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Échange d’informations bancaires

Une fiscalité des clients toujours plus contrôlée ?

Créé le

17.10.2018

-

Mis à jour le

08.11.2018

Depuis le 5 juillet dernier, il existe plus de 3 200 relations bilatérales d’échange d’informations bancaires entre juridictions qui se sont engagées au « Common Reporting Standard » (CRS). L’objectif premier de cette norme est de lutter contre l’évasion fiscale de clients qui détiendraient des comptes dans un autre pays que celui où ils sont fiscalement imposés.

L’échange d’informations entre administrations fiscales n’est pas un phénomène nouveau. Il est né aux États-Unis, avec la mise en place de la réglementation Foreign Account Tax Compliance Act, plus communément appelée « FATCA ». En vigueur en France depuis le 1er juillet 2014, cette norme impose aux institutions financières françaises d’identifier leurs clients ayant la citoyenneté américaine ou résidant aux États-Unis, en vue de transmettre chaque année à l’administration fiscale française certaines informations sur les comptes financiers détenus en France par ces personnes. L’administration fiscale française doit quant à elle transmettre ces renseignements, au plus tard le 30 septembre de l’année suivante, à l’administration fiscale américaine (IRS).

De l'autre côté de l’Atlantique, l’Europe est, elle aussi, confrontée à la problématique de l’évasion fiscale. La Commission européenne évalue les pertes financières qui y sont liées à environ 1 000 milliards d’euros chaque année, dont 40 à 80 milliards d’euros pour la France. Face à cette analyse et dans le prolongement de la réglementation FATCA, l’OCDE a élaboré une norme d’Échange automatique d’informations (EAI) entre les administrations fiscales du monde entier, portant sur les actifs financiers détenus par des personnes en dehors de leur État de résidence. Cette norme, entrée en vigueur au 1er janvier 2016, impose aux juridictions qui y ont adhéré de se conformer à un modèle commun en termes de déclaration, à savoir le « Common Reporting Standard » (CRS). Toute la question repose donc sur l’adhésion à cette norme et sur sa mise en pratique pour savoir si l’évasion fiscale est réellement contrôlée.

L’adoption grandissante de la norme à échelle mondiale

L’échange automatique d’informations requiert la signature d’un accord multilatéral entre les autorités compétentes des pays concernés. C’est ainsi que, fin février 2017, 53 pays, dont la France, avaient signé un accord, avec un premier reporting prévu dès septembre 2017. Les déclarations des institutions financières à l’administration fiscale française sont faites annuellement. Cette dernière transmet ensuite ces informations aux différentes administrations fiscales des pays partenaires, en sachant qu’elles sont uniquement transmises à l’État de résidence de la personne déclarée et non pas à l’ensemble des juridictions engagées dans l’EAI. Réciproquement, les déclarations des institutions financières aux administrations fiscales étrangères sont également transmises aux institutions financières nationales des pays partenaires de l’accord.

Dans la continuité des échanges automatiques d’informations déjà amorcés, 47 autres pays se sont engagés à fournir un premier reporting pour septembre 2018. Le Nigeria s’est engagé pour septembre 2019, tandis que le Kazakhstan a prévu des premiers échanges en septembre 2020, selon les statuts de l’OCDE publiés le 26 juin dernier.

À ce jour, c’est donc plus d’une centaine de pays qui se sont engagés à adopter cette nouvelle norme, afin de faire face à la mondialisation grandissante et aux risques d’évasion fiscale liés à la méconnaissance des comptes détenus à l’étranger par les ressortissants nationaux de chaque pays. Reste encore à savoir quelles sont les informations recueillies par les institutions financières au titre des déclarations et si elles permettent de couvrir l’ensemble du périmètre englobé par la norme.

Des mesures d’ampleur prises par les institutions financières

Les renseignements devant être collectés concernent tous les clients disposant d’un compte au sein de l’établissement bancaire. Ainsi, pour un client personne physique, chaque institution est tenue de pouvoir restituer ses nom, date et lieu de naissance pour l’identifier, mais aussi son adresse, son pays de résidence fiscale si celui-ci diffère du pays de l’adresse et son numéro d’identification fiscale (NIF) délivré selon les pays par l’administration fiscale au client. Dans le cas d’une entité qui est titulaire d’un compte, l’institution doit de la même manière être en mesure de restituer son nom, son adresse, son pays de résidence fiscale et son NIF. Elle doit également collecter la ou les personnes qui détiennent le contrôle de l’entité, au travers des mêmes éléments déjà mentionnés pour une personne physique.

Sur la base de ces éléments, l’établissement bancaire doit par la suite procéder à une auto-certification du client, qui atteste de sa situation fiscale. Pour le cas des entités, il convient de vérifier auprès du client qu’elles ne sont pas exemptées de déclaration auprès de l’administration fiscale. Les entités exemptées sont les sociétés cotées en Bourse, les banques centrales, les entités publiques, les organisations internationales et les fonds de pension exemptés sur la base des accords internationaux négociés.

Lorsque les personnes et entités sont déclarables, l’institution financière remonte alors annuellement à l’administration fiscale un ensemble d’informations. Ces dernières comprennent le nom et le numéro d’identification éventuel de l’institution financière déclarante, le numéro de compte du client (ou son équivalent), ainsi que le solde ou la valeur portée sur le compte à la fin de l’année civile considérée ou d’une autre période de référence adéquate ou de la clôture du compte. Selon la nature du compte, d’autres informations sont également communiquées, telles que le montant brut total des revenus produits par les actifs détenus sur le compte, le produit brut total de la vente ou du rachat d’un bien versé ou crédité sur le compte, ou encore le montant brut total versé au titulaire de compte ou porté à son crédit dont l’institution financière déclarante est la débitrice.

Malgré un important travail de refonte des processus bancaires pour respecter la réglementation, il n’en demeure pas moins que la réussite du dispositif repose sur une mise à jour régulière du dossier des clients.

Une mise à jour nécessaire de la connaissance client

Lors de l’entrée en relation avec un nouveau client, qu’il s’agisse d’un particulier ou d’une entité personne morale, le processus d’auto-certification est obligatoire. Cela s’applique sans distinction, selon que le client soit résident fiscal en France ou à l’étranger.

Toutefois, il est également nécessaire de collecter les informations fiscales pour les personnes et les entités qui étaient déjà clientes de la banque avant la mise en conformité avec la norme, tout comme il convient de vérifier par la suite que les dossiers clients restent à jour. Ainsi, le dispositif doit être appliqué en cas de changement du pays de domicile du client, de son pays de résidence fiscale ou de sa nationalité. Il doit également être appliqué en cas de souscription d’un compte titres ordinaire, en cas de modification de la nature des revenus de la société, de son actionnariat ou de l’évolution des statuts.

Or, autant il peut paraître aisé de demander à un client sa situation fiscale lors d’un rendez-vous ayant pour objet une entrée en relation, autant il s’avère plus complexe d’avoir connaissance de ces éléments en dehors d’une démarche client. Ce dernier n’a pas nécessairement pour premier réflexe d’avertir sa banque de sa situation fiscale, notamment lorsque la nature des revenus de la société vient à être modifiée ou lorsque son actionnariat évolue. Il appartient donc à l’institution financière de contacter annuellement son client, afin de s’assurer que sa situation fiscale est à jour.

Si la lutte contre l’évasion fiscale se veut de plus en plus maîtrisée à travers l’échange automatique d’informations entre administrations fiscales de nombreux pays et sa traduction dans les processus bancaires, elle n’est sans doute pas encore optimale, en raison du risque opérationnel à ne pas avoir une connaissance de tous les clients à jour.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº825