Pour mémoire, la directive CSRD3, publiée au journal officiel de l’UE le 16 décembre 2022 est une des initiatives issues du Pacte Vert européen et du programme en matière de finance durable4. La CSRD vise à combler les lacunes des règles existantes en matière d’informations sur la durabilité et introduit d’importantes modifications aux règles européennes relatives à la publication d’informations extra-financières par les entreprises. Ce faisant, elle tend à participer à un meilleur encadrement des publications en matière de durabilité des entreprises, à l’appui de données et d’indicateurs ciblés sur les trois thématiques ESG.
Dans cette perspective, la CSRD requiert que des normes européennes obligatoires de durabilité (ci-après « ESRS » pour European Sustainability Reporting Standards) soient adoptées par la Commission européenne afin d’accroître la transparence et la standardisation de l’information relative à la durabilité que les entreprises doivent publier5.
Les États membres sont tenus de transposer la CSRD dans leur législation nationale d’ici le 6 juillet 2024 étant observé qu’une application progressive des dispositions de la CSRD et des normes européennes obligatoires de durabilité sont prévues dès le 1er janvier 2025, date à laquelle les premières entreprises commenceront à publier des déclarations de durabilité dans le cadre du nouveau régime (couvrant l’exercice 2024).
Les 50 000 entreprises qui seront, à terme, soumises au reporting de durabilité conformément au calendrier d’application de la CSRD seront tenues de publier des données sur l’impact, les risques et les opportunités (« IRO ») de leurs opérations commerciales et ce, sur les trois volets de la durabilité que sont l’Environnement, le Social et la Gouvernance des entreprises dès lors que la condition de matérialité sera remplie6.
Comparativement aux informations émises au titre de la directive 2014/95/UE relative à la publication d’informations non-financières, (ci-après la NFRD7) dans la déclaration de performance extra-financière, il s’agit d’un véritable changement de paradigme. Les entreprises devront désormais, appréhender les enjeux ESG y compris ceux liés à la fiabilité, la collecte, et la disponibilité de la donnée pertinente avec proactivité tout en veillant à ce que les informations qui ont vocation à figurer dans le rapport de durabilité8, aient été soumises au préalable à une certification par un commissaire aux comptes ou un auditeur d’informations en matière de durabilité.
À l’audit externe du rapport de durabilité, s’ajoute le contrôle par les autorités nationales compétentes des informations relatives à la durabilité publiées par les entreprises.
Àcet égard, la directive CSRD introduit un nouvel article 28 quinquies dans la directive 2004/109/CE sur l’harmonisation des obligations de transparence concernant l’information relative aux émetteurs (ci-après « la directive Transparence »9) afin d’habiliter l’Autorité européenne des marchés financiers à publier des lignes directrices à l’intention des autorités nationales compétentes pour promouvoir la convergence en matière de surveillance des informations sur la durabilité publiées en vertu de la directive CSRD10.
Les principaux objectifs du projet de lignes directrices consistent d’une part, à garantir que les autorités nationales compétentes exercent de manière uniforme la surveillance des informations sur la durabilité publiées par les sociétés cotées conformément à la directive CSRD, aux ESRS et à l’article 8 du règlement européen sur la Taxonomie des activités durables (ci-après « le règlement Taxonomie »)11.
L’article 8 du règlement « Taxinomie » s’inscrit également dans une perspective de transparence et de publication d’indicateurs de durabilité par les entreprises. Il impose à toutes les sociétés qui sont tenues de publier des informations extra-financières en vertu de la directive 2014/95/UE de fournir des Indicateurs clés de performance en termes de durabilité (cf. chiffres d’affaires, CapEx, OpEx, Green Asset Ratio).
D’autre part, le projet de lignes directrices a pour objet d’établir des approches cohérentes et robustes en matière de surveillance des informations relatives à la durabilité et des informations financières des sociétés cotées ce qui, selon l’Autorité européenne des marchés financiers, devrait faciliter une connectivité accrue entre les deux types de rapports.
La section 2 du projet explique le contexte des lignes directrices relatives à l’information en matière de durabilité, y compris le lien étroit avec les Orientations existantes de l’ESMA sur le contrôle des informations financières. La section 3 établit le champ d’application, les définitions, l’objet et les obligations de conformité et de déclaration des lignes directrices en matière d’informations relatives à la durabilité.
S’agissant du champ d’application des lignes directrices, il est proposé que ces dernières soient appliquées par toutes les autorités compétentes chargées de la surveillance des informations relatives à la durabilité en vertu de la directive Transparence 2004/109/CE telle que modifiée par la directive CSRD. Les lignes directrices devraient ainsi s’appliquer à la surveillance des entreprises dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé dans l’Union européenne.
À cet égard, il convient de noter que si le projet de lignes directrices prévoit son applicabilité aux entreprises dont les titres sont admis à la négociation sur un marché réglementé de l’UE et qui sont, par ailleurs, soumises à la directive Transparence, la CSRD a un champ d’application plus large et vise également les grandes entreprises au sens de la directive comptable12.
Le projet présente ensuite chacune des lignes directrices proposées, organisées en chapitres thématiques : concepts de base, organisation interne des responsables du contrôle de l’application des obligations en matière de publication d’information relatives à la durabilité, la sélection des émetteurs dont les informations sur la durabilité seront examinées, l’examen des informations sur la durabilité, les mesures de contrôle en cas de découverte d’une infraction au cours de l’examen et coordination européenne du contrôle ainsi qu’une liste de questions de consultation à l’intention des répondants et, enfin, le projet de lignes directrices dans sa forme complète.
Tout en ciblant les autorités de supervision, les lignes directrices peuvent s’avérer un outil utile pour les émetteurs assujettis aux obligations issues de la directive CSRD (et même pour d’autres entités), en tant que guide de l’approche des autorités en matière de surveillance de l’information relative à la durabilité.
Force est de constater toutefois que, compte tenu du niveau de sophistication voire de complexité du nouveau régime qui ne prévoit pas d’application progressive des modalités de reporting, la courbe d’apprentissage risque d’être particulièrement exigeante.
Par ailleurs, il convient de reconnaître que la qualité de l’information sur la durabilité est susceptible de s’améliorer au fil du temps, à mesure que les sociétés acquièrent de l’expérience et que de nouveaux projets, systèmes et technologies apparaissent pour mieux répondre aux ambitions du Pacte Vert européen.
Une compréhension réaliste des défis auxquels les entreprises seront confrontées par les autorités nationales de supervision et l’éclairage des régulateurs sur des concepts clés dont celui de la double matérialité seront indéniablement déterminants pour toute progression en matière de transparence des entreprises sur ce qu’ils considèrent comme les risques et les opportunités découlant des questions environnementales et sociales, ainsi que sur l’impact de leurs activités sur les facteurs ESG.
La date limite pour les commentaires sur le document de consultation est le 15 mars 2024. ESMA prévoit de publier les lignes directrices finales d’ici le troisième trimestre 2024. n