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L’AMF a 20 ans, et après ?

Créé le

06.12.2023

L’Autorité des marchés financiers (AMF) a vingt ans. Elle a été créée par la loi de sécurité financière du 1er août 2003 et installée le 24 novembre 2003. Elle a recueilli les missions de la précédente Commission des opérations de bourse (COB), autorité administrative créée en 1967, du Conseil des marchés financiers, autorité professionnelle créée en 1996, et du Conseil de discipline de la gestion financière. Elle a d’emblée été qualifiée d’autorité publique indépendante, ce qui en a fait une personne morale responsable qui bénéficie d’une relative autonomie financière et peut employer des personnes sous statut privé comme sous statut public. Elle a recueilli les missions de ses prédécesseurs, en particulier la protection de l’épargne, l’information des investisseurs, la réglementation des d’offres publiques et l’encadrement des prestataires de services d’investissement, mais également des missions nouvelles comme récemment la régulation des prestataires de services sur actifs financiers et des prestataires de services de financement participatif. Notons en passant que l’AMF a aussi pour mission de préciser dans son règlement général les conditions dans lesquelles les émetteurs cotés rendent publiques les modalités de préparation et d’organisation des travaux des conseils d’administration des sociétés, ce qui démontre que les pouvoirs publics avaient la prescience de l’importance du thème de la gouvernance des grandes entreprises bien avant qu’il ne devienne prégnant comme aujourd’hui. Mais c’est son organisation bicéphale qui a été la plus grande nouveauté, puisqu’elle est dotée de deux entités internes indépendantes l’une de l’autre, le Collège et la Commission des sanctions, ce qui en fait un modèle d’organisation exporté vers d’autres agences, dont l’ACPR. En outre, les textes ont renforcé les conditions dans lesquelles l’AMF peut conclure des accords avec des autorités étrangères pour l’échange d’informations et l’instruction des affaires, ce qu’elle a fait par un grand nombre d’accords multilatéraux et bilatéraux. Au résultat, on peut avoir le sentiment d’une très forte activité et visibilité, tant s’agissant de la régulation que de la répression, même au regard de ses homologues européennes.

Les débats sur le principe de sa création sont clos depuis longtemps, dont celui relatif à l’instauration d’une agence sur le modèle nord-américain, car l’intérêt d’avoir un organisme qualifié et indépendant qui associe des compétences variées n’est plus discuté, et la qualité du travail de la COB puis de l’AMF y a contribué. Est également éteinte la dispute sur la confusion des genres car la COB avait cette infirmité de ne pas avoir séparé sa mission juridictionnelle de ses missions administratives. Mais, s’agissant de la fonction répressive, celle-ci a parfois eu du mal à trouver le bon équilibre entre répression et droits de la défense et a plusieurs fois été confrontée directement ou indirectement à des décisions restrictives des plus hautes juridictions françaises et européennes, par exemple s’agissant de la question du non-cumul des poursuites, qui a contraint le législateur à intervenir pour mettre en place l’« aiguillage », plus récemment de la crise des « fadettes » (les données de connexion), qui a également obligé le législateur à tenter de trouver un équilibre, et des contraintes imposées par le Conseil constitutionnel aux enquêtes et contrôles (l’entrave administrative).

Quel est son avenir ? Sans doute est-elle déjà confrontée au problème de l’accès aux données pour maintenir, voire augmenter son efficacité dans la surveillance des marchés. De même, l’extension inéluctable des activités désintermédiées (blockchain, finance décentralisée) est un enjeu pour demain. Peut-être aussi doit-on s’interroger sur les conséquences potentielles de l’éventuelle confidentialité des consultations internes des juristes d’entreprises, le legal privilege à la française, qu’avait retenue la loi d’orientation et de programmation de la Justice et qui décidait, avant que le Conseil constitutionnel ne l’écarte, que les documents couverts par la confidentialité ne pourraient, dans le cadre d’une procédure ou d’un litige en matière civile, commerciale ou administrative, faire l’objet d’une saisie ou d’une obligation de remise à un tiers, y compris à une autorité administrative française ou étrangère, les exceptions étant pour l’heure limitées aux procédures pénales et fiscales. Enfin, plus globalement, l’AMF ne risque-t-elle pas d’être confrontée au défi de l’extension de son domaine, en particulier s’agissant des actifs digitaux ? n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº212
RB