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Un concours, initialement à durée déterminée et devenu, lors du renouvellement, à durée indéterminée, peut-il, pour la durée du délai
de préavis au terme duquel le concours à durée indéterminée sera résilié,
être considéré comme un concours
à durée déterminée et donc faire
l’objet d’une déchéance du terme
avec un remboursement sous
huit jours ?

Créé le

12.02.2024

La notification de la résiliation d’un concours à durée indéterminée à l’expiration d’un délai de préavis ne le transforme pas en concours à durée déterminée.

Les règles gouvernant la réduction et l’interruption des concours financiers sont formulées par l’article L. 313-12 du Code monétaire et financier, lequel opère une distinction selon que les concours sont à durée indéterminée ou à durée déterminée1. En cas de concours à durée indéterminée, la réduction et l’interruption peuvent intervenir à tout moment sous réserve de respecter un délai de préavis de 60 jours : une dispense de préavis est toutefois prévue en cas de comportement gravement répréhensible du débiteur ou lorsque sa situation financière est irrémédiablement compromise. En cas de concours à durée déterminée, le respect du terme est la règle. Ils peuvent néanmoins être interrompus ou réduits sans préavis en cas de comportement gravement répréhensibles ou de situation irrémédiablement compromise du client. En outre, les parties ont la possibilité de prévoir des clauses résolutions définissant d’autres cas de défaut2.

L’article L 313-12 n’envisage pas le cas d’un concours à durée déterminée qui a été tacitement reconduit. On sait toutefois qu’en ce cas, la jurisprudence décidait que le contrat à durée déterminée donnait naissance à un contrat à durée indéterminée, lequel pouvait être résilié à tout moment, et que le nouveau contrat était conclu aux mêmes conditions que l’ancien3 : ces solutions ont été reprises par l’article 1215 du Code civil4 dont les dispositions doivent être combinées avec l’article 1214, alinéa 2 du même Code5. Ces règles doivent bien sûr être prises en compte lors de l’application de l’article 313-12 du Code monétaire et financier.

Dans l’espèce à l’origine de l’arrêt du 20 septembre 2023, une ouverture de crédit, initialement à durée déterminée, avait été tacitement reconduite. Elle était donc devenue à durée indéterminée. Et comme cette tacite reconduction s’effectue aux conditions du contrat initial, le banquier, qui avait pourtant procédé (le 3 mai 2018) à la notification prévue par l’article 313-12 et activé le délai de préavis de 60 jours, entendait, quelques jours plus tard (le 13 juin 2018), se prévaloir de la clause contractuelle qui prévoyait « que le bénéficiaire de l’ouverture de crédit devra rembourser, dans les huit jours d’une lettre recommandée avec demande d’avis de réception, au banquier dispensateur du crédit le montant des sommes dont il est alors redevable envers lui lorsque le compte de l’emprunteur enregistre un découvert non autorisé ». Selon lui, la clause « est pleinement applicable » dans le cas où « le contrat d’ouverture de crédit renouvelé a été interrompu et où le délai de préavis de 60 jours est en cours » car cela « a pour effet de métamorphoser, pour la durée du préavis, le contrat à durée indéterminée en contrat à durée déterminé ». La Cour de cassation, dans son arrêt du 20 septembre 2023, rejette la critique au motif que « la notification par une banque, en application de l’article L. 313-12 du code monétaire et financier, de la résiliation d’un concours à durée indéterminée à l’expiration d’un délai de préavis ne le transforme pas en concours à durée déterminée ».

Cette décision ne peut être qu’approuvée. Il est vrai que le contenu du nouveau contrat a, en cas tacite reconduction, un contenu identique au contrat ancien. Mais cette identité ne peut pas être totale en ce qui concerne les règles de résiliation. Celles-ci sont nécessairement différentes selon que le contrat est à durée indéterminée ou à durée déterminée. Et il nous paraît quelque peu fictif d’isoler la période du délai de préavis pour considérer que le contrat à durée indéterminée est, pendant cette période, un contrat à durée déterminée.

Cette solution n’implique pas nécessairement qu’un préavis doit être respecté en cas de dépassement d’un découvert non autorisé. On sait toutefois qu’à lui seul un seul dépassement non autorisé peut ne pas caractériser un comportement gravement répréhensible. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº213
Notes :
1 Th. Bonneau, Droit bancaire, 15e éd. 2023, LGDJ, n° 925 et s., n° 929 et s.
2 Bonneau, op. cit., n° 930.
3 F. Terré, Ph. Simler, Y. Lequette et F. Chénédé, Droit civil, Les obligations, 130e éd. 2022, Dalloz, p. 768.
4 Art. 1215, Code civil : « lorsqu’à l’expiration du terme d’un contrat conclu à durée déterminée, les contractants continuent d’en exécuter les obligations, il y a tacite reconduction. Celle-ci produit les mêmes effets que le renouvellement du contrat ».
5 Art. 1214, al. 2, Code civil : « le renouvellement donne naissance à un nouveau contrat dont le contenu est identique au précédent mais dont la durée est indéterminée ».
RB