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Faciliter la labellisation ELTIF 2.0

Créé le

02.04.2024

Loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte, art. 39 et 40.

Le règlement (UE) 2023/606 du Parlement européen et du Conseil du 15 mars 2023 modifiant le règlement (UE) 2015/760 en ce qui concerne les exigences relatives aux politiques d’investissement et aux conditions de fonctionnement des fonds européens d’investissement à long terme et la définition des actifs éligibles à l’investissement, les obligations en matière de composition et de diversification du portefeuille et l’emprunt de liquidités et d’autres dispositions des statuts des fonds1, dit « règlement ELTIF 2 » ou « règlement ELTIF 2.0 », est entré en vigueur le 10 janvier 2024. Afin de rendre plus attractif ce « label », ce règlement a assoupli les exigences. La dénomination ELTIF ne peut être utilisée par le gestionnaire d’un fonds d’investissement alternatif (FIA) que si le fonds respecte les exigences posées par le règlement européen modifié. Il demeure que, à l’image des règlements européens EuVECA2 et des EuSEF3, mais à la différence du règlement européen fonds monétaires (MMF)4, le règlement ELTIF ne crée pas des FIA européens spécifiques, soumis à un régime particulier destiné à se substituer aux FIA de droit national. Le règlement ELTIF offre un cadre volontaire, en ce sens que les gestionnaires sont libres d’établir leurs fonds en tant que FIA standard tel que défini par la directive 2011/61/UE, dite directive AIFM5 ou de FIA de droit national. Ces règles se superposent mais ne se substituent pas aux règles de droit national de la catégorie d’appartenance du FIA. Ainsi, un FIA de droit français, agréé comme ELTIF, ne peut déroger aux règles propres d’investissement prévues par le Code monétaire et financier pour n’appliquer que celles du règlement européen. Son gestionnaire doit appliquer cumulativement les règles de droit national et celles de ce règlement. Cela suppose évidemment que les dispositions de droit national soient compatibles avec celles du règlement ELTIF. Afin de faciliter la labellisation ELTIF 2.0. des fonds français existants, le législateur dont donc adapter le droit national « pour inciter les gestionnaires d’actifs français et les réseaux de distribution à se saisir de ce nouvel outil »6.

À l’heure actuelle, la France est le deuxième État membre de l’Union européenne derrière le Luxembourg en nombre de FIA labellisés ELTIFS 1.07. L’étude d’impact du projet de loi relative à l’industrie verte a montré que la gamme de fonds français n’est pas suffisamment compétitive pour favoriser la domiciliation d’ELTIF 2.0 en France. Aussi afin d’inciter à la labellisation ELTIF 2.0 de FIA commercialisés auprès d’investisseurs de détail (non professionnels) « pour financer les besoins de long terme de l’économie européenne et en particulier la transition de notre tissu productif vers la neutralité carbone »8, la loi n° 2023-973 du 23 octobre 2023 relative à l’industrie verte9 (ci-après, L. 2023) a conçu une mesure permettant d’amorcer une dynamique de transformation en fonds agréés « ELTIF 2.0 ». Son article 39 offre aux FCPR10 ainsi qu’aux OPCI11 une option pour être régis par les dispositions du Code monétaire et financier sur les fonds professionnels spécialisés (FPS)12. La mesure est destinée à soustraire les FCPR et OPCI aux contraintes d’investissement et de diversification de leur régime d’appartenance. Le principal attrait du FPS réside en effet dans la simplicité et la flexibilité des règles de composition de l’actif, qui en font un véhicule idéal pour le développement des fonds ELTIF 2.0. Le dispositif vise également à éviter le risque de perte d’attractivité et, partant, de décollecte massive sur les FCPR evergreen13 et les OPCI par des investisseurs de détail davantage attirés par les fonds sous régime ELTIF 2.014. L’option pour la transformation est proposée sur une période de deux ans, à compter de l’entrée en vigueur du règlement ELTIF 2 (L. 2023, art. 39, IV) jusqu’au 9 janvier 2026 (L. 2023, art. 39, III, al. 2).

Pour pouvoir en bénéficier, les FCPR et OPCI doivent réunir plusieurs conditions cumulatives. D’abord, ils doivent avoir été agréés en application du règlement (UE) 2015/760, dit « règlement ELTIF 1 », et pouvoir être commercialisés auprès d’investisseurs de détail au sens du 3 de l’article 215 de ce règlement (L. 2023, art. 39, I, al. 1, 1° et II, al. 1, 1°). Ensuite, ils doivent avoir été constitués avant le 1er janvier 2024 (L. 2023, art. 39, I, al. 1, 2° et II, al. 1, 2°). Ils doivent également remplir une condition tenant à la composition de leur actif afin de la rendre compatible avec le règlement ELTIF 2. Ainsi, les FCPR doivent avoir pour objet principal l’investissement direct ou indirect dans des instruments de dette, de capitaux propres ou de quasi-capitaux propres d’entreprises éligibles au sens de l’article 11 du même règlement (L. 2023, art. 39, I, al. 1, 3°). Les OPCI doivent avoir leur actif majoritairement composé d’actifs immobiliers (L. 2023, art. 39, II, al. 1, 3°). Enfin, les FIA intéressés doivent avoir notifié à l’Autorité des marchés financiers (AMF) leur choix d’être régis par les dispositions du Code monétaire et financier relatives aux FPS et en avoir informé individuellement les investisseurs, selon des modalités qui seront prochainement précisées par le règlement général de l’AMF (L. 2023, art. 39, I, al. 1, 4° et II, al. 1, 4°).

En conséquence, les porteurs de parts des FCPR ayant exercé l’option bénéficient de l’exonération d’impôt sur le revenu des sommes ou valeurs distribuées et des gains de cession ou d’opérations assimilées se rapportant à ces parts, prévue à l’article 163 quinquies B du Code général des impôts, sous réserve que les conditions posées par ce texte soient respectées (L. 2023, art. 39, I, al. 2). Dans le même esprit, les sociétés de placement à prépondérance immobilière à capital variable (SPPICAV), forme sociétaire de l’OPCI, ayant exercé l’option bénéficient de l’exonération prévue au 3° nonies de l’article 208 du Code général des impôts (exonération d’impôt sur les sociétés), sous réserve de remplir les conditions prévues par l’article L. 214-69 du Code monétaire et financier (L. 2023, art. 39, II, al. 2). L’article 239 nonies du Code général des impôts, qui soumet les porteurs au prélèvement forfaitaire unique sur les revenus et les gains distribués par le fonds16, est applicable aux fonds de placement immobilier (FPI), forme contractuelle de l’OPCI, ayant exercé l’option et régis en conséquence par les articles L. 214-154 à L. 214-158 du Code monétaire et financier, sous réserve de remplir les conditions prévues à l’article L. 214-81 de ce code (L. 2023, art. 39, II, al. 2).

Les investisseurs d’un fonds ayant exercé l’option de l’article 39 de la loi de 2023 peuvent demander la liquidation de leurs parts dans les conditions qui seront fixées par le règlement général de l’AMF (L. 2023, art. 39, III, al. 2). L’emploi du terme « liquidation » est inusité au sujet de parts ou d’actions. Dans le cadre d’autres mutations de fonds d’investissement susceptibles d’avoir un impact sur les droits des investisseurs, notamment en cas de fusion, de scission, de changement de fonds maître d’un fonds nourricier ou de changement de société de gestion de portefeuille, un droit de sortie sans frais est ouvert aux investisseurs, sous la forme d’un droit au rachat de leurs parts ou actions17. Le règlement général de l’AMF aura l’occasion de préciser la signification et les conditions, notamment de délai, de cette liquidation.

Par ailleurs, si le label ELTIF 2.0 s’impose comme le produit standard pour l’accès des investisseurs de détail aux classes d’actifs non cotés, l’étude d’impact de la loi a estimé qu’« il sera également nécessaire de revoir la gamme de fonds nationaux servant le même objectif (FCPR, OPCI, SCPI) afin d’assurer sa complémentarité avec le label ELTIF »18. Aussi, la loi de 2023 a-t-elle ouvert la voie à la modernisation du droit français en vue de l’adapter au règlement ELTIF 2. L’article 40 de cette loi habilite le Gouvernement à légiférer par ordonnance, dans un délai de neuf mois à compter de sa promulgation, afin d’aligner davantage sur le règlement ELTIF 2 les dispositions actuelles du Code monétaire et financier relatives à la composition, à l’émission de titres financiers, aux outils de gestion de la liquidité et à la constitution des FPS, des fonds professionnels de capital investissement (FPCI) et des organismes de financement spécialisés (OFS) dans le but de favoriser l’obtention de la dénomination ELTIF (Loi de 2023, art. 40, al. 1, 1° a). Le législateur français envisage en outre d’adapter les règles relatives à la composition et la constitution des FIA ouverts à des investisseurs non-professionnels afin d’assurer leur complémentarité avec les ELTIF (Loi de 2023, art. 40, al. 1, 1° b) et de faciliter l’éligibilité aux fonds communs de placement d’entreprise (FCPE) des fonds ayant été agréés conformément au règlement ELTIF et pouvant être commercialisés auprès d’investisseurs non professionnels en application du même règlement (Loi de 2023, art. 40, al. 1, 1 °C).

Il est à noter que, dans une publication du 10 janvier 2024 sur l’« Entrée en application de la révision du règlement sur les fonds européens d’investissement à long terme (ELTIF 2) : l’AMF précise les conditions d’agrément des fonds », l’autorité de régulation a mis à jour son formulaire d’agrément en tant qu’ELTIF pour les fonds existants et nouvellement créés. Ce formulaire comporte (point 50) une mention précisant qu’avant la publication des normes techniques de réglementation développées par l’ESMA conformément au règlement ELTIF 2, « le gestionnaire s’engage à ce que le FIA soit en conformité avec l’ensemble des exigences prévues par ces normes ». L’ESMA a d’ores et déjà publié son projet de standards techniques19 sur ce point. n

À retrouver dans la revue
Banque et Droit Nº214
Notes :
1 OJ L 80, 20 mars 2023, pp. 1-23.
2 Règlement (UE) n° 345/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 relatif aux fonds de capital-risque européens (OJ L 115, 25 avril 2013, pp. 1-17) modifié par le règlement n° 2017/1991/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017 modifiant le règlement n° 345/2013/UE relatif aux fonds de capital-risque européens par le règlement n° 346/3013/UE relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens (OJ L 293, 10 nov. 2017, pp. 1-18).
3 Règlement (UE) n° 346/2013/UE du Parlement européen et du Conseil du 17 avril 2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens (OJ L 115, 25 avril 2013, pp. 18-38), modifié par le règlement n° 2017/1991/UE du Parlement européen et du Conseil du 25 octobre 2017 modifiant le règlement (UE) n° 345/2013 relatif aux fonds de capital-risque européens et le règlement (UE) n° 346/2013 relatif aux fonds d’entrepreneuriat social européens précité.
4 Règlement (UE) n° 2017/1131 du Parlement européen et du Conseil du 14 juin 2017 sur les fonds monétaires (OJ L 169, 30 juin 2017, pp. 8-45).
5 L’article 4, paragraphe 1, point a), de cette directive définit les FIA comme « des organismes de placement collectif, y compris leurs compartiments d’investissement, qui lèvent des capitaux auprès d’un certain nombre d’investisseurs en vue de les investir, conformément à une politique d’investissement définie, dans l’intérêt de ces investisseurs et ne sont pas soumis à agrément au titre de l’article 5 de la directive 2009/65/CE ».
6 Première Ministre, Étude d’impact Projet de loi relative à l’industrie verte, NOR : ECOX2310860L/Bleue-1, 15 mai 2023, p 242.
7 Ibid., pp. 243-244
8 Ibid., p. 256. « Le développement des ELTIF contribuera au financement de la décarbonation de l’économie. En orientant l’épargne vers les PME, les ETI et les projets immobiliers et d’infrastructures, ELTIF 2.0 accroîtra les financements à destination d’acteurs clés de la transition qui se caractérisent par des contraintes de financement particulières.
Les fonds ELTIF 2.0 seront en effet orientés vers un ensemble précis d’émetteurs, les plus petites entreprises et les actifs réels, dont les contraintes de financement obèrent la décarbonation. En fléchant une part plus importante de l’épargne vers ces acteurs, les fonds ELTIF contribueront à lever l’un des obstacles à la décarbonation complète du tissu productif français
» (ibid., p. 248).

9 JORF, 24 octobre 2023.
10 Les fonds communs de placement à risques sont régis par les dispositions du sous-paragraphe 2 du paragraphe 2 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du Code monétaire et financier.
11 Les organismes de placement collectif immobiliers sont régis par les dispositions du paragraphe 3 de la sous-section 2 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de la partie législative du Code monétaire et financier.
12 I.e., des dispositions du sous-paragraphe 1 du paragraphe 2 de la sous-section 3 de la section 2 du chapitre IV du titre Ier du livre II de ce code.
13 Sans durée de vie limitée, ces fonds sont par nature adaptés à des investissement à long terme.
14 V. Première ministre, Étude d’impact..., op. cit., v. art. 18, p. 247.
15 L’investisseur de détail y est défini comme un investisseur qui n’est pas un investisseur professionnel.
16 À moins que le contribuable n’opte pour l’intégration au barème de l’impôt sur le revenu.
17 L’article 8 de l’instruction AMF DOC-2011-20 énumère ces mutations.
18 Première Ministre, Étude d’impact..., op. cit., p. 247.
19 ESMA, Final Report, Draft regulatory technical standards under the revised ELTIF Regulation, 19 déc. 2013, ESMA34-1300023242-159.
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