Square

Le paiement moderne émerge
sur fond d’Europe fragmentée

Créé le

20.12.2022

-

Mis à jour le

17.02.2023

Les usages liés aux paiements se sont fortement transformés, avec l’essor considérable du numérique. Mais le problème du manque d’intégration au niveau européen reste entier.

Rentabilité, souveraineté, sécurité : les enjeux des paiements peuvent s’articuler sur ces trois notions. Sans contact, en ligne : la pandémie de Covid-19 a joué le rôle d’un formidable accélérateur de la digitalisation des paiements. Fintechs et autres paytechs ont transformé les modèles économiques : la valeur ajoutée créée par la collecte de données des clients et de leurs comportements remplace celle générée par les frais de transactions et, en matière de paiements, le « parcours », « l’expérience » client en viennent à supplanter le produit. Pour les banques, qui se positionnent en « tiers de confiance », protégeant les données de leur clientèle, c’est à la fois une opportunité et une gageure.

Le prestataire de services de paiement est devenu un acteur avec lequel il faut composer, mais les établissements bancaires ont réussi à rester au cœur du système : ils ont noué des partenariats et intégré leurs services à des plateformes. Ce mouvement doit évidemment beaucoup à l’open banking imposé par la Directive sur les services de paiement 2 (DSP 2). Il correspond aussi à des exigences émergentes du secteur : la fluidité du « parcours client », l’accès centralisé à un ensemble de services sont des demandes fortes.

Exploitation judicieuse des données et accès à plusieurs services constituent d’ailleurs des facteurs de la réussite d’Apple Pay. Outre les GAFAM, qui semblent marquer le pas en termes d’offre bancaire, des géants comme Mastercard ou Paypal suscitent l’inquiétude européenne quant à une éventuelle perte de souveraineté.

$!Le paiement moderne émerge sur fond d’Europe fragmentée

L’EPI (European Payments Initiative) entendait répondre à cette crainte, en élaborant un système de paiement intégré en Europe, mais l’interopérabilité transfrontalière se révèle parfois quelque peu laborieuse. Les pratiques et systèmes nationaux ont la vie dure et le paysage du paiement européen est fragmenté. Après avoir suscité l’enthousiasme, l’EPI a réduit son empreinte.

En dépit de l’euro et du SEPA, donc, l’intégration européenne en matière de paiement n’a pas eu lieu. Pour autant, l’objectif d’un véritable espace unique de paiement en euro n’est pas abandonné.

Instantanéité vs sécurité

Il est notamment porté par la dernière proposition des Parlement et Conseil européens, parue le 26 octobre, qui entend rendre le paiement instantané obligatoire partout en Europe. Cette volonté a été saluée par le tout nouveau Conseil national des moyens de paiements français (CNMP), issue de la fusion de Comité national des paiements scripturaux (CNPS) et du Comité de pilotage de la filière fiduciaire (CP2F). Peut-être faut-il d’ailleurs entendre, avec cette fusion, que les aspects fiduciaire et scriptural des paiements passent au second plan. En 2022, le paiement est digital, mais aussi fractionné, en témoigne l’essor du Buy Now Pay Later.

Ces usages, ces partenariats, ces innovations, cependant, sont inenvisageables dans un environnement non sécurisé, aux points de vue technologique et réglementaire. L’application de la réglementation LCB-FT (Lutte contre le blanchiment-Financement du terrorisme), les obligations d’authentification forte, par exemple, soulèvent à cet égard certains problèmes : l’instantanéité semble a priori contradictoire avec les vérifications imposées par la loi. Sans compter que tout cela a un coût. La question de la rentabilité fait son retour.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº875-876