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La géopolitique encore dominante en 2023

Créé le

20.12.2022

-

Mis à jour le

20.12.2023

Une amélioration
de la situation en Ukraine
et l’absence d’invasion
de Taïwan semblent envisageables, entraînant sans doute un mouvement de désinflation,
qui retiendra l’attention
des investisseurs.

Aversion au risque et incertitude, baisse des échanges internationaux, pressions inflationnistes et durcissement monétaire consécutif : la géopolitique peut avoir des incidences notables sur l’économie mondiale et les marchés. Deux sujets de tension pourraient encore avoir des conséquences systémiques en 2023 : la guerre Russie-Ukraine et les tensions entre la Chine et Taïwan.

Les yeux tournés vers l’Est

Pour les marchés, les guerres ont des effets assez clairs :

– volatilité accrue et pressions baissières sur les valorisations actions ;

– surperformance des valeurs de défense (des secteurs/valeurs susceptibles de préserver leurs marges face aux pressions inflationnistes) ;

– hausse fréquente des prix des premières matières et surperformance du secteur des ressources de base, dont l’énergie (si le conflit affecte de gros producteurs).

Les débuts de conflit relativement localisés d’après-Seconde Guerre mondiale n’ont pas eu d’impact durable ni très significatif sur les marchés, en dehors de répercussions haussières sur les matières premières, via des chocs d’offre. Dans le cas de la guerre en Ukraine, s’y ajoute son caractère inédit et potentiellement systémique : la plus profonde sur le sol européen depuis 1945, à l’initiative de la 3e puissance militaire (nucléaire qui plus est), membre permanent du Conseil de Sécurité, et la plus grave menace nucléaire depuis 1962. Il y a cependant matière à croire à une stabilisation de la situation en 2023, de nature à déboucher sur un cessez-le-feu.

Taïwan représente un autre risque géopolique. Face à l’hypothèse selon laquelle Xi Jinping « profiterait » de la situation en Ukraine pour attaquer Taïwan, un conflit à horizon prévisible semble peu envisageable car il entraînerait un risque symétrique pour la République Populaire. Xi Jinping ne survivrait probablement pas politiquement à un échec.

D’autant plus qu’il ne serait pas question, pour l’Armée Populaire, de détruire Taïwan. Une invasion entraînerait des effets négatifs pour la Chine : sanctions économiques de l’Occident, fuite de la main d’œuvre qualifiée et des investissements étrangers de Taïwan, opposition de la population locale (7 % de la population taïwanaise est favorable à l’unification)...

Ensuite, la garantie de soutien américain à Taïwan (traité de 1979) a été réaffirmée récemment par Biden. Toute passivité des États-Unis dans un conflit sur Taïwan aboutirait à un effondrement de leur crédibilité en Asie-Pacifique et au-delà.

De plus en plus de cyberattaques étatiques

Indépendamment des affrontements armés, la conflictualité s’est étendue à d’autres domaines depuis une vingtaine d’années : accès aux ressources rares, contrôle des chaînes d’approvisionnement, de l’espace, des pôles... Et les difficultés de la transition énergétique renforcent ces tensions. En 2021, une étude1 montrait que les cyberattaques d’origine étatique avaient doublé les trois précédentes années, les attaques des chaînes d’approvisionnement augmentant de près de 80 %, et plus de 40 % des actifs de cyberattaque incluaient une composante physique et numérique.

Les deux conflits « traditionnels » de 2022 seront sans doute plutôt en retrait de l’attention des décideurs et investisseurs en 2023.

Au plan macro, cela devrait constituer un élément favorable, mais la croissance réelle subira encore le resserrement des conditions financières mondiales, et l’ajustement sur l’emploi reste devant nous. La principale implication sera de renforcer le mouvement de désinflation mondiale.

La fin (ou l’érosion) d’un conflit peut en effet constituer une force désinflationniste majeure. En 1950-1951, le début de la guerre de Corée donna lieu à de l’inflation, qui aboutit non seulement à une relance budgétaire importante, mais aussi à des craintes de rationnement, alimentant par anticipation la demande des ménages. L’indice général des prix à la consommation s’éleva à +9,3 % en juin 1951 aux États-Unis (quasi équivalent au chiffre de juin 2022). Un an plus tard, il s’établissait à +1,9 %.

Les choses n’iront pas aussi vite cette fois-ci : nous prévoyons une hausse de l’inflation américaine en glissement à +3,5 % au T2 2023 et +3,5 % en fin d’année.

Performance des secteurs aérospatial et défense américains comparée au S&P 500

$!<i>Total return</i> en USD, base 100 au 1<sup>er</sup>&nbsp;janvier 2015
À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº875-876
Notes :
1 Dr. Michael Mcguire, Senior Lecturer in criminology (University of Surrey), « Nation States, Cyberconflict and the Web of Profit », HP Wolf Security, 2021.