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Travaux réglementaires

Créé le

31.01.2024

Le bilan tiré par la Cour des comptes sur l’état de la réglementation encadrant l’activité des services sur actifs numériques et les enjeux y attachés, est riche d’enseignements à l’heure où, précisément, les autorités européennes consultent respectivement sur les normes de niveau 2 qui permettront la mise en œuvre calibrée des axes posés par le règlement MiCAR.

Le 19 décembre 2023 la Cour des comptes a publié un rapport public thématique relatif aux crypto-actifs. S’il est peu fréquent de lire des travaux de la Cour des comptes sur ce sujet, la consultation du rapport définitif constitue une utile synthèse de l’état du marché des crypto-actifs complétée d’une éclairante mise en perspectives des défis adressés aux politiques publiques, tant en termes de régulation sous l’égide de l’Autorité des marchés financiers, qu’en matière de fiscalité.

Les travaux des magistrats de la rue Cambon mettent en évidence l’ampleur du marché de crypto-actifs (1 500 milliards de dollars et environ 14 millions d’utilisateurs au sein de la zone euro) tout en décrivant les deux niveaux de régime créé dès 2019 afin d’encadrer les prestataires de services sur actifs numériques (PSAN).

Deux premiers constats transparaissent sur le terrain de l’encadrement réglementaire : d’une part celui d’un écosystème national dynamique au sein duquel plus de 90 PSAN ont été enregistrés entre 2020 et 2023 et d’autre part, le constat que les autorités peinent à lutter et à coopérer hors de France, contre les comportements fautifs commis par des acteurs non enregistrés. En relevant qu’un seul PSAN a été agréé en 2023, la Cour regrette incidemment que la réglementation française n’ait pas conduit les PSAN à se doter volontairement des règles prudentielles garantissant une meilleure maîtrise des risques liés à ces actifs. C’est dans ce contexte mitigé, que la Cour de comptes salue les évolutions de la réglementation induites par l’entrée en vigueur du MiCAR fin 2024 et notamment l’obligation faite aux PSAN de procéder à un enregistrement renforcé dès le 1er janvier 2024.

Sur le terrain de lutte contre le blanchiment de capitaux, la Cour souligne les adaptations rendues nécessaires pour prendre en compte les spécificités des crypto-actifs et en particulier l’anonymat des portefeuilles dématérialisés qui favorise le financement d’activités criminelles. Les magistrats reconnaissent comme un progrès la capacité des autorités à tracer les flux de transactions, incriminer les plateformes enregistrées défaillantes et à effectuer des saisies d’actifs numériques le cas échéant. Toutefois, la teneur du rapport devient ensuite plus critique sur l’efficacité des dispositifs LCB FT mis en place par les PSAN, globalement jugés peu matures sur ce volet et appelé à gagner en compétence.

En juge des comptes publiques, la Cour relève, pour clore ses travaux, que l’administration fiscale gagnerait à voir évoluer le régime fiscal. En effet, si aujourd’hui seule la cession des actifs numériques donne lieu à la taxation à la sortie de la sphère numérique, la Cour identifie ce régime simplifié comme foncièrement inadapté à l’utilisation diversifiée des crypto-actifs comme moyens de paiement dans un contexte ou le règlement MiCA identifie les jetons de monnaie électronique comme une catégorie à part des crypto-actifs. En tablant sur la révision en janvier 2026 des normes européennes de coopération étatique pour améliorer la visibilité des administrations fiscales, la Cour conclut en invitant la DGFIP à accentuer l’information des contribuables sur la fiscalité applicable aux opérations sur actifs numériques et à intensifier ses contrôles fiscaux.

En vigueur depuis le 29 juin 2023, le texte MiCAR, réglemente l’émission de crypto-actifs et les services associés dans l’Union européenne. Les dispositions relatives aux jetons référencés par des actifs (ART) et aux jetons de monnaie électronique (EMT) prendront effet le 30 juin 2024. L’ABE a mené une série de consultations dans le cadre de sa mission de supervision des ART et des EMT considérés comme importants et dans le cadre de sa mission d’élaboration des normes techniques et lignes directrices relatives au règlement sur les marchés des crypto-actifs (MiCA), visant à instaurer des règles de marché européennes uniformes pour les crypto-actifs.

L’ESMA a entrepris le processus de consultation dans le cadre du MiCAR en rappelant l’objet de ce texte d’harmonisation maximale qui couvre les crypto-actifs actuellement non réglementés par la législation existante sur les services financiers, avec un accent sur la transparence, la divulgation, l’autorisation, et la supervision des transactions visant à soutenir l’intégrité du marché et la stabilité financière. L’ESMA procède à une consultation en trois phases avec pour objectif de développer des normes techniques, en collaboration avec l’EBA, l’EIOPA, et la BCE. Il faut préciser que l’ESMA et l’EBA collaborent étroitement lors du processus de consultation de sorte qu’elles ne traitent pas en doublon les mêmes sujets. Par exemple alors que l’ESMA parle de la classification, des modèles et format des livres blancs sur les crypto-actifs, l’EBA traite des procédures d’approbation de ces livres blancs.

Description de la chronologie du processus de consultation retenue par l’ESMA

– Paquet 1 (juillet 2023) : le premier paquet de consultation, lancé en juillet 2023, comprenait des normes techniques pour divers mandats, tels que la notification des entités sélectionnées aux ANC, les formulaires et modèles de notification, la demande d’autorisation pour les fournisseurs de services de crypto-actifs (CASP), la procédure de traitement des plaintes, la gestion et la prévention des conflits d’intérêts, et les exigences en matière d’information sur l’acquisition envisagée ;

– Paquet 2 (octobre 2023) : le deuxième paquet, lancé en octobre 2023, englobait des sujets tels que les indicateurs de durabilité, les exigences en matière de continuité des activités, la transparence des échanges, l’archivage pour les PCRS, la classification des crypto-actifs, et la divulgation publique d’informations privilégiées ;

– Paquet 3 (T1 2024) : enfin, le troisième paquet, lancé au premier trimestre 2024, aborde les mandats restants avec un délai de 18 mois, en traitant de questions telles que la qualification des crypto-actifs comme instruments financiers, la surveillance des abus de marché, la protection des investisseurs, la résilience du système, et les protocoles d’accès à la sécurité.

L’ESMA rappelle que la période transitoire MiCAR permet aux entités de continuer à fournir des services de crypto-actifs conformément aux lois nationales applicables avant le 30 décembre 2024, avec des mesures transitoires telles que la « clause de grand-père » (permettant aux entités fournissant des services de crypto-actifs conformément aux lois nationales applicables avant le 30 décembre 2024 de continuer à le faire jusqu’au 1er juillet 2026 ou jusqu’à ce qu’une autorisation MiCA leur soit accordée ou refusée) et une procédure d’autorisation simplifiée. L’ESMA travaille également sur une convergence de la surveillance pendant cette phase de transition, et ce de trois manières articulée. En fournissant un forum d’échanges pour les superviseurs des autorités compétentes ; en cartographiant le paysage actuel des entités fournissant des services crypto-actifs dans les États membres ; et en engageant des consultations permanentes avec la Commission européenne.

L’Autorité bancaire européenne a consulté sur huit thématiques afin d’être en mesure de finaliser les normes techniques de règlementation et les lignes directrices au second semestre 2024.

L’Autorité bancaire européenne a ouvert une consultation publique sur les projets de normes techniques de réglementation (RTS) relatifs à la gouvernance de la politique de rémunération, conformément au règlement sur le marché des crypto-actifs (MiCAR). Ces RTS définissent les processus de gouvernance pour l’adoption, la mise en œuvre et la maintenance des politiques de rémunération, mettant l’accent sur l’alignement avec les risques de l’émetteur et l’incitation à un comportement de prise de risque à long terme. Ils couvrent les émetteurs de jetons référencés par des actifs référencés (ART) et de jetons de monnaie électronique importants (EMT), établissant un cadre similaire à celui des entreprises d’investissement pour assurer la cohérence intersectorielle. La consultation vise à garantir des politiques de rémunération contribuant à une gestion saine des risques sans incitations à réduire les normes. Soumis à consultation jusqu’au 22 janvier 2024, ces projets de RTS ont été élaborés en collaboration avec l’ESMA, conformément au règlement (UE) 2023/1114. Cette consultation constitue le deuxième lot de produits politiques MiCAR, lequel vient compléter le troisième lot initié en novembre 2023.

L’ABE a par ailleurs mené trois autres consultations, clôturées au 8 février 2024, sur des projets de RTS et des lignes directrices encadrant la gestion de la liquidité dans le cadre du MiCAR. Ces RTS couvrent les exigences de liquidité de la réserve d’actifs, les instruments financiers très liquides, et la politique de gestion de la liquidité des émetteurs de jetons concernés. L’une des consultations sur les lignes directrices, concerne les scénarios de simulation de crise de liquidité. Les RTS proposent des pourcentages minimaux de la réserve d’actifs, des techniques de gestion de la liquidité, et des montants spécifiques de dépôts. Les lignes directrices définissent quant à elle les risques à couvrir dans les simulations de crise de liquidité.

L’ABE a consulté jusqu’au 8 février sur les projets de RTS portant sur les exigences en matière de fonds propres et les tests de résistance des émetteurs de jetons référencés par des ART et de EMT. Très attendus, ces RTS détaillent l’ajustement des exigences en matière de fonds propres, les critères d’évaluation du « degré de risque plus élevé », et la procédure pour atteindre des exigences plus élevées. Les émetteurs de jetons référencés par des actifs significatifs ou de jetons de monnaie électronique sont directement concernés.

L’ABE a mené une consultation sur des lignes directrices relatives aux plans de redressement des émetteurs de jetons tels que prévus par le texte MiCAR. Ces lignes directrices définissent les attentes des autorités de surveillances en matière de format des plans de recouvrement et aux informations qui doivent y figurer. Elles visent à préparer les émetteurs à la survenance de scénarios défavorables, notamment en garantissant leur capacité à respecter les exigences réglementaires. Le projet s’appuie sur les exigences législatives existantes, adaptées aux spécificités des émetteurs d’ART et d’EMT.

La consultation menée par l’ABE a porté sur la déclaration des transactions sur jetons référencés par des actifs (ART) et jetons de monnaie électronique (EMT) dans une devise non européenne comme moyen d’échange. Ces RTS clarifieront la typologie des transactions à déclarer par les émetteurs ; ces formalités visant à estimer leur nombre et la valeur globale. L’objectif est de surveiller les risques liés à l’utilisation répandue de ces jetons dans une monnaie non européenne. Les ITS fournissent quant à eux des modèles et des instructions pour permettre aux émetteurs et aux prestataires de services de crypto-actifs (PSAN) de se mettre en ligne avec les obligations de déclaration.

L’ABE consulte sur les projets de normes techniques relatives aux collèges de contrôleurs dans le cadre du MiCAR. Ces textes RTS de niveau 2 précisent les critères de composition des collèges de surveillance pour les ART et les EMT significatifs. Il est éclairant de noter que les critères avancés incluent la détermination des dépositaires « les plus pertinents » et des conditions pour considérer les ART et les EMT comme « utilisés à grande échelle ». Ils détaillent également les conditions générales de fonctionnement des collèges, couvrant la participation aux réunions, les procédures de vote, et l’échange d’informations.

L’ABE a également mené jusqu’au 22 janvier 2024, une consultation sur le projet de lignes directrices concernant le dispositif de gouvernance interne pour les émetteurs de jetons référencés par des actifs (ART) en vertu du MiCAR. Ces lignes directrices s’appliqueront aux autorités compétentes de l’Union ainsi qu’aux émetteurs d’ART. Elles précisent les dispositions de gouvernance, adaptées au principe de proportionnalité, pour assurer une gestion saine des risques, notamment opérationnels, de fraude, de cybercriminalité et de conformité, tout en protégeant les consommateurs et les investisseurs. Ce projet de lignes directrices précise les tâches, les responsabilités de l’organe de direction, l’organisation des émetteurs d’ART, et fournit utilement des détails sur l’identification et la minimisation des risques opérationnels. Il couvre également les dispositions applicables en cas de recours à des entités tierces et contribue à établir de robustes plans de continuité des activités.

Enfin, les projets de RTS concernant la procédure d’approbation des livres blancs de jetons de référence d’actifs (ART) émis par les établissements de crédit, en vertu du MiCAR, visent à harmoniser la procédure d’approbation à l’échelle de l’Union, définissant les étapes et les délais pour les établissements de crédit et les autorités compétentes. Élaborés conformément à l’article 17(8) de la MiCAR, en collaboration avec l’ESMA et la BCE, ces RTS adoptent une structure similaire à la notification d’autres informations par les établissements de crédit en vertu de la MiCAR. Les éléments couverts comprennent la demande d’approbation, le traitement par l’autorité compétente, l’évaluation du livre blanc, l’échange d’informations, l’évaluation matérielle, et l’approbation du même livre blanc. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº213
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