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Quel est le point de départ du délai
de prescription de l’action en responsabilité contre un banquier
qui a consenti un prêt in fine ?

Créé le

02.04.2024

Le dommage invoqué par un emprunteur, souscripteur
d’un contrat d’assurance vie nanti, qui ne peut pas rembourser le montant du prêt in fine au moyen du rachat dudit contrat,
ne se réalise qu’au terme du prêt de sorte que c’est à cette date que commence à courir le délai de prescription applicable
à son action en responsabilité contre le banquier.

La question du point de départ du délai de prescription des actions en responsabilité est récurrente en jurisprudence. Elle s’est posée à propos du devoir de mise en garde1. Elle est soulevée, dans l’espèce à l’origine de l’arrêt du 29 novembre 2023, à propos du devoir de conseil du banquier dans l’exécution du mandat de gestion du placement d’assurance vie nanti pour garantir un prêt in fine.

Il s’est avéré, dans cette espèce, qu’avant même l’échéance du prêt in fine, le montant du rachat du contrat d’assurance vie serait insuffisant pour couvrir le remboursement du capital restant dû à l’échéance du prêt. Le contrat d’assurance vie avait été souscrit le 1er février 2006 et racheté le 30 mars 2017. Le prêt in fine avait été consenti le 19 avril 2007 et était remboursable le 5 avril 2017. Toutefois, dès le 5 mars 2012, l’information communiquée au client au titre du contrat d’assurance vie montrait l’inadéquation du montant du rachat et du montant à rembourser. Or, l’action en responsabilité a été initiée le 3 avril 2017.

Le délai de prescription étant de cinq ans2, l’action était tardive si la prescription a débuté le 5 mars 2012 (date de l’information). Elle ne l’était pas si le point de départ l’était le 5 avril 2017 (date d’exigibilité du prêt). Les juges du fond avaient retenu la première solution. La Cour de cassation censure leur décision dans son arrêt du 29 novembre 2023. Ce qui n’est pas étonnant puisque la chambre commerciale avait, notamment dans son arrêt du 25 janvier 20233, fixé le point du délai de prescription à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face, date qui correspond à la date d’échéance du prêt in fine lorsque le prêt in fine ne peut pas être remboursé par anticipation. Cette solution, retenue à propos du devoir de conseil du banquier dans l’exécution d’un mandat de gestion de placement d’assurance vie nanti pour garantir un prêt in fine, est reprise par un arrêt du 24 janvier 20244 qui concerne la responsabilité du banquier au titre de son devoir de mise en garde. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº214
Notes :
1 V. Th. Bonneau, Droit bancaire, 15e éd. 2023, n° 1005 p 759.
2 Cf. art. 2224, Code civil ; art. L 110-4, Code de commerce.
3 Cass. com. 25 janv. 2023, n° 20-12811, JCP 2023, éd. G, 279, note Th. Bonneau et E, 1053, note D. Legeais ; Banque et Droit 209, mai-juin 2023. 23, note C. Coupet. Dans le même sens, Cass. com. 5 avr. 2023, n° 21-19550, arrêt n° 264 F-D, BRDA 12/23 n° 17 ; Cass. com. 8 novembre 2023, n° 22-13.191.
4 Cass. com. 24 janvier 2024, arrêt n° 40 f-D, pourvoi n° K 22-13.414 : « Le manquement d’une banque à son obligation de mettre en garde un emprunteur non averti sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi d’un prêt prive cet emprunteur d’une chance d’éviter le risque qui s’est réalisé, la réalisation de ce risque supposant que l’emprunteur ne soit pas en mesure de faire face au paiement des sommes exigibles au titre du prêt. Il en résulte que le délai de prescription de l’action en indemnisation d’un tel dommage commence à courir, non à la date de conclusion du contrat de prêt, mais à la date d’exigibilité des sommes au paiement desquelles l’emprunteur n’est pas en mesure de faire face. »
RB