pour ses stades climatisés à l’avenir incertain. Enfin, cinq ans après le début du mouvement #MeToo, la lutte pour l’égalité des droits entre les femmes et les hommes semble bien enracinée, dans la société comme l’entreprise.

Convaincre les investisseurs

Toutes les classes d’actifs vont devoir prendre en compte la durabilité. Les actions le font déjà ; les efforts vont désormais s’appliquer aux entreprises privées, aux projets de développement et aux partenariats complexes. À mesure que les produits ESG s’offrent aux petits épargnants, ceux-ci amélioreront leur connaissance du sujet et exigeront plus de transparence. Les services financiers vont devoir prendre en compte ces réalités tout en intégrant les évolutions réglementaires.

Des réponses claires et convaincantes devront être apportées au cas des investissements passifs ou indiciels, soit la majorité des fonds gérés aux États-Unis depuis 2018. Comment s’appliquent les contraintes de durabilité aux produits dérivés ? Comment résoudre les conflits d’intérêts des acteurs majeurs, devenus actionnaires principaux en raison de leur modèle ? Enfin, l’appétit des investisseurs pour des approches durables – protection de la nature, gestion de l’eau, réduction des émissions – va se heurter à la performance des indices de marché, voire de secteurs controversés comme les hydrocarbures ou le tabac. Les promoteurs des produits vertueux devront y répondre de façon probante et circonstanciée.

Afin d’établir un nécessaire climat de confiance avec leurs clients et combattre le greenwashing, ou écoblanchiment, les fournisseurs de services financiers devront mieux structurer leur offre responsable, par exemple en généralisant l’utilisation des indices alignés sur l’Accord de Paris (PAB – Paris Aligned Benchmark). La réglementation européenne va se durcir et devra être assimilée et appliquée à la lettre, sous peine de sanctions. Enfin, des efforts de communication seront incontournables pour convaincre de la réalité des bonnes intentions affichées et de la validité des objectifs de durabilité.

Le secteur financier a un rôle clé à jouer pour contribuer au financement de l’adaptation à un monde nouveau. Il devra réussir l’adéquation entre les nouveaux produits offerts et les objectifs environnementaux à atteindre. C’est le défi que nous devons relever en faisant preuve d’innovation et de transparence, pour l’année qui débute comme pour celles qui suivront.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº877