Tour du monde des pratiques RSE dans les banques

&Agrave; l'heure o&ugrave; les institutions bancaires subissent encore un feu nourri de critiques et o&ugrave; les r&eacute;glementations s'intensifient, soulever la question des pratiques de Responsabilit&eacute; sociale et environnementale (RSE) dans le secteur bancaire peut para&icirc;tre secondaire, voire incongru. Pourtant, l'int&eacute;gration des enjeux ESG (environnementaux, sociaux et de gouvernance) constitue pour les banques une opportunit&eacute; non seulement de mieux ma&icirc;triser leurs risques, mais &eacute;galement de d&eacute;montrer l'utilit&eacute; sociale de leur activit&eacute; et, par l&agrave;, de restaurer la confiance. Avant d'examiner plus avant les avanc&eacute;es et les promesses encore &agrave; tenir dans ce domaine, un regard sur quelques &eacute;volutions r&eacute;glementaires s'impose, en ce qu'elles concernent des pr&eacute;occupations RSE. Les banques pouss&eacute;es vers la RSE Depuis la crise des subprime , du naufrage de Lehman &agrave; celui de Dexia, les affaires touchant les banques alimentent l'exasp&eacute;ration g&eacute;n&eacute;rale. Pour pr&eacute;venir de telles d&eacute;rives, diff&eacute;rents dispositifs r&eacute;glementaires d'ampleur sont actuellement mis en place : le Dodd-Frank Wall Street Reform and Consumer Protection Act de 2010, B&acirc;le III et le syst&egrave;me de supervision bancaire europ&eacute;en, les lois bancaires en France et en Allemagne&hellip; Ces dispositifs visent &agrave; renforcer la ma&icirc;trise des risques, assurer la protection des consommateurs et contenir les effets syst&eacute;miques en cas de d&eacute;faillances majeures. La mise en œuvre d'une politique RSE au sein d'un &eacute;tablissement bancaire, qui peut participer &agrave; cette reconqu&ecirc;te de la confiance, doit s'articuler aujourd'hui avec les dispositifs r&eacute;glementaires en cours d'adoption, dont voici quelques illustrations : le Consumer Financial Protection Bureau, mis en place dans le cadre du Dodd-Frank Act pour superviser les produits financiers grand public, a annonc&eacute; avoir d&eacute;j&agrave; pris deux premi&egrave;res sanctions contre des &eacute;metteurs de cartes de cr&eacute;dit ayant impos&eacute; des conditions d&eacute;savantageuses ou inutiles &agrave; leurs clients ; dans le cadre de la r&egrave;gle Volcker, les investissements des banques dans les fonds sp&eacute;culatifs et les soci&eacute;t&eacute;s de capital-investissement sont plafonn&eacute;s &agrave; 3 % de leurs capitaux durs ( Tier 1 Capital ), de fa&ccedil;on &agrave; limiter la prise de risque ; la directive europ&eacute;enne 2010/76/UE, dite CRD 3, adopt&eacute;e le 24 novembre 2010, met en place un cadre l&eacute;gislatif en mati&egrave;re de politique salariale. Il vise &agrave; contenir le montant des r&eacute;mun&eacute;rations en pr&eacute;voyant le versement d'au moins 40 % des bonus (jusqu'&agrave; 60 % pour les plus hautes r&eacute;mun&eacute;rations) de mani&egrave;re diff&eacute;r&eacute;e sur une dur&eacute;e minimale de 3 ans ; la r&eacute;vision en cours de la directive concernant les march&eacute;s d'instruments financiers (MIFID) a pour objectif de prot&eacute;ger les consommateurs de produits financiers, en imposant aux prestataires de services d'investissement une obligation d'information vis-&agrave;-vis de leurs clients. Le manquement &agrave; la loyaut&eacute; des pratiques a constitu&eacute; l'une des causes majeures de la d&eacute;fiance manifest&eacute;e aujourd'hui par la soci&eacute;t&eacute; civile et les autorit&eacute;s politiques vis-&agrave;-vis des banques. Honorer la confiance de ses clients comme du march&eacute; est le fondement m&ecirc;me d'une responsabilit&eacute; vis-&agrave;-vis de ses parties prenantes. Cependant, d'un point de vue RSE, la question n'est pas tant de limiter les risques que de savoir prendre les &laquo; bons &raquo; risques. Capital et liquidit&eacute; constituent des ressources rares. Leur allocation, pour &ecirc;tre optimis&eacute;e, ne pourra ignorer les risques et opportunit&eacute;s associ&eacute;s aux nouveaux enjeux ESG : changement climatique, acc&egrave;s &agrave; l'&eacute;nergie, rar&eacute;faction des ressources, protection de la biodiversit&eacute;, agriculture durable, tendances structurelles en mati&egrave;re d&eacute;mographique&hellip; Sur le seul enjeu que repr&eacute;sente la transition verte, selon une &eacute;tude [1] de l'Agence internationale de l'&eacute;nergie, il faudrait investir plus de 25 000 milliards de dollars d'ici 2035 dans les &eacute;nergies renouvelables et les technologies bas-carbone pour limiter la concentration de gaz &agrave; effet de serre dans l'atmosph&egrave;re. Pour mettre en œuvre cette r&eacute;volution industrielle, misant sur des technologies innovantes, plus sobres, plus propres et plus s&ucirc;res, les banques seront absolument indispensables, de m&ecirc;me d'ailleurs que les hedge funds qui devraient &ecirc;tre amen&eacute;s &agrave; rendre compte de l'int&eacute;gration des crit&egrave;res RSE dans leur politique. Une incitation positive par le biais d'un all&eacute;gement des contraintes r&eacute;glementaires prudentielles serait &agrave; m&ecirc;me de favoriser cette prise de &laquo; bons &raquo; risques, en particulier pour les investissements de long terme. Cet all&eacute;gement serait r&eacute;serv&eacute; aux seules banques capables de d&eacute;montrer l'utilit&eacute; sociale et/ou leur contribution &agrave; la transition verte de leurs financements. RSE : les banques marquent des points En attendant cette prise en compte dans le cadre prudentiel, l'int&eacute;gration des enjeux ESG se poursuit au sein des banques, non seulement dans la communication externe, mais aussi dans les proc&eacute;dures et les modes de fonctionnement internes. Cette int&eacute;gration s'op&egrave;re selon un rythme diff&eacute;renci&eacute; suivant les institutions. Ainsi, au sein d'une m&ecirc;me zone g&eacute;ographique, de grandes disparit&eacute;s d'approche demeurent. L'int&eacute;gration des enjeux ESG est aujourd'hui initi&eacute;e ou d&eacute;velopp&eacute;e prioritairement par les grandes organisations internationales, notamment europ&eacute;ennes, australiennes ou cor&eacute;ennes (et des institutions pionni&egrave;res au Br&eacute;sil ou en Chine), qui d&eacute;ploient progressivement dans leurs implantations &agrave; travers le monde leurs strat&eacute;gies et politiques RSE. En termes d'organisation et de moyens, la place des directions RSE est un signe tangible : elles gagnent en autonomie, hors du champ des directions Ressources humaines ou Communication, pour b&eacute;n&eacute;ficier d'un rattachement direct au secr&eacute;tariat g&eacute;n&eacute;ral ou &agrave; la direction g&eacute;n&eacute;rale. La plupart des grandes banques internationales publient aujourd'hui un rapport RSE [2] , exercice contraint par le cadre r&eacute;glementaire national [3] ou encadr&eacute; par des recommandations issues des places de march&eacute; [4] . Cet exercice permet aussi de r&eacute;pondre aux questions des agences de notation extrafinanci&egrave;res et/ou aux exigences d' investisseurs institutionnels [5] . Et si le rapport participe &agrave; un souci de transparence et de r&eacute;putation pour la banque, les parties prenantes externes appel&eacute;es &agrave; le commenter ne s'en privent pas (voir Bank Trak et Oxfam, cit&eacute;s infra ). La maturit&eacute; naissante du sujet se traduit aussi par la mont&eacute;e en puissance d'ONG qui suivent le monde financier de mani&egrave;re sp&eacute;cifique (Bank Trak sur les politiques sectorielles, Oxfam sur le trading des produits agricoles [6] ). Les strat&eacute;gies RSE distinguent syst&eacute;matiquement ce qui rel&egrave;ve du compte propre, &agrave; savoir les ressources humaines et l'empreinte environnementale du groupe bancaire lui-m&ecirc;me, de ce qui rel&egrave;ve des activit&eacute;s m&eacute;tiers, c'est-&agrave;-dire l'empreinte indirecte, g&eacute;n&eacute;r&eacute;e par les activit&eacute;s financ&eacute;es par le groupe. En mati&egrave;re de politique de ressources humaines, les banques sont reconnues pour leurs programmes de formation et pour le traitement salarial favorable qu'elles r&eacute;servent &agrave; l'ensemble de leurs collaborateurs &ndash; au-del&agrave; des pol&eacute;miques qui concernent les bonus r&eacute;serv&eacute;s &agrave; quelques cat&eacute;gories de salari&eacute;s et que la r&eacute;glementation cherche &agrave; encadrer. Elles sont par ailleurs des sources significatives d' emplois [7] stables et qualifi&eacute;s. Sur le plan environnemental, des initiatives ont &eacute;t&eacute; prises en faveur de la r&eacute;duction des &eacute;missions de CO2, dans un souci d'exemplarit&eacute; et de sensibilisation en interne. Ces programmes concernent la r&eacute;duction des d&eacute;placements et des consommations, la gestion de portefeuilles d'actifs immobiliers visant &agrave; l'efficacit&eacute; &eacute;nerg&eacute;tique, ou des investissements dans des fonds destin&eacute;s &agrave; l'obtention de cr&eacute;dits carbone. Impacts indirects : des efforts insuffisants Pour la majorit&eacute; des grandes institutions bancaires, les politiques RSE vont au-del&agrave; des sujets &laquo; compte propre &raquo; et concernent &eacute;galement les activit&eacute;s &eacute;conomiques financ&eacute;es par les banques. Certes, trop peu d'objectifs sont encore propos&eacute;s et trop peu d'explications fournies par les banques pour d&eacute;montrer si l'int&eacute;gration des sujets ESG est effective et d&eacute;crire les difficult&eacute;s rencontr&eacute;es. Toutefois, il existe bien des actions structur&eacute;es, autour de feuilles de route coh&eacute;rentes avec la strat&eacute;gie du groupe et port&eacute;es par des d&eacute;clarations et des engagements de la direction g&eacute;n&eacute;rale. Des initiatives volontaires ont &eacute;t&eacute; adopt&eacute;es par la majorit&eacute; des acteurs et sont devenues des pratiques de Place aujourd'hui bien connues, comme les Principes de l'investissement responsable, sous l'&eacute;gide de l' UNEPFI [8] , ou les &laquo; Equator Principles &raquo; [9] . Un certain nombre de banques, en particulier europ&eacute;ennes, mettent &eacute;galement en œuvre des politiques sectorielles. S'inspirant des recommandations de l' IFC [10] , les projets sont examin&eacute;s au crible de crit&egrave;res ESG sp&eacute;cifiques &agrave; un secteur consid&eacute;r&eacute; comme sensible (centrales thermiques ou nucl&eacute;aires, armement, p&acirc;te &agrave; papier, mines&hellip;). Dans le secteur de l'huile de palme, par exemple, les risques &ndash; associ&eacute;s aux conditions de travail des employ&eacute;s, &agrave; la d&eacute;forestation, &agrave; l'utilisation des ressources, &agrave; la qualit&eacute; nutritionnelle du produit &ndash; font l'objet d'une &eacute;valuation syst&eacute;matique ; si certains crit&egrave;res ne sont pas satisfaits (par exemple, l'engagement dans un processus de certification reconnu, comme le RSPO [11] ), l'op&eacute;ration de financement n'a pas lieu. Ce r&ocirc;le de sensibilisation et d'accompagnement que les banques peuvent jouer vis-&agrave;-vis de leurs clients sur les enjeux ESG est r&eacute;ellement d&eacute;cisif. &Agrave; l'instar des banques de d&eacute;veloppement et dans la logique des politiques sectorielles, les impacts socio-&eacute;conomiques ( ex ante et ex post ) associ&eacute;s aux financements commencent &agrave; &ecirc;tre identifi&eacute;s et &eacute;valu&eacute;s. Les politiques sectorielles ont &eacute;galement vocation &agrave; s'appliquer au sein de la gestion d'actifs en coh&eacute;rence avec les strat&eacute;gies d'ISR (Investissement socialement responsable) d&eacute;j&agrave; d&eacute;velopp&eacute;es. Celles-ci restent tr&egrave;s diverses, de l'&laquo; exclusion &raquo; &agrave; la s&eacute;lection Best in Class en passant par les fonds th&eacute;matiques, et peuvent se r&eacute;v&eacute;ler plus ou moins contraignantes. Si la progression des fonds ISR est ind&eacute;niable, comme le rappelle le dernier rapport d'Eurosif [12] (+45 % en Europe sur les fonds Best in Class ), elle est largement soutenue par les investisseurs institutionnels. Cependant, trop peu d'&eacute;pargnants individuels sont s&eacute;duits, faute sans doute de conseillers client&egrave;le suffisamment form&eacute;s, mais aussi faute de pouvoir expliciter en quoi ces strat&eacute;gies influent sur les entreprises (voir &eacute;galement le dossier du Revue Banque n&deg; 758 sur l'ISR ). Des actions en banque de d&eacute;tail Les offres de produits ou de services &agrave; destination de la client&egrave;le de d&eacute;tail, int&eacute;grant des dimensions environnementales et/ou sociales, restent insuffisamment d&eacute;velopp&eacute;es. Plusieurs initiatives m&eacute;ritent toutefois d'&ecirc;tre soulign&eacute;es, en particulier en ce qui concerne l'accessibilit&eacute; bancaire et l'accompagnement en cas de situation de fragilit&eacute; par un nombre croissant d'institutions, comme en Australie, en Afrique du Sud ou en Europe. Pour les banques de d&eacute;tail implant&eacute;es dans les pays en voie de d&eacute;veloppement, des services de pr&eacute;bancarisation &agrave; moindre co&ucirc;t sont mis en place. Ce d&eacute;veloppement de l'acc&egrave;s bancaire peut se compl&eacute;ter d'un soutien aux institutions de micro-finance. La pr&eacute;vention du surendettement, d&eacute;j&agrave; tr&egrave;s encadr&eacute;e par la loi, notamment en France, reste une pr&eacute;occupation affich&eacute;e : des sites d'information se d&eacute;veloppent, d&eacute;connect&eacute;s des sites de vente de produits, et des &eacute;tablissements expliquent leurs politiques de s&eacute;lection et de pr&eacute;vention visant &agrave; &eacute;viter les engrenages. L'accompagnement des clients en situation de fragilit&eacute; commence &eacute;galement &agrave; se structurer : suivi personnalis&eacute;, proposition de produits bancaires adapt&eacute;s (notamment syst&egrave;mes d'autorisation syst&eacute;matique combin&eacute;s &agrave; des alertes par SMS, bar&egrave;mes de frais d'incidents plafonn&eacute;s). De mani&egrave;re plus large, la d&eacute;mat&eacute;rialisation des supports et des &eacute;changes (num&eacute;risation, paiement sans contact, par mobile) va profond&eacute;ment modifier la relation client et n&eacute;cessiter une adaptation des services offerts en agence ; cette r&eacute;invention passera sans doute par un mode plus collaboratif dans la conception et la distribution des offres, o&ugrave; seront davantage convi&eacute;es les parties prenantes de la banque, au premier rang desquelles les clients. Les produits demand&eacute;s seront de plus en plus coconstruits et diff&eacute;renci&eacute;s, et la finalit&eacute; de l'&eacute;pargne sur les sujets RSE sera de plus en plus questionn&eacute;e. Les sujets RSE vont continuer d'alimenter la r&eacute;flexion strat&eacute;gique des banques et leurs modes d'action, et m&ecirc;me de plus en plus fortement. Les &eacute;tablissements vont pousser l'ensemble des acteurs du march&eacute; &agrave; privil&eacute;gier les &laquo; bons &raquo; risques. Disposant de la comp&eacute;tence et de l'agilit&eacute; n&eacute;cessaires, les institutions financi&egrave;res participeront &eacute;galement au renouvellement d'une &eacute;thique de l'anticipation et de l'arbitrage, afin que rentabilit&eacute; et utilit&eacute; sociale se conjuguent et b&eacute;n&eacute;ficient &agrave; l'ensemble de la soci&eacute;t&eacute;. 1 World Energy Outlook 2011. 2 Sustainability Disclosure Database, GRI Global Reporting Initiative, http://database.globalreporting.org/search. 3 Loi Grenelle 2 en France, programme d&rsquo;actions europ&eacute;en "Responsabilit&eacute; sociale des entreprises : une nouvelle strat&eacute;gie de l'UE pour la p&eacute;riode 2011-2014 &raquo;, King Code III en Afrique du Sud. 4 Guide sur les informations ESG &agrave; publier : Bourse de Hong Kong http://www.hkex.com.hk/eng, bourse du Br&eacute;sil &laquo; Novo Valor &raquo;, RSE initiatives http://www.bmfbovespa.com.br/enus/bmfbovespa/sustainability. 5 De plus en plus d&rsquo;investisseurs suivent une strat&eacute;gie ISR (Investissement socialement responsable) et font leurs choix d&rsquo;investissement en fonction de crit&egrave;res extrafinanciers (ESG). 6 Rapport d&rsquo;OXFAM, &laquo; Banques : la faim leur profite bien &raquo;, 2013. 7 Pour le seul secteur bancaire, l&rsquo;Allemagne arrive nettement en t&ecirc;te : 675 000 emplois recens&eacute;s par la F&eacute;d&eacute;ration bancaire europ&eacute;enne, loin devant le Royaume-Uni (440 000 emplois), la France (380 000), l&rsquo;Italie (320000) et l&rsquo;Espagne (278 000). 8 United Nations Environment Programme Finance Initiative. 9 &laquo; Equator Principles &raquo; : 79 institutions financi&egrave;res internationales sont aujourd&rsquo;hui signataires, ce qui suppose d&rsquo;appr&eacute;cier les impacts environnementaux et sociaux associ&eacute;s aux projets financ&eacute;s sup&eacute;rieurs &agrave; 10 millions de dollars et d&rsquo;adopter des mesures de pr&eacute;vention ou de r&eacute;paration. http://www.equator-principles.com/index.php/members-reporting/members-and-reporting. 10 International Finance Corporation. 11 Roundtable on Sustainability Palm Oil - www.rspo.org. 12 European SRI study, Eurosif, 2012.

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