Selon les éléments pris en compte dans le montant des mensualités, le prêt est dit amortissable ou in fine. « Il est amortissable lorsque les mensualités comportent, outre les intérêts, une quote-part du capital emprunté de sorte que le montant du capital pris en compte pour calculer les intérêts dus décroît au fur et à mesure des remboursements. Le prêt est, en revanche, dit “in fine” lorsque le capital est remboursé intégralement à la fin du crédit, les mensualités ne comprenant que les intérêts calculés sur la totalité du capital emprunté pendant toute la durée du prêt1. »
Le prêt in fine n’étant pas, en raison du remboursement intégral du capital emprunté à la fin du crédit, sans spécificité, il a été prétendu, dans l’espèce à l’origine de l’arrêt du 8 novembre 2023, que le banquier était tenu d’un devoir de mise en garde particulier au profit de l’emprunteur non averti même si le crédit est adapté à ses capacités financières2. La Cour de cassation rejette cette prétention, le devoir de mise en garde étant identique, que le prêt soit amortissable ou in fine : « l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti avant de lui consentir un prêt ne porte que sur l’inadaptation de celui-ci aux capacités financières de l’emprunteur et sur le risque de l’endettement qui résulte de son octroi, et ce, que le prêt soit remboursable par échéances ou en une seule fois à la fin ».
Cette solution n’est pas étonnante. Elle est en effet conforme à la jurisprudence antérieure. Ainsi, dans un arrêt du 13 mars 20193, la Cour avait limité le devoir de mise en garde au seul risque d’endettement excessif : « Mais attendu que l’obligation de mise en garde à laquelle peut être tenu un établissement de crédit à l’égard d’un emprunteur non averti ne porte que sur le risque d’endettement excessif né de l’octroi du prêt, un tel risque étant apprécié au jour de la souscription de l’engagement ». Cette solution avait été reprise dans un arrêt du 29 septembre 20214, la Cour soulignant en outre que l’obligation de mise en garde ne porte pas sur l’opportunité ou les risques de l’opération5. Aussi est-ce sans surprise que la Cour ait refusé de tenir compte du risque lié au remboursement intégral du capital à l’échéance du prêt6.
Cette jurisprudence doit être approuvée. Le devoir de mise en garde doit être strictement cantonné au risque excessif pouvant naître du prêt. Il ne doit pas être entendu sauf à le détourner de son objectif initial qui est de mettre en garde un emprunteur non averti lorsque le montant du crédit est disproportionné à ses revenus et à son patrimoine7. n