La labellisation des fonds d’investissement est une démarche de qualité importante, afin d’assurer leur conformité à un référentiel ou cahier des charges. Un label permet de garantir aux investisseurs que la société de gestion de portefeuille (SGP) qui gère le fonds respecte une démarche conforme à un référentiel, limitant ainsi les risques de greenwashing pour les fonds d’investissement socialement responsable (ISR) faisant application de critères respectant des objectifs environnementaux, sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance (critères ESG) et de développement durable. L’efficacité et la pertinence d’un label dépendent du choix des exigences fixées par son référentiel ainsi que de l’indépendance et de la rigueur de l’organisme de certification vérifiant la satisfaction des critères.
Pour l’heure, il n’existe pas d’obligation légale en droit de l’Union européenne1, comme en droit français, en matière de labellisation des fonds d’investissement2. L’AMF recommande toutefois que tout fonds commercialisé en France souhaitant mettre en avant un caractère ISR publie un document explicitant sa démarche sur le modèle du Code de transparence européen ou adhère à une charte, un code, ou un label sur la prise en compte de critères relatifs au respect d’objectifs sociaux, environnementaux et de qualité de gouvernance3. À côté des initiatives privées, telles que le label Finansol4, il existe en France deux labels d’investissement socialement responsable (ISR) soutenus par les pouvoirs publics5 : le label GREENFIN France finance verte, qui a remplacé le label « Transition Énergétique et Écologique pour le Climat » (TEEC) lancé en 20156, ainsi que le Label ISR, créé en 2016.
Le Label ISR a été établi par le décret n° 2016-10 du 8 janvier 20167. Sa création poursuit l’objectif d’offrir une meilleure visibilité aux investisseurs sur les produits ISR en garantissant que leur gestion s’appuie sur des méthodologies rigoureuses. « L’obtention du label matérialise pour un (OPC) le respect d’un ensemble de critères relatifs à ses modalités de gestion. Ces critères visent à qualifier un placement qui concilie performance économique et impact social et environnemental en finançant les entreprises et les entités publiques qui contribuent au développement durable, quel que soit leur secteur d’activité 8. » Les fonds d’investissement éligibles au Label ISR sont les OPCVM ainsi que les FIA n’ayant pas un effet de levier substantiel9 au sens de la directive 2022/62/UE (AIFM). Les fonds souhaitant obtenir le label ISR doivent en faire la demande auprès d’un des organismes de certification homologués par le Comité français d’accréditation (COFRAC)10. Le label est accordé pour une durée de trois ans, renouvelable. Ce label a rencontré un vif succès, comme en atteste le nombre de fonds labellisés : Ainsi, au début novembre 2023, le ministère dénombrait 1174 fonds labélisés ISR, pour un encours total de 773 Mds€11.
Le décret de 2016 fixe les modalités d’élaboration, de révision et d’homologation du référentiel, lequel détermine les critères auxquels doivent répondre certains OPC pour bénéficier du label ISR12. Le référentiel du label ou cahier des charges est défini par arrêté du ministre des Finances13. Un arrêté du 8 janvier 2016 a défini le premier référentiel et le plan de contrôle et de surveillance du label14. Les organismes de certification évaluent et contrôlent le respect du référentiel du label dans les conditions définies par ce plan15.
Pour obtenir le label ISR, un fonds d’investissement doit actuellement respecter une série de critères répartis en six thèmes détaillés au II de l’annexe II de l’arrêté du 8 janvier 2016 et dans le référentiel du label sous la forme de six piliers :
– les objectifs généraux (financiers et ESG) recherchés par le fonds. Il s’agit de vérifier que ces objectifs sont précisément définis et décrits aux investisseurs et qu’ils sont pris en compte dans la définition de la politique d’investissement du fonds ;
– la méthodologie d’analyse et de notation des critères ESG mise en œuvre par les entreprises dans lesquelles le fonds investit ;
– la prise en compte des critères ESG dans la construction et la vie du portefeuille. La stratégie ESG doit être définie de façon explicite et le résultat de la mise en œuvre de cette stratégie mesuré. On notera que la part des émetteurs analysés ESG dans le portefeuille du fonds doit être durablement supérieure à 90 %16. D’après le référentiel, le fonds candidat doit démontrer que le résultat de la mise en œuvre de sa stratégie ESG est mesurable. Le fonds doit présenter, au choix, soit une réduction de 20 % de son univers d’investissement ESG par rapport à son univers initial (une élimination des 20 % plus mauvaises valeurs), soit une note ESG moyenne du portefeuille, significativement supérieure à la note ESG moyenne de l’univers de départ et, en aucun cas, inférieure à la note ESG pondérée de l’univers d’investissement initial du fonds ou de l’indice de référence (benchmark) après élimination des 20 % de plus mauvaises valeurs. L’usage des instruments financiers dérivés est également encadré et doit se limiter à des techniques permettant une gestion efficace du portefeuille de titres dans lesquels le fonds candidat est investi ;
– la politique d’engagement ESG avec les entreprises dans lesquelles le fonds investit (vote et dialogue) ;
– la transparence renforcée sur le respect des règles de gestion ESG ;
– la mesure des impacts positifs de la gestion ESG sur le développement d’une économie durable.
Le 12 décembre 2023, le ministère de l’Économie, des Finances et de la Souveraineté industrielle et numérique a publié la troisième version du référentiel du Label ISR (version dite V3 du référentiel), plus exigeante que la précédente. La réforme répond à un réel besoin. « Les critères du label ISR, qui n’ont pas été sensiblement révisés depuis 2016, doivent être revus pour répondre aux attentes plus fortes des épargnants et à l’ampleur des défis collectifs auxquels nous faisons face, notamment en matière de lutte contre le changement climatique17. » Il importe en effet de prendre en compte les obligations de transparence imposées par le Règlement (EU) 2019/2088 du Parlement européen et du Conseil du 27 novembre 2019 sur la publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers, dit « Règlement Disclosure » ou « SFDR ».
Dans sa dernière version, le Label ISR fait de l’impact climatique un principe clé. Il exclut les entreprises qui exploitent du charbon ou des hydrocarbures non conventionnels, ainsi que celles qui lancent de nouveaux projets d’exploration, d’exploitation ou de raffinage d’hydrocarbures (pétroles ou gaz). Le label doit en outre permettre d’accompagner les entreprises dans leur transition, en visant un alignement progressif des portefeuilles ISR sur l’accord de Paris. Dès l’entrée en application du référentiel, l’ensemble des SGP devront analyser les stratégies de transition de l’ensemble des émetteurs en portefeuille (cf. annexe 5 du référentiel). Au 1er janvier 2026, 15 % du portefeuille investi dans des secteurs à fort impact devra disposer de plans de transition alignés sur cet accord. Pour le reste du portefeuille investi dans des secteurs à fort impact, un engagement actionnarial fort de la part des SGP sera demandé afin que 20 % supplémentaires du portefeuille se dotent de plans alignés sur l’accord de Paris dans les trois ans. Le seuil d’ambition sera relevé sur proposition du Comité du label ISR, année par année.
Le label conservera toutefois son caractère généraliste, tout en renforçant sa sélectivité sur les autres critères ESG (en excluant les 30 % plus faibles notes ESG au lieu des 20 % actuellement). Les SGP devront s’assurer de limiter les incidences négatives des décisions d’investissement sur les facteurs de durabilité au sens du règlement SFDR18. Une transparence est introduite sur la pondération : le fonds devra préciser dans sa documentation réglementaire19, le poids relatif dans son modèle de notation de chacun des trois domaines « E », « S » et « G ». À l’horizon de trois ans, il est prévu que le Comité du label réalise une évaluation de l’impact de l’introduction de cette pondération dans le cadre d’une prochaine révision du référentiel du Label ISR. Il est prévu que la SGP décrive sa politique de vote, notamment au regard des aspects ESG. L’annexe 7 du nouveau référentiel énumère un certain nombre d’exclusions au regard des critères sociaux, environnementaux et de gouvernance ainsi que des obligations souveraines émises par certains Pays et territoires20 :
Cette nouvelle version du référentiel du Label ISR entrera en application le 1er mars 2024. Les modalités de transition21, sont les suivantes. Pour les fonds candidats à une première labellisation – labellisations initiales (audits initiaux), les demandes d’éligibilité pourront être effectuées, mais les audits sont suspendus jusqu’à la date d’entrée en application du nouveau référentiel. Dans le cas des certifications en cours à date de publication du référentiel V3, l’audit pourra être finalisé selon la version V2 si la contractualisation avec le certificateur a été formalisée avant la date de publication de la version V3 et que le certificat est délivré dans un délai maximal de 3 mois après la date de publication. Sinon, il faudra utiliser la version V3 du référentiel. Les fonds déjà labellisés (audits de renouvellement et audit de suivi) avec la V2 du référentiel bénéficient d’une période de transition jusqu’au 1er janvier 202522. À compter du 1er janvier 2025, tout audit de suivi et de renouvellement sera réalisé avec la version V3 du référentiel. n