« La finance est le secteur où la figure managériale est la plus présente »

Quel est le profil actuel des dirigeants de grandes entreprises (DGE) ?

Les DGE sont essentiellement des managers fortement diplômés, rarement des fondateurs ou des héritiers. En dissociant le capital financier du capital productif, les sociétés par actions, nées au XIX^e siècle, ont rompu le lien qui unissait patrimoine et pouvoir économique. Elles ont fait naître un nouveau type de dirigeant : le directeur-manager. Avec à la clé l’émergence d’une bureaucratie économique et de nouveaux modes de gestion. Recruté pour ses compétences, le dirigeant acquiert le pouvoir en suivant des étapes normées au fil de son parcours réalisé en totalité dans de grandes entreprises et parfois même dans une seule. Mais cette figure du manager maison est moins fréquente de nos jours. L’homogénéisation des structures organisationnelles à l’échelle mondiale a favorisé la mobilité. En témoigne la mixité des nationalités au sein des états-majors.

Le secteur bancaire présente-t-il des spécificités ?

La finance est le secteur où la figure managériale est la plus présente, en France plus qu’ailleurs, du fait de la nationalisation des banques et des assurances après-guerre. On a ainsi une forte proportion d’inspecteurs des finances d’État et de diplômés de l’ENA ou Polytechnique. Mais les choses évoluent car, aujourd’hui, les banques dépendent moins de Bercy et de la Banque de France que de la BCE et de la Fed. Cet affaiblissement des liens avec l’État transforme la sociologie des dirigeants de banque.

Quels enseignements tirez-vous de votre étude ?

Elle met en lumière une dynamique civilisationnelle avec l’émergence d’un pouvoir impersonnel représenté par des entreprises dotées d’une grande puissance économique au sein desquelles les dirigeants sont interchangeables. Aujourd’hui, ces entités ont acquis un pouvoir qu’il leur faut légitimer, notamment en répondant aux exigences de vertu sociétale et environnementale qui leur sont adressées. Elles deviennent ainsi des créatures politiques et la légitimité de leurs dirigeants devient un enjeu public.