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Gestion des risques

Le traitement du risque de contrepartie dans les opérations de marché sous Bâle III

Créé le

21.06.2011

-

Mis à jour le

26.07.2011

Dans le but de mieux appréhender l’exposition aux risques de contrepartie sur les opérations de marché, le Comité de Bâle, dans un document finalisé en décembre 2010, a introduit deux mesures : l’utilisation de la méthode « stressed EEPE » et une nouvelle charge en capital CVA (Credit Value Adjustment).

L’introduction, d'une part, de la méthode «  [1] » pour le calcul du capital réglementaire lié au risque de crédit, et, d'autre part, d’une nouvelle charge en capital CVA destinée à couvrir le risque de dépréciation de la valeur de marché des ajustements de crédit vient en réponse au constat dressé par le Comité de Bâle pendant la crise de 2008 : celui-ci a estimé que la majorité des pertes enregistrées par les banques étaient liées à une mauvaise estimation des ajustements de crédit et qu'un tiers des pertes seulement était dû à de réels défauts de contrepartie.

La méthode « stressed EEPE »

L’incapacité à mesurer correctement les risques liés aux expositions des portefeuilles OTC fut un élément crucial dans l’amplification des effets de la crise. À l’inverse d’un portefeuille de prêt classique, les positions OTC génèrent des expositions futures qui peuvent être au passif ou à l’actif de la banque, induisant ainsi un risque bilatéral de perte en cas de défaut. Les positions OTC ne génèrent un risque de contrepartie pour la banque que dans les cas où elles ont une valeur économique positive pour celle-ci.

Afin de prendre en compte cette particularité dans le calcul de la charge en capital réglementaire au titre du risque de crédit, la méthode EEPE permet d’évaluer l’exposition en cas de défaut en synthétisant le profil de l’exposition future de la contrepartie (voir Encadré). La banque estime, pour chaque contrepartie, son exposition EEPE et le montant de fonds propres nécessaires pour couvrir son risque de défaut. Les charges en capital sont alors consolidées au niveau global en agrégeant les différentes contreparties.

En complément de ce calcul, la nouvelle réglementation impose dorénavant aux établissements de recalculer les charges de risque de contrepartie en utilisant des paramètres de marché stressés. Ces paramètres sont calibrés en utilisant un historique de données de trois années incluant une période de stress de marché, caractérisée notamment par un élargissement des spreads de crédit des contreparties. Les deux calculs sont effectués au niveau global et la charge la plus importante est retenue pour le calcul des fonds propres liés au risque de crédit sur les opérations OTC.

L’utilisation d’un historique de données de marché stressées, c'est-à-dire incorporant notamment des phénomènes de contagion dans la détérioration du crédit des banques, vise à mieux tenir compte du facteur systémique dans le calcul des expositions potentielles aux contreparties.

La charge en capital CVA

L’estimation du profil de l’exposition espérée sert également de base de calcul à l’ajustement de crédit qui permet de mesurer le prix économique du risque de défaut de la contrepartie. Cet ajustement permet aux banques d’intégrer le coût du risque de contrepartie lors du pricing d’un produit OTC.

La CVA s’apparente à un produit dérivé dont la valeur de marché dépend des spreads de crédit de la contrepartie et de l’exposition future face à cette contrepartie. Certaines banques possèdent des desks spécialisés dans la couverture des différentes sensibilités de la CVA : crédit et autres paramètres de marché (taux d’intérêt, taux de change, prix des actions, matières premières, volatilités, corrélations).

Le Comité de Bâle a introduit dès décembre 2009, une nouvelle charge en capital afin de couvrir le risque de volatilité de la CVA et particulièrement celui de la détérioration de la qualité du crédit des contreparties. Dans sa proposition initiale, le Comité de Bâle a souhaité adopter une méthode simple et unifiée pour le calcul de la CVA. Il a ainsi préconisé la méthode de l’obligation équivalente. La CVA y est assimilée à une obligation hypothétique dont le notionnel est constant et égal à l’exposition totale en cas de défaut de la contrepartie et dont la maturité correspond à la maturité effective la plus longue du portefeuille OTC. Les mesures standard d’estimation du risque de marché sont alors appliquées à cette obligation hypothétique pour déterminer la charge en capital CVA. Cette décision suscita une réelle levée de bouclier de la part des banques qui lui reprochèrent principalement de ne pas refléter correctement la sensibilité de la CVA aux variations des spreads de crédit et de ne pas tenir compte de la structure par terme des expositions potentielles. Les critiques allaient jusqu’à démontrer que cette méthode générerait des effets pervers en encourageant les traders à ne plus couvrir le risque de contrepartie dans le but de réduire leur consommation en fonds propres.

Méthode avancée et modèle interne

En réponse, le Comité de Bâle a apporté des modifications significatives à sa proposition initiale en autorisant les banques à utiliser une méthode avancée intégrant les deux reproches.

La nouvelle méthodologie a également répondu à une autre critique, qui concernait la prise en compte des couvertures du risque de contrepartie via des indices de CDS. En effet, la proposition initiale prévoyait que seules les couvertures de crédit (CDS et CCDS) référençant spécifiquement une contrepartie étaient éligibles à une réduction de fonds propres. Malgré ces progrès, la charge révisée continue à susciter de nombreux mécontentements : certaines banques, très avancées en matière de CVA, militent pour l’utilisation de leurs modèles internes qu’elles estiment plus sophistiqués que la méthodologie proposée par le Comité.

Une autre critique pointe le fait que la nouvelle charge se focalise sur la sensibilité de la CVA aux spreads de crédit et ne tient pas compte de sa sensibilité à la composante marché. Cette dernière est pourtant tout aussi importante et, à cet égard, fait l’objet de couvertures spécifiques de la part des traders. Les banques argumentent sur le fait que ces couvertures ne leur permettent pas de réduire la charge en capital liée à la CVA mais qu’elles occasionnent un supplément de fonds propres au titre du risque de marché.

Le Comité de Bâle a pourtant choisi d’ignorer momentanément ces charges et vient récemment de confirmer qu’il n’autorise pas les banques à utiliser leurs modèles internes, prétextant l’incapacité actuelle des organes de supervision à auditer ces derniers et en valider l’usage. La réticence du Comité peut plus généralement s’expliquer par les défaillances en matière de modélisation mises en évidence pendant la crise.

À suivre…

Le sujet est loin d’être clos et les textes fondateurs du Comité sont encore susceptibles d’être modifiés. En effet, malgré son refus actuel, le Comité de Bâle n’exclut pas d’assouplir sa position en fonction de l’évolution des pratiques des banques dans ce domaine.

À retrouver dans la revue
Revue Banque Nº738